Bertrand Calenge : carnet de notes

jeudi 4 mars 2010

Gérer concrètement une collection : une solution pratique

Filed under: Non classé — bcalenge @ jeudi 4 mars 2010
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C’est une plainte récurrente des bibliothécaires : les modules des SIGB sont trop souvent incapables de procurer des outils efficaces permettant de gérer non pas uniquement des documents individuels mais bien des collections. Outre leurs subtilités de syntaxe de requête, ils ont le plus grand mal à produire de façon fiable et ergonomique les états dont nous avons besoin. Par exemple :
– dresser une liste de tous les documents en libre accès d’un espace, ordonnée en fonction du nombre de prêts constatés l’année précédente ;
– établir la même liste ordonnée selon les cotes validées
–  produire l’état de tous les livres prêtables édités il y a plus de X années et n’ayant connu aucun prêt au cours de l’année précédente.
– etc.
Un collègue d’université m’écrivait encore récemment en déplorant cette déficience, et je me suis rendu compte que je ne vous avais jamais entretenu d’un « outil » que nous avons mis en place il y a 6 ans à la Bibliothèque de Lyon (quelque temps après mon arrivée… et à la suite de mes identiques fureurs – comme responsable de l’évaluation –  devant les insuffisances des outils autorisés par notre SIGB).

De quoi avons-nous besoin ?

Est-il vraiment indispensable de demander aux SIGB de répondre simultanément à toutes les exigences de la gestion bibliothécaire et à toutes les recherches hétéroclites de nos usagers ? Lorsqu’il s’agit de poser les contextes des recherches de ces usagers dans un cadre explicite, ou encore lorsqu’il s’agit de modifier une donnée ou un champ dans une notice ou un statut de document, c’est évidemment indispensable. Mais lorsqu’il s’agit de faire le point sur l’état à la fois global et détaillé de la collection et de son activité, et de pouvoir travailler sur cet état, la réponse peut être plus nuancée. Alors, si le lecteur est volontiers braconneur, le bibliothécaire peut aussi contourner les problèmes par des chemins de traverse…

Bien sûr, pour ces états sont nécessaires tous les éléments constituant les notices bibliographiques à laquelle sont rattachés chacun des exemplaires, mais également toutes les informations relatives à ces exemplaires particuliers (prêtables ou non, statuts – disponible en rayon, en cours de prêt, en commande, en reliure, compteur totaliseur des prêts, etc.), comme le comptage des prêts que ces ‘exemplaires ont connus au cours de l’année. Toutefois, en a-t-on besoin en permanence ? Doit-on impérativement contrôler cet état au jour le jour ? Thierry Giappiconi en a réalisé une version à Fresnes, et c’est une bonne chose, limitée à quelques items. Mais au fond, l’analyse de la collection est une opération ponctuelle, qui réclame un minimum de recul et tolère un décalage avec le ‘temps réel’.

C’est sur ce décalage, contraint par les rythmes d’activité de la bibliothèque autant qu’incitant à cadencer ces activités, que nous avons joué. Chaque début d’année, donc, les bibliothécaires reçoivent une matière brute et figée, mais riche, organisée et surtout malléable : l’état détaillé des collections (et de leur activité passée) proposées aux publics dans chacun de leurs espaces respectifs… Mais chaque année seulement (la tâche est lourde, et mobilise autant les ressources d’un informaticien que de la ressource machine), sauf exigence majeure subite.

De quel fichier disposent les bibliothécaires ?

Eh bien, ce fameux catalogue malléable est tout simplement un fichier Excel dont chaque ligne correspond à un exemplaire, les différentes colonnes proposant titre, auteur, éditeur, année d’édition, numéro de notice bibliographique, numéro de code-à-barres, statut au moment T de l’extraction (disponible, en prêt, en commande, en reliure, etc.), catégorie documentaire (livre prêtable ou non, DVD, disque…), nombre de prêts sur l’année écoulée, nombre de prêts depuis l’entrée de l’exemplaire dans la collection (en fait depuis l’implémentation du SIGB actuel, soit au plus loin mi 1999). Bien entendu on trouve aussi indice (et, par agglutination automatique d’indices, libellés de sujets, et par agglutination de sujets domaine de contenu), cote validée, etc.


Comment ces fichiers sont-ils produits ?

C’est évidemment l’étape la plus complexe. Elle procède de manipulations non propriétaires aux SIGB, mais exige une vraie compétence informatique. Je n’ai pas la prétention d’en pratiquer les arcanes, et c’est un informaticien attentif et expert qui en maîtrise le subtil et délicat  processus… Je ne suis ici qu’un perroquet qui retranscrit ce processus (Merci Christian !!) :

  • Tout d’abord, il faut pouvoir exporter la base de données bibliographique et la base des exemplaires en format ISO 2709. Ce fichier passe par une moulinette (j’adore ce récurrent raccourci informatique !smileys Forum) qui va transformer le fichier ISO en fichier ASCII. Sur ce dernier, on applique un script Awk pour sélectionner les champs pertinents, puis un second script Awk pour traduire les indices Dewey implémentés en sujets et domaines. Et voilà un premier fichier.
  • Deuxième opération : parmi les solutions possibles, si on dispose de Crystal Reports – parfois fourni avec le SIGB – ou d’un outil similaire, on peut opérer des requêtes SQL sur les tables d’exemplaires du SIGB pour extraire les données du  compteur des « prêts à vie » (total des prêts qu’a connu l’exemplaire). Et on a un deuxième fichier.
  • Troisième opération :  sur le même principe, on lance des requêtes SQL sur la table des prêts pour en extraire le nombre de prêts annuels. Et voilà un troisième fichier.
  • Les 3 fichiers ont en commun le numéro de code à barres de chaque exemplaire, et pour certains le numéro de séquence de chaque notice bibliographique. Cela va autoriser des requêtes MySQL croisées, pour produire des fichiers .txt exportés ensuite en Excel, puis mis en forme. Ces requêtes MySQL restreignent notamment l’étendue de la requête (ici une restriction par localisation des documents concernés). Attention : chaque sélection doit respecter les limites d’Excel : 65 536 lignes et 256 colonnes pour Excel 2003  (avec Excel 2007, on peut atteindre 1 048 576 lignes et 16 384 colonnes, mais alors le fichier, s’il est entièrement renseigné, risque de requérir la puissance d’un ordinateur de Météo-France pour pouvoir être simplement ouvert !smileys Forum), soit pas plus de 65 536 documents et pas plus de 256 champs, et que par ailleurs chaque cellule ne peut excéder 255 caractères (on oublie l’export des résumés… même avec Excel 2007 : la limite par cellule reste inchangée !). On va donc éventuellement  appliquer des requêtes restrictives par sous-localisation, support, sujet,  etc., (c’est là que le bibliothécaire doit signaler les segmentations pertinentes) jusqu’à obtenir des fichiers Excel manipulables.

Comment sont-ils utilisés ?

Comme j’ai pu le constater, ce « catalogue Excel » est accueilli comme le messie. Les bibliothécaires vont pouvoir trier, filtrer, établir des tableaux croisés dynamiques, copier des sélections, extraire des états partiels selon le statut ou le sujet, etc., bref gérer la réalité de leur collection, cette fois-ci sans nulle soumission aux contraintes des requêtes au SIGB smileys Forum. Par exemple  et pour me limiter aux opérations les plus couramment effectuées :

  • déterminer les titres candidats au désherbage (absences de prêts l’année écoulée et, pour les livres, date d’édition)
  • calculer pour les livres l’âge moyen ou médian dans chaque domaine
  • vérifier l’état de la collection pour chaque cote validée
  • même repérer les erreurs grossières de cotation ou de champs remplis mal à propos dans le catalogue ou les données d’exemplaires  (Excel est impitoyable de ce point de vue : un simple tri met en évidence les aberrations)
  • etc.

Un tel fichier peut également servir de base de travail pour l’analyse et le traitement prévisionnel de la collection d’une bibliothèque appelée à déménager en de nouveaux locaux et à renouveler ses fonds en libre accès. Vous avez un extrait d’un de ces catalogues ici.

Quelques astuces, accompagnements et contraintes…

L’intérêt majeur d’un tel fichier exporté au format Excel réside en sa plasticité qui, associée à la puissance des outils de calcul dudit Excel, met vraiment l’ensemble d’une partie du catalogue – celle qui intéresse le bibliothécaire à un moment T – sous la main du professionnel, et lui permet d’agir. Je sais qu’en l’occurrence je parle ici  d’un applicatif spécifique et propriétaire, Excel, mais j’imagine qu’on pourrait inventer des procédures similaires avec Open Office ou d’autres logiciels. A vous de dire…

(ouvrons une parenthèse) Pour ceux qui ne l’auraient pas remarqué, j’apprécie beaucoup Excel, pour quatre raisons :
1.  Le temps me manque pour explorer les arcanes de multiples outils alternatifs… et puis zut, je reconnais mes limitations technologiques !!
2.  Excel est installé nativement sur tous les postes professionnels de la bibliothèque où j’exerce (pack office) ;
3. Je crois indispensable que les agents soient maîtres de leurs outils, et qu’ils puissent manipuler les données de la façon la plus ergonomique ;
4. Enfin, raison majeure, Excel présente l’énorme atout d’être un couteau suisse du traitement des données : je parle ici du catalogue, mais j’ai évoqué ailleurs le traitement des réservations en cours, la gestion des plannings, les pointages de livraisons de libraire, comme j’aurais pu parler du suivi prévisionnel des acquisitions,des traitements statistiques, …

Un bon outil doit proposer une grande capacité de polyvalence de situations : dans les premières formations Excel organisées  auprès des agents, j’avais demandé qu’on commence par l’établissement de la feuille de paye de la nounou (maintenant, tous les outils sont en ligne)… Soyons maîtres de nos outils, mais plus la bibliothèque est grande et les compétences inégales ou diverses, et plus il faut proposer, pour autoriser l’exercice effectif de cette maîtrise, des couteaux suisses (pas si) rudimentaires mais (vraiment) polyvalents (fin de la parenthèse).

Toujours est-il qu’on ne balance pas des données brutes, fussent-elles sous Excel, à des collègues sans les accompagner. J’ai parlé de formation : c’est sans nul doute nécessaire, mais à condition de l’étayer abondamment par des accompagnements personnalisés, la mise en place de référents logiciels, et surtout de tutoriels les plus pédagogiques possible.
Ces tutoriels ne sont pas que techniques. Au contraire, ils doivent s’appuyer sur des situations appuyées sur des préoccupations professionnelles : par exemple, sur quels critères (et pourquoi) établit-on une sélection des titres de livres à désherber ? Que signifient un âge moyen et un âge médian dans le cas d’une collection d’imprimés ? Dans quel ordre procéder pour sélectionner les items adéquats ? Etc. L’outil n’est rien sans documentation professionnelle et accompagnements persistants.

Comment ce « catalogue Excel » s’articule-t-il avec les acquisitions régulières ?

L’avantage d’utiliser souvent Excel, c’est que ça permet de combiner plusieurs outils conçus avec   ce même Excel pour divers processus distincts. Les bibliothécaires disposent par ailleurs d’un fichier « tableau de bord des acquisitions », à la fois objectif annuel d’acquisitions et tableau de bord en temps réel du suivi de leurs acquisitions courantes. Ce fichier Excel comportant lui aussi une feuille avec une ligne par titre acquis, il n’est pas trop difficile, au prix de quelques copier-coller, d’établir un état par exemple à mi-parcours (en été) combinant la collection existante une fois désherbée et les acquisitions engagées, afin de vérifier les manques, les déséquilibres, etc., et donc de se mettre en mesure de les rectifier…

Est-ce une solution idéale ?

Non, bien sûr, ce n’est pas idéal, dans la mesure où, au fur et à mesure que l’année avance, l’absence de temps réel rend la gestion de ce ‘catalogue Excel’ – même combiné avec le fichier Excel des acquisitions – , plus hasardeux et moins pertinent. Mais c’est en tout cas bien plus efficace que l’attente millénariste du module de SIGB miraculeux qui viendrait résoudre toutes les angoisses, surtout si la production du fichier Excel est régulièrement regénérée.

Et puis, je crois que l’instantané que représente chacun de ces fichiers bruts est non seulement une excellente occasion offerte à tous les collègues de faire un temps d’arrêt sur ‘leur’ collection,  mais aussi une pédagogique opportunité de s’emparer de ses caractéristiques listées, de les trier, combiner, manipuler, etc. Certains d’entre eux vont jusqu’à vérifier l’évolution de leur fonds par juxtaposition de traitements successifs de leurs états annuels, pour réfléchir à l’évolution de l’offre qu’ils présentent à leurs visiteurs… Bref, on autorise ainsi ce dont nous manquons trop souvent : une mise en perspective, une prise de recul, un temps de réflexion au sein du flux pressant et continu des acquisitions, des emprunts, des questions des visiteurs, etc.

A souligner : trop peu de SIGB proposent nativement une exportation de requêtes MySQL des bases de données. A ma connaissance, seul Papyrus2000 propose nativement (donc sans toutes ces manip’, mais seulement pour petites et moyennes bibliothèques) à la fois export de la base et export de requêtes spécifiques via MySQL vers des fichiers Excel. Mais je ne suis pas expert en la matière… En connaissez-vous d’autres ? Et, si ça se trouve, vous êtes des centaines à pratiquer ce type d’export ?! Témoignez !!
Et sinon, chers collègues membres des clubs d’utilisateurs de SIGB, qu’attendez-vous pour imposer (proposer instamment ?) à vos fournisseurs l’ajout d’une telle procédure, ergonomique, indispensable à la gestion et à la maîtrise des données de vos établissements ?

samedi 23 Mai 2009

Taux d’accroissement et taux de renouvellement…

Filed under: Non classé — bcalenge @ samedi 23 Mai 2009
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C’est le rouge au front que j’écris ce billet. La question d’une collègue sur la modalité de calcul du taux de renouvellement de sa collection en libre accès en est la cause, car elle est venue me voir en tenant religieusement à la main l’ouvrage « Conduire une politique documentaire » (dont vous savez peut-être que je suis l’auteur). Et de m’interroger avec perplexité, car, ayant acquis quelques 250 nouveaux titres pour une collection de 2 000 volumes, et ayant par ailleurs désherbé 280 titres,  elle avait suivi à la lettre la formule qui indiquait que le taux de renouvellement se calculait en soustrayant le nombre de désherbés du nombre de nouveaux titres, puis en divisant le résultat par le nombre de volumes de la collection : et évidemment, elle obtenait un résultat négatif !

Honte sur moi smileys Forum, ma plume avait fourché : la formule ci-dessus définissait en effet le taux d’accroissement d’une collection (= de combien de volumes la masse augmente ou diminue, exprimé en pourcentage si le résultat final est multiplié par 100), et non le taux de renouvellement !

Mais comme il n’est jamais trop tard pour bien faire , je m’empresse de donner une ‘bonne’ formule  pour le taux de renouvellement : dans la mesure où ce qui intéresse prioritairement le bibliothécaire est de connaître la part de ce qui est récemment acquis dans l’offre documentaire actuelle, la formule la plus simple est :

TxRen = (An / Cn+) * 100

TxRen est le taux de renouvellement
An
est le nombre d’acquisitions d’une année
et Cn+ l’état de la collection en fin de cette même année.

On sait ainsi quelle proportion la collection présente propose en acquisitions récentes : c’est ce qu’on appelle couramment le taux de renouvellement (d’ailleurs, la bonne expression devrait être ‘taux de rafraîchissement’, le renouvellement supposant étymologiquement un retrait préalable. Mais bon, testons-en là… pour l’instant) : pour mon exemple, le taux de renouvellement de la collection était de 12,5 %….

Il est vrai que cette formule très pratique ne rend pas compte du processus complexe du renouvellement, qui effectivement peut aller au-delà d’un état final de la collection, et s’intéresser à l’action conduite sur la collection tant en termes de retraits que d’enrichissements (d’où d’ailleurs mon lapsus calami). Mais elle reste la plus opératoire pour évaluer l’état d’actualisation d’une collection dans la mesure où elle intègre de fait les désherbages opérés, puisque la collection considérée est celle en fin d’année, toutes acquisitions et tous retraits compris…

Et pour me faire pardonner jusqu’au bout, je vous offre une autre formule, signalée dans « Bibliothèques et politiques documentaires à l’heure d’Internet » (vous avez le droit de l’acheter, si, si !), et que cette fois-ci j’ai revérifiée en tremblant, le taux de renouvellement souhaitable. Ce taux permet non de calculer la réalité effective du taux de renouvellement effectué, mais celui qu’il faudrait réaliser :

(( C / Dv ) / C ) * 100

C = Nombre de documents dans la collection
Dv = Durée de vie active de la collection

Le résultat, exprimé en pourcentage, donne la proportion de la collection qu’il est souhaitable renouveler chaque année (si on se contente de C / Dv, on a un nombre, qui signale le nombre d’acquisitions nouvelles à opérer annuellement).
La durée de vie active s’appuie sur la définition de la « demi-vie active » : on ordonne les prêts d’une année par ordre croissant en fonction de la date d’édition de chacun des livres concernés (c’est inefficace sur les disques ou DVD), et la médiane signale la date d’édition de la ‘demi-vie active’ (donc la date d’édition du livre prêté exactement au milieu de cette série ordonnée). Par convention, la ‘demi-vie active’ sera calculée en soustrayant cette date médiane de l’année courante de relevé de la collection + 1 (pour tenir compte des titres acquis au cours de l’année de relevé et non nécessairement disponibles au prêt tout au long de l’année). Par exemple, si dans un catalogue de fin 2008 la médiane des prêts de l’année écoulée est l’année 2004, on décompte : (2008 – 2004) + 1 = 5 ans.

La durée de vie active est alors une décision de bibliothécaire qui pondère les appétences des publics en tenant compte d’autres priorités documentaires, et se situe entre 2 fois la ‘demi-vie active’ (on suit le plus possible les usagers) et 3 fois celle-ci (on s’en écarte volontairement sans les négliger totalement) . Bref, dans mon exemple et pour une collection de 1 000 volumes, la durée de vie optimale (deux demi-vies) sera de 10 ans, donc générera 100 nouveaux achats par an (optimal au plus près des usages) , ou jusqu’à la durée de vie maximale (trois demi-vies) de 15 ans, donc sollicitera 67 titres annuels (pour explorer d’autres pistes sans trop négliger les emprunteurs). L’avantage de la durée de vie active, c’est qu’elle laisse les choix des emprunteurs peser dans la décision, sans pour autant imposer un renouvellement mécanique.

Mais vu comme je suis doué en arithmétique smileys Forum, je suis sûr que l’une ou l’un d’entre vous trouvera des formules plus simples !!!

mercredi 22 avril 2009

Prêts et indicateurs : taux de fonds actif, taux de disponibilité utile, etc.

Filed under: Non classé — bcalenge @ mercredi 22 avril 2009
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Ça y est, j’ai enfin achevé depuis quelques semaines la fastidieuse collecte des données statistiques requises par nos différentes tutelles. Fastidieuse par sa réitération, mais parfois passionnante par les analyses qu’elles permettent de conduire, surtout quand un collègue intrigué par une donnée vous interroge sur sa signification. Et, même si d’autres mesures ou études questionnent naturellement les professionnels, c’est souvent autour des emprunteurs et des prêts que tournent les interrogations.
En outre, j’ai noté que mon billet très technique sur les taux de rotation avait intéressé beaucoup de gens.
Alors, je vais m'(vous) offrir une pause méthodologique sur deux ou trois analyses intéressantes concernant les prêts, part la plus visible (et la plus éprouvante) dans notre activité, et en particulier cette fois-ci sur l’efficience des services rendus (point d’ailleurs pas du tout abordé dans les rapports statistiques destinés au ministère). On accroche la ceinture, et on y va !

Taux de fonds actif

Les taux de rotation permettent, sur une collection ou un segment de collection, de connaître son succès global. Mais, même très élevé, il ne garantit pas un égal succès à tous les exemplaires proposés à l’emprunt : les best-loaners peuvent masquer l' »inactivité » de nombre de titres. Par exemple, si 100 titres sont proposés et qu’on constate 500 prêts, on aura un taux de rotation de 5. Mais si, sur ces mêmes 100 titres, 50 ont été empruntés 10 fois chacun et 50 autres jamais, on aura encore un taux de rotation de 5 (si si ! relisez ! ça fait 500 prêts pour un volume global de 100 titres !)… sauf que la moitié de la collection n’aura pas trouvé son public – au moins d’emprunteurs – et que l’autre moitié aura été largement exploitée. Il est donc plus qu’utile de disposer d’une extraction qui ne repère que les exemplaires réellement empruntés au cours d’une année, et de confronter le résultat aux exemplaires disponibles à l’emprunt.

Taux de disponibilité utile

Dans la même démarche, intéressons-nous à la réalité du fonds tel qu’il peut être perçu par un emprunteur potentiel à un instant T : certes,on peut espérer qu’il aura à sa disposition un certain nombre de documents sur les étagères, mais présentant quel intérêt ? Sans vouloir qualifier la foule des emprunteurs de moutons de Panurge, force est de constater que rares sont les intérêts extra-ordinaires : comme l’expliquait un certain Morse aux Etats-Unis, plus un livre est emprunté, plus il a des chances de l’être (et la proposition inverse est également vraie). Or le libre accès, dont l’espace est compté, est ordinairement destiné aux documents qui ont la plus grande probabilité d’usage et donc d’emprunt (ce constat ne retire aucune valeur aux documents plus confidentiels, rangés eux en magasins). Il est donc intéressant de vérifier l’intérêt potentiel que peut présenter un rayon pour un utilisateur lambda. Pour cela, il faut disposer d’une photographie du rayon à un instant T (à Lyon, c’est le 31 décembre) : un certain nombre de documents sont alors absents car empruntés, mais ceux qui restent peuvent être répartis en 2 catégories, celle des documents qui ont connu au moins un emprunt dans l’année (et donc susceptibles d’en connaître au moins un autre), et celle des documents n’ayant pas connu un seul emprunt (ne sont-ils pas là pour « meubler », telles les bibliothèques au mètre autrefois affectionnées par les notaires de province ?). Il suffit d’effectuer un petit calcul simple : fonds théoriquement disponible (sur catalogue), moins titres empruntés (donc indisponibles), et moins titres jamais empruntés (donc potentiellement inintéressants) = l’offre documentaire active réellement proposée au visiteur. Rapporté en pourcentage sur le fonds théoriquement disponible, cela produit un taux de disponibilité utile. Faites l’expérience, ce peut être instructif : un segment de collection en libre accès qui s’enorgueillit de ses 1 000 volumes peut très bien ne comprendre que 10 à 15 % de titres potentiellement disponibles… ET utiles au public visiteur.

Analyse des réservations

Votre bibliothèque autorise les réservations en ligne ? Voilà un outil d’évaluation intéressant. On peut exporter une liste de toutes les notices et exemplaires qui ont connu une réservation au moins sur les 12 mois précédents, et l’ordonner par nombre de réservations sur le titre ou – en particulier pour les établissements multi-sites – par exemplaires localisés. On imagine que le résultat viendra conforter les best-sellers ? Ce n’est que partiellement exact : certes, si on aborde la question sous l’angle du nombre absolu de réservations par titre – sans tenir compte du nombre d’exemplaires disponibles de ce titre -, on retrouve effectivement en majorité des best-sellers (à Lyon, la trilogie Millenium bat tous les records, à juste titre si je suis mon avis de lecteur de base). La performance peut encourager à multiplier – en nombre raisonnable – les rachats d’exemplaires supplémentaires. Mais plus intéressant encore est le nombre de réservations par exemplaire, notamment dans le cas où le dit exemplaire est singulièrement solitaire dans la collection : je constate que, dans nombre de cas, la demande porte sur des titres a priori très pointus (manuels d’informatique spécialisés notamment) et maigrement acquis… Alors je m’interroge : si les best-sellers – en général littéraires – méritent d’être acquis en exemplaires multiples au vu de ces réservations, la même exigence ne saurait-elle s’appliquer à des titres moins médiatiques – et donc acquis en moindre nombre, quoi qu’en disent les tenants de « l’exigence culturelle » – ? Ne peut-on ‘déclencher’ l’acquisition d’un exemplaire supplémentaire dès que le nombre de réservations atteint un certain seuil, même pour un ouvrage technique ?

Tenir compte du public ?

On aura noté que mes trois exemples posent les pratiques et demandes des emprunteurs au cœur de l’analyse. Certains jugeront futile voire démagogique cet intérêt pour leurs demandes, et on me balancera peut-être encore l’absurde dichotomie entre la part de l’offre et celle de la demande. Sauf que l’organisation même de la collection et des agents autour des fonctions de prêt place de fait les emprunteurs au cœur de ce type de service (attention, je n’ai pas dit de toute la bibliothèque !). En clair, si une part de l’organisation bibliothécaire s’oriente vers le prêt, cette part doit être jugée à l’aune des pratiques des emprunteurs (et je n’en ai évidemment qu’effleuré l’étude). On n’appliquera évidemment pas les mêmes critères aux services patrimoniaux, aux services de questions-réponses, aux offres de corpus numériques, aux appareils d’assistance pédagogique, etc. Mais si on parle prêt, on parle emprunteurs, et c’est des pratiques de ces derniers qu’il est question.

Il y a quelques années, à une époque où j’avais instauré la possibilité de demandes de titres même hors catalogue, j’avais argumenté auprès d’une collègue discothécaire (on disait comme ça à l’époque) : tout titre demandé plus de X fois devait être acquis et  fourni à ses demandeurs, quelle que soit sa ‘valeur’ aux yeux de la collègue en question. Folie, disait-elle : on va être débordé ! L’expérience fut tentée, avec des garde-fous élaborés (le nombre d’exemplaires racheté restant limité). Bilan : le poids financier des best-loaners ne dépassait pas 5 % des crédits ! Ce maigre investissement méritait-il une telle acrimonie ? Sûrement, non, mais encore fallait-il tenter l’expérience ; c’est une leçon que j’ai retenue : toujours essayer avant de pouvoir déclarer la validité ou l’impéritie d’une hypothèse de travail…

Quand on prête, on accepte aussi les règles du jeu des emprunteurs, quitte à en mesurer l’impact dans les budgets consentis. J’y reviendrai…

jeudi 9 avril 2009

Le rapport statistique d’activité (2) : le programme culturel

Filed under: Non classé — bcalenge @ jeudi 9 avril 2009
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Revenons sur le rapport statistique d’activité demandé par la DLL auprès des bibliothèques publiques : après le comptage du patrimoine, les animations posent d’autres problèmes…
La plupart des bibliothèques municipales s’adonnent à des lectures, ateliers, expositions, conférences, quand elles n’organisent pas de festival ou ne participent pas activement à une fête de la lecture, semaine de la science ou mois du livre d’art au moyen de multiples manifestations. Vouloir en produire quelques données statistiques, rien de plus naturel à première vue…

Sauf que :

  • additionner un festival complexe combinant de multiples manifestations partenariales qui mobiliseront vingt institutions et 80% de la population, et une « fête du livre » sympathique qui animera pendant deux jours les locaux d’un établissement, c’est additionner un chou et un lapin ;
  • accueillir 60 000 personnes pour une exposition prestigieuse bénéficiant d’un large écho, et recevoir les habitants du quartier pour admirer les travaux d’un photographe méconnu, ne relèvent pas de la même intention, conviviale ici et médiatique là, ni bien entendu du même type de comptage ;
  • vouloir compter les manifestations – quelle que soit leur ampleur -, sans chercher au moins à en dénombrer les participants, revient à s’émerveiller de sa capacité créative sans tenir nécessairement compte du public que l’on a réellement séduit.

Comme il n’existe pas de typologie fiable des événements donnant lieu à décompte (une telle typologie permettant alors une analyse comparative), l’évaluation reste approximative et relativement dénuée de sens. Donnons-en deux exemples :
– une bibliothèque réalise 60 heures du conte (c’est la preuve d’un investissement lourd) mais touche à chaque fois moins de 20 bambins (c’est beaucoup de travail consenti pour bien peu de personnes ?). Mais si elle déclare la réalisation d’un seul ‘cycle’ de « bébé comptines », elle s’enorgueillira d’avoir reçu plus de 1 000 enfants ;
– une bibliothèque – la même ? – conçoit un travail de collecte de mémoire associant plusieurs centaines de personnes qui, par exemple, vont travailler activement ensemble à exposer leur mémoire, et reçoit 10 000 personnes visiteuses de cette mémoire et dialoguant avec ses constructeurs. Une autre mène à bien l’accueil d’une exposition prestigieuse extérieure qui , médias aidant, recevra 20 000 spectateurs : quels décomptes dans chaque cas ?

Compter pour compter, ou faire reconnaître une fonction essentielle ?

Les données quantitatives sont donc bien ambigües. Certains ont osé d’autres approches plus « qualitatives », associant questionnaires de satisfaction (mais avec quelle analyse ?) et impact médiatique (dont l’objet semble bien inadéquat dès qu’il s’agit d’une animation ‘de proximité’ – heure du conte par exemple). J’ai un faible pour cette évaluation majeure qu’est le débriefing conduit avec une personne au fait des objectifs et des moyens, mais étrangère à la réalisation de l’animation elle-même. Ceci dit, cette forme d’évaluation ne saurait supplanter les données quantitatives pour emporter la conviction de nos élus !…

Car telle est bien la question : en quoi la bibliothèque est-elle légitime pour conduire un programme culturel ambitieux ? Certes, dans les plus petites communes, la question ne se pose guère : la bibliothèque est la seule institution culturelle municipale, et on attend d’elle qu’elle soit lieu de vie, de rencontres, de découverte : à elle les cycles de spectacles, les concours, les ateliers à foison, les expositions itinérantes ou non ! Tout est bon pour faire lien… En revanche, dans les collectivités plus importantes, bien d’autres acteurs interviennnent avec le concours des subsides municipaux : théâtres, musées, centres culturels, orchestres, etc. Et on reprocherait presque à la bibliothèque de dériver ses ressources vers des activités attirant un public qui sans cela se serait mieux dirigé vers ces autres manifestations souvent fort coûteuses. En bref, pourquoi la bibliothèque vient-elle manger le pain des institutions spécialistes de l’événement, alors qu’elle est pensée sous l’angle de l’approvisionnement documentaire d’une population ?

L’évolution des pratiques d’acquisition de connaissance peut montrer qu’il s’agit d’un mauvais procès( quelques études conduites à Lyon – au hasard !- confortent la pertinence de l’analyse). Au-delà des manifestations purement festives, les animations peuvent être envisagées comme des modalités d’offre documentaire (version tradi) ou d’offre d’appropriation de connaissance (version mod) : assister à un concert peut être beaucoup plus enrichissant qu’emprunter un CD pour une écoute personnelle, découvrir la pensée d’un auteur à travers une conférence peut être beaucoup plus intéressant que lire les 350 pages – écrites petit – de son ouvrage. Il est extrêmement important de convaincre tous nos interlocuteurs qu’en établissant des programmes culturels, les bibliothèques construisent intentionnellement un appareil d’appropriation de connaissances complémentaire et parallèle aux collections mises ensemble à disposition, et aux services en ligne qu’elles peuvent imaginer.

Alors, on pourra (on devra ?) , à coté des entrées, des visites sur les services en ligne, des prêts et consultations, faire intervenir enfin en statistiques légitimes les manifestations du programme culturel. L’exercice n’est certes pas facile. De façon basique sans doute :

  • régulièrement – trimestriellement ? – décompte du nombre d’événements (je les appelle les ‘animations rendez-vous’ : tel jour à telle heure, à compter selon les dates de rendez-vous, et non selon les cycles au sein desquels ils peuvent s’inscrire), nombre d’expositions ;
  • avec la même régularité, décompte du nombre de participants (on y est arrivé à Lyon, avec pourtant plus de 2 200 ‘événements’ en 2008) ;
  • plus stratégiquement en identifiant chaque année au sein du foisonnement des animations, notamment dans le cadre d’un rapport d’activité, les grandes intentions , à travers notamment les cycles, fêtes, « journées de » – patrimoine, science, livre d’art, etc., rapportés à leur intention d’augmentation du savoir (bref la politique documentaire dans sa forme culturelle ?).

Mais on arrêtera de vouloir, dans la même fiche d’un rapport statistique annuel, mêler les cycles généraux et les manifestations particulières, et négliger cet élément politiquement essentiel du nombre de participants.

D’autres indicateurs ou évaluations à faire reconnaître nationalement…

Cette réflexion suggère de creuser deux autres pistes, parmi tous les indicateurs rendant compte du renouvellement actuel des services documentaires (donc aussi des statistiques, comptages et autres évaluations produites par les bibliothèques), les pistes des services pédagogiques, et celle des colloques, congrès  et autres journées d’études:

  • Les services pédagogiques peuvent prêter à confusion : Bien sûr, tous les bibliothécaires connaissent l’assistance individuelle aux usagers, jeunes ou vieux, de la visite de classe à l’aide à la manipulation de l’OPAC. Je ne vise pas cette forme ordinaire (mais combien noble et pesante) de l’activité quotidienne, mais bien l’organisation d’ateliers structurés autour d’un projet pédagogique et programmés de façon volontariste : ateliers numériques (aide à la recherche d’emploi, création d’un blog), ateliers documentaires (réalisation d’un travail de recherche de groupe dans un cadre scolaire, séance d’apprentissage de la lecture d’une photographie), ateliers d’écriture coordonnés avec un projet d’enseignant ou d’association d’insertion, etc. La distinction d’avec les animations me semble peser sur 3 points : l’intention délibérément pédagogique, l’association avec un partenaire conduisant un projet pédagogique, l’organisation d’une programmation construite en fonction de cette pédagogie.
  • les colloques, congrès et autres journées d’étude représentent une autre facette de l' »activité connaissante » des bibliothèques – au moins des plus importantes d’entre elles. Je ne parle pas des journées d’étude et autres assemblées à caractère professionnel – au sens bibliothécaire -, mais des réunions scientifiques organisées par ou en collaboration avec les bibliothèques concernées. Un listage précis de ces événements, avec leurs thématiques, et du nombre de participants, me semblerait indispensable pour juger du poids des bibliothèques dans l’avancée des connaissances.

Certaines de ces réflexions paraîtront sans doute incongrues ou incomplètes. Elles exigent certainement nombre d’affinements méthodologiques. Il n’empêche que ces avancées recensées nationalement contribueraient efficacement à faire prendre en compte nombre d’évolutions notables, qui modifieraient positivement la perception de la fonction réelle des bibliothèques dans la société, comme les objectifs et programmes des bibliothécaires eux-mêmes.

samedi 21 mars 2009

Le rapport statistique d’activité : (1) le patrimoine, ou l’évaluation impossible

Filed under: Non classé — bcalenge @ samedi 21 mars 2009
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Comme chaque année, me voici confronté à la lourde tâche compilatoire du rapport statistique d’activités destiné à la DLL. Lourde tâche non tant par sa longueur que par l’ambiguïté des comptages pour quelques rubriques. Au-delà des interprétations délicates de certaines données (déjà évoquées ici ou ), il est deux comptages au moins qui me posent problème dans leur quantification même : le patrimoine et les activités culturelles. Pour ne pas infliger la lecture d’un billet trop long, je m’arrêterai ici sur le patrimoine.

Identifier le patrimoine

Quand on travaille dans une bibliothèque de quelque importance, on connait la présence, au-delà des collections les plus actives proposées en accès libre, d’une masse imposante de documents accumulés dans les magasins et plus ou moins identifiés.
S’il faut cerner ce que peuvent représenter les collections patrimoniales, on va naturellement se tourner vers ce stock. Première erreur ! A Lyon, les collections bibliographiques disposées en libre accès dans le département du Fonds ancien sont exceptionnelles – grâce à Henri-Jean Martin qui en a patiemment initié le rassemblement -, et sans nul doute patrimoniales.
Soit, incluons ces quelques milliers de documents parfaitement identifiés… et revenons aux magasins. Tout y est-il patrimoine ? Bien sûr que non : une partie des documents entreposés le sont simplement par déficit d’espace dans les salles de libre accès : d’ailleurs, ils peuvent être prêtés à domicile sur demande. D’autres représentent un héritage indistinct, souvent relativement contemporain, qui n’est pas proposé au prêt à la fois parce que les forces manquent pour les intégrer dans les outils bibliographiques informatisés (qui ont été mis en place au mieux une bonne vingtaine d’années auparavant)… et parce que, au fond, on en connait le caractère disparate et d’un intérêt indiscernable…

Alors, quels sont les documents patrimoniaux au sens du rapport évoqué plus haut ? On va bien sûr prendre le parti d’y inclure les fonds dits anciens, nommément désignés par les textes réglementaires. Pour les identifier, certains se réfèrent, par respect des circulaires, à la fameuse frontière de 1810 (d’autant plus pittoresque qu’elle ne se rapporte à aucun événement particulier dans l’histoire de l’édition, de la pensée ou de la société, mais plus prosaïquement à la date de naissance de la bibliographie nationale mise en œuvre par des bibliothécaires…), le défunt CSB recommandait une définition glissante des 100 ans d’âge, d’autres englobent selon un consensus local une période plus étendue (à Lyon, la frontière est 1920). Premier constat : ce qui est déclaré patrimonial en tant que fonds ancien relève d’un postulat local qui, même argumenté à chaque fois par d’éminents conservateurs, agglutine au niveau national des acceptions hétéroclites.

Le patrimoine saurait-il se confiner à la seule ancienneté ? Les textes le disent : il faut y comprendre également les fonds « rares et précieux ». La préciosité ne saurait guère s’estimer en termes financiers, les bibliothèques ayant rarement l’occasion de proposer leurs collections aux enchères, de même que la rareté, pour être exprimée valablement, mériterait un recensement international et un « seuil d’accession à la rareté » parfaitement défini. Faute de ces points de repère, on est vite démuni… Pourrait-on alors en conclure hâtivement que le patrimoine, c’est tout ce qui s’accumule dans les magasins (du moins dans les magasins non réservés à une circulation de prêts) ? C’est là une définition perverse confondant patrimoine et résidu en instance de traitement : les stocks résiduels datant du XXe siècle sont ô combien abondants sans projet intellectuel dans les magasins… !

Le choix  que j’ai opéré avec des collègues (purement statistique, mais quand même conceptuel) s’appuie sur une définition positive du patrimoine. Non, tout ce qui est stocké n’est pas patrimonial, seul l’est ce qui est explicitement désigné comme tel. Si on y trouve évidemment les fonds anciens désignés en fonction du consensus local cité plus haut, on va y ajouter pour les fonds plus contemporains (mais pas seulement) non tant des documents particuliers que des collections (ensembles de documents choisis et regroupés volontairement ensemble). Parmi celles-ci, peu nombreuses sont celles émanant des bibliothécaires eux-mêmes : le fonds local évidemment, une collection volontariste d’œuvres d’art contemporaines, etc. Pour le reste, rendons-nous à l’évidence, les véritables « collections » à valeur patrimoniale sont les ensembles constitués par des collectionneurs – particuliers ou institutions -, qui ont cédé à la bibliothèque la propriété, la gestion ou l’usage de ces unités documentaires et surtout intellectuelles. C’est le listage volontaire de ces collections spécifiques qui désigne, in fine, les « collections patrimoniales ».
Ah, j’oubliais, nous avons une autre règle : en élémentaire respect pour le « patrimoine », nul document pouvant être emprunté à domicile ne saurait être statistiquement déclaré patrimonial. C’est là une règle élémentaire de précaution, qui suppose un contrôle spécifique de la communication des  documents désignés patrimoniaux.
Donc on en arrive à un second postulat (au moins local) : est patrimonial tout ensemble documentaire identifié localement comme tel, à l’exception des documents non soumis à des règles de communication restrictives.

Décompter le patrimoine

Après tous ces efforts (encore une fois très localement décidés), il va falloir compter, car le rapport d’activités de la DLL est quasi-exclusivement quantitatif. Là, les difficultés s’accroissent, et les chiffres deviennent fous. Listons un  peu :
– comme on l’imagine, une bibliothèque publique et patrimoniale n’a pas souvent décrit tous les documents patrimoniaux dans ses bases bibliographiques. Il faut alors estimer, au doigt mouillé, la volumétrie globale des collections, et en soustraire la part cataloguée pour évaluer la part non incluse dans les catalogues ;
– l’introduction des nouveaux outils numériques de traitement des documents patrimoniaux donne quelques migraines à qui veut compter. Par exemple, l’adoption d’un format EAD pour la description d’archives diverses est mal traitable selon les codes quantitatifs existants : selon qu’on choisit l’unité de comptage au niveau de l’ensemble, de ses éléments de regroupement au premier niveau de dépouillement, au second niveau, ou plus finement encore…, combien a-t-on de documents ? Comme au XIXe siècle, on retrouve le paradoxe qui veut qu’un document n’existe que lorsqu’il est identifié comme unité distincte par les bibliothécaires ! Autre exemple, la numérisation des documents anciens (ou non) permet de créer des corpus d’images (les marques des anciens possesseurs, les enluminures,…) constituant autant de documents s’ajoutant à leurs originaux. Chaque document relié est-il unique ou existe-t-il aussi par les multiples unités de sens numériques qu’il permet de générer dans des corpus divers ?
– Un  dépôt ou un legs comportant une foultitude de monographies et emboîtages se révèlera d’une volumétrie incomparablement croissante au fur et à mesure qu’on dénombrera les milliers d’estampes contenues dans les emboîtages.
Ne parlons pas des périodiques imprimés, ces »documents de flux », ni des « bases de données patrimoniales ». Pour les premiers, leur patrimonialité est indiscernable – sauf si on fait l’acquisition d’une collection complète des fascicules d’un périodique disparu -, ou alors la très ancienne et toujours actuelle Revue des deux mondes est un élément patrimonial jusqu’aux plus récentes livraisons, dès qu’on n’en pilonne pas les fascicules. Pour les secondes,  la patrimonialité des bases numériques me laisse rêveur. Le numérique est par nature peu durable, et surtout les technologies évoluent : à Lyon est entamée une migration qui va permettre de passer d’une quatorzaine de bases de documents numérisés à une seule bibliothèque numérique intégrée. Je compte quoi ? La réponse est NC, ou si l’on préfère N(‘importe) C(quoi) !…

Des limites du comptage

Il est des moments où le comptage devient surréaliste, et par là-même inutile. Même si j’adore le moment final où je clos mon calcul de données en identifiant à l’unité près le chiffre impressionnant des collections patrimoniales (ouf !), j’en connais la vanité.

La volumétrie ne rend pas compte de la richesse réelle : plus on entre dans l’ère d’une production industrielle de l’édition (donc dès le XIXè siècle), plus c’est l’ « intention intellectuelle de collection » qui devient intéressante. Je cite souvent ce travail d’une élève de l’enssib, Cécile Röthlin, qui avait été chargée par une bibliothèque d’évaluer le « stock » acquis auprès de la famille d’un ancien libraire décédé, hongrois ayant fui en France après avoir connu l’invasion nazie puis les diktats du communisme, et avait consacré son temps à rassembler une collection fascinante sur les sources et manifestations des dictatures ayant sévi en Europe ; au-delà de la politique étaient convoqués la philosophie, l’art, la littérature, etc.,  constituant un ensemble remarquable par sa constante intention : rassembler les origines des totalitarismes du XXè siècle.  La bibliothèque acquéreuse (non, ce n’est pas la BM de Lyon) avait au départ l’intention de simplement combler les lacunes de ses collections , elle a découvert qu’elle disposait d’une entité patrimoniale, dont le bilan ne pouvait en aucun cas s’évaluer quantitativement, mais s’apprécier à l’aune de ses richesses interactives, comme un tout. D’autant que, après analyse, très peu nombreux étaient les titres individuels vraiment rares sur la place lyonnaise… : pour mon rapport, il aurait fallu que je me limite à intégrer soit 50 volumes (version « je comble des lacunes dans mes collections », bilan patrimonial peanuts) soit plus de 5 000 (version « je dispose d’une collection exceptionnelle « )…

Inventer d’autres formes d’évaluation du patrimoine

Pourquoi diable faut-il toujours dénombrer ? L’angoisse du nombre saisit toujours les bibliothécaires dès qu’il s’agit de collections (et pas seulement patrimoniales). J’y vois une des révérences du métier, celle portée à l’ « œuvre », et partant à la monographie. Toute collection est décomposable en segments matériels, toute pensée est fragmentable en unités monographiques. Et nous apprécions volontiers une collection à l’aune de ces unités, ou plutôt de ces fragments isolés. Mais tout responsable sérieux d’un secteur documentaire sait que tel titre aride n’a de sens qu’aux côtés de tel autre titre plus futile, que son rayon est un équilibre subtil entre diverses pensées auxquelles chaque rameau manquant serait éventuellement dommageable !
La différence entre la collection « courante » et la collection patrimoniale, c’est que la première tente une représentation vivante d’une pensée offerte à la communauté d’aujourd’hui – et est donc éminemment mouvante du fait de ‘évolution de cette communauté active -, autant la seconde pose en préalable la consistance d’une intention collectionneuse avant de bien sûr la rendre vivante et signifiante pour nos contemporains. Et, cela peut naturellement concerner aussi bien des collections contemporaines que des fonds vénérables…

Et je me dis qu’une autre approche ne serait pas inutile, et au moins complémentaire :
– identification et description sommaire (y compris, oui, la volumétrie) du fonds ancien « informel » (i.e. hors collections spécifiques) en précisant la date en-deçà de laquelle le stock est localement déclaré ancien ;
– identification particulière des collections non courantes identifiées comme des ensembles intellectuellement cohérents (« anciennes » ou non), des types de documents les constituant, en signalant leurs thématiques fortes, la couverture géographique et historique de leurs contenus voire de leurs contenants, et pourquoi pas leur volumétrie très approximative (un peu ce qui avait été mis en œuvre par le CCFr) ;
– indications sur les modes de description (métadonnées et niveaux d’accessibilité) des dites collections : catalogage traditionnel, traitement EAD, base d’images numérisées, fiche descriptive approfondie, etc.

Oui je sais, ce n’est pas très statistique. Mais si les statistiques sont faites pour éclairer les décideurs, celles concernant les collections patrimoniales me paraissent aujourd’hui d’une singulière pauvreté, alors qu’elles ambitionnent de compter près de 13 millions de livres (sans compter estampes, etc.) ! Un peu d’information contextuelle ne peut jamais être inutile, même si elle n’est pas transposable en graphiques ou pourcentages.

On me demande d’évaluer, et pour cela notamment (mais pas seulement, Dieu merci) d’opérer des décomptes. En matière de patrimoine, la question du décompte est singulièrement accessoire. Sinon pour argumenter en termes de moyens ou être les plus forts à la récré. Et encore ! Une collection patrimoniale restreinte mais cohérente, comme en possèdent et en exploitent plusieurs bibliothèques moyennes, peut être source de moult travaux, mises en ligne, travaux scientifiques, colloques, expositions, etc ! Et cette richesse-là vaut plus que des milliers d’unités dépareillées. Le patrimoine est construction et production plus que stock et   simple usage de consultation sur place, comme Nicole Balley le rappelle justement.

En matière de patrimoine, le compte n’est pas bon. Non ?

mardi 17 février 2009

Evaluation et statistiques : les enquêtes de satisfaction

Filed under: Non classé — bcalenge @ mardi 17 février 2009
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A la suite d’un entretien avec une jeune collègue se proposant de lancer une enquête de satisfaction, Papy Bertrand se permet une fois de plus de livrer ses réflexions sur cet exercice subtil…

Première réaction devant la question centrale formulée sur le ton de « qu’appréciez-vous le plus ? » : non, non, mille fois non ! Cette question, sous quelque formulation que ce soit, est seconde. La principale question est : « qu’est-ce que vous avez à reprocher ? ». car une enquête de satisfaction n’est pas réalisée pour attribuer des satisfecit – malgré son nom -, mais pour repérer les présentations, contenus, processus… qui ne donnent justement pas satisfaction ! (voyez le test de Saracevic et Kantor, qui, tout en voulant mesurer le taux de satisfaction des usagers souhaitant obtenir un titre lambda, n’hésite pas orgueilleusement à se qualifier de « test de frustration » !).

Deuxième observation (pas vis-à-vis de cette collègue, mais de bien d’autres avant) : le questionnaire auto-administré (i.e. la feuille à remplir seul en sortie d’établissement) est une très mauvaise idée dès que l’on pose des questions subtiles. En effet, le choix des mots, évidemment mûrement pesé par l’enquêteur, ne l’est peut-être pas autant pour celui qui parcourt les lignes et coche en vitesse. Dans ce domaine particulier, un questionnaire auto-administré doit se limiter à quelques items très simples (trouvez-vous l’accueil aimable ? Comment estimeriez-vous le niveau de confort ?….) et proposer une réponse sous forme de baromètre (de 0 – glacial -, à 5 – très chaleureux -).

Troisième observation (toujours en général) : oublions l’interface commode du questionnaire anonyme ! Une trentaine d’entretiens d’une quinzaine de minutes chacun, articulés autour des ‘impressions’ personnelles de l’enquêté, fourniront bien des pistes (et non une « vision scientifique ») utiles à améliorer la … satisfaction !

Quatrième observation : pour peu que l’on s’intéresse à l’opinion des usagers – en termes de satisfaction ou d’insatisfaction – et qu’on choisit de réaliser des entretiens, oublions les statistiques (bon, d’accord, un usager sur 30 ça fait mathématiquement 3,3%… mais ce n’est jamais qu’un individu sur 30 seulement !). En revanche, les observations incidentes et les termes utilisés sont très intéressants : de 30 interviewés ressortent nécessairement des informations importantes éventuellement communes… qu’il reste à synthétiser hors de toute  statistique !

Cinquième observation : bien sûr, on veut toujours caractériser la personne interrogée (âge, PCS, lieu de résidence, inscription ou non à la bibliothèque, etc.) ! Mais ces éléments – utiles pour le questionneur – sont des évidences pour l’interviewé. Il peut se sentir ‘scanné’ s’il est interrogé d’emblée sur ces caractéristiques. On commence donc par lui demander son avis… avant de le convier en guise de conclusion à décliner son identité socio-professionnelle !

Sixième observation : n’oublions pas la durée ! A Lyon, nous avions imaginé de produire un baromètre auto-administré autour de quatre ou cinq questions élémentaires, sur 3 ou 4 semaines distinctes par an, et sur plusieurs années. Ce n’est pas réalisé, faute de moyens d’exploitation, mais il faut bien reconnaître que, comme pour beaucoup d’autres évaluations, l’intérêt réside dans la longue durée : comment évolue la perception des visiteurs ? Là est la vraie question !

Septième observation : de quelle « satisfaction » parle-t-on ? Les enquêtes Libqual des universités mettent justement en relation le service attendu et le service ressenti dans le contexte particulier de ces universités : ces dernières ont l’avantage de pouvoir compter sur une structure reconnue des disciplines – qui structurent les universités – et des objectifs éducatifs de ces institutions. J’avoue ne pas très bien savoir comment Libqual pourrait être adapté à une bibliothèque publique… En tout état de cause, cet exemple prouve une chose : la satisfaction, pour être évaluée, nécessite de fixer un horizon d’attente communément partagé par les personnes questionnées, ou du moins par les acteurs (tutelles incluses). Ce travail de circonscription des niveaux de service minimaux ou espérés mérite d’être mené avant de parler de satisfaction !

Huitième observation, et peut-être la plus essentielle : la satisfaction des utilisateurs est corrélée à celle des acteurs. C’est dans les relations des agents de la bibliothèque avec les usagers, dans la satisfaction ou l’insatisfaction ressentie par le personnel, que se niche la plus grande part de la satisfaction ou de l’insatisfaction des publics. Les agents en « front office » sont les meilleurs porteurs des ‘sentiments’ des publics : il faut les questionner, les écouter. Alors que nombre de bibliothécaires, agissant dans des structures plus que modestes, affichent une totale idylle avec leurs publics, j’ai parfois l’impression que les enquêtes de satisfaction auprès du publics dans des structures plus imposantes sont parfois un substitut au mal-être des agents. Et si on commençait par faire des enquêtes de satisfaction auprès du personnel, sur leurs modalités de relation à leurs publics ?
Alors, satisfaction des seuls usagers ou satisfaction de tous les éléments du même ensemble bibliothèque ? Et satisfaction de quoi ?

mercredi 12 novembre 2008

Le service, le lieu, le flux… et le comptage !

Filed under: Non classé — bcalenge @ mercredi 12 novembre 2008
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Quand j’analyse les accès via Internet à nos différents -et nombreux !- services, je suis pris de vertige.

D’un côté j’ai des entrées physiques sur les sites éventuellement multiples de la bibliothèque, et une activité documentaire de consultation et d’emprunt  de documents matériels. Et de l’autre j’ai des visites ‘virtuelles’ (en pleine expansion !), des « lectures » de produits ‘internetiens’ (plus nombreuses encore que les visites « physiques » !). La tentation est grande d’en faire l’amalgame.
Et puis je me retiens : un déplacement vaut-il un clic ? Une lecture attentive d’un livre vaut-elle parcours rapide d’une page Web avant de revenir en arrière ou de cliquer sur un lien  hypertexte ?
Mais en même temps l’emprunt est-il suivi d’une réelle lecture, et personnelle en plus (i.e. par celui qui a effectué l’opération d’emprunt) ?
Donc je présente imperturbablement mes données de façon parallèle : d’un côté les entrées, de l’autre les sessions (mais je résiste quand même à en faire l’addition smileys Forum)

Et puis n’oublions pas la foule qui se presse dans les espaces publics -sans emprunter, mais pour travailler, rencontrer, consulter Internet, que sais-je encore ! -, les si nombreux auditeurs des conférences, les abondants visiteurs des expositions, … eux aussi souvent dépourvus de cette légitimité de l’emprunt, et encore plus de l’inscription… Mais au moins on peut les compter à l’entrée (ou à la sortie) !

Les bibliothèques sont prises dans un maelström étonnant : tout le monde ou presque produit et diffuse de l’information. Nous, nous voulons promouvoir et défendre et servir une collectivité particulière (et parfois aussi une institution singulière…). Le premier réflexe est de ‘protéger le marché’, celui de la valeur de la distribution (le prêt, pour parler – très – vite) ; ‘conserver la clientèle’ (les inscrits, pour parler toujours aussi vite) ; développer nos services à l’aune de nos comptages éprouvés…

De plus, une évaluation ne vaut que si ses conclusions sont lisibles et acceptables par les personnes auxquelles elles sont destinées. En l’occurrence, pour nos institutions publiques, nos tutelles. Notre expérience nous prouve que si une étude qualitative ponctuelle est toujours regardée avec intérêt, les nécessités de la gestion (et de l’argumentation politique) imposent des données chiffrées. Il faut donc disposer de données discrètes même pour des actions peu réductibles à de tels dénombrements et surtout non comparables entre elles par ces moyens élémentaires.

Tout service s’inscrit dans un  lieu, mais celui-ci est tantôt l’espace de la bibliothèque, tantôt celui des univers Internet proposés, voire ceux des individus dans leur lieu de vie. Le lieu bibliothèque connaît moult usages bien connus (les entrées, les prêts,…) ou moins connus (l’assistance individuelle, le travail personnel,…), en même temps que le lieu se dissémine via divers outils (voyez cette page de la BU d’Angers par exemple).
Les décomptes associent toujours le lieu et le service, ou du moins le veulent.

Or le flux fonctionne de façon différente avec Internet. S’il se porte volontiers sur un « lieu » précis, c’est parce que ce lieu est un réservoir d’information autonome, tel que peut l’être Gallica. Mais deux mouvements tendent à dissocier le service d’un lieu précis :

  • les différentes formes de services encouragent à multiplier les espaces sur le web, espaces pas toujours spécifiquement ou uniquement bibliothèque (voyez par exemple ImagineOn, un site consacré au théâtre des enfants co-géré par un théâtre et la bibliothèque du Charlotte and Mecklenburg County). Comment qualifier les visiteurs et acteurs d’un wiki collaboratif de type Wiki-Brest qui serait initié et hébergé par une bibliothèque ?
  • la dynamique des services dissémine la bibliothèque hors de ses murs, comme on peut le voir avec Librarything ou avec le récent accord entre la BnF et OCLC autour de WorldCat, voire avec les espaces bibliothèque créés sur MySpace…

Il devient alors très difficile, voire impossible, d’argumenter avec des données simples le succès et la fréquentation réels d’une bibliothèque donnée. Bien sûr, on me dira que ce phénomène ne fait qu’amplifier une réalité bien connue des bibliothécaires : le large cercle des vrais lecteurs du volume emprunté par un inscrit identifié, le public de manifestations hors bibliothèque mais initiées par ou co-gérées avec la bibliothèque, les activités réalisées hors les murs,…
Seulement voilà, Internet tend à rendre ces usages, jusque-là jugés incidents, largement majoritaires, et nous n’en sommes qu’au début d’une véritable explosion.

Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, bien sûr ! Les décomptes de prêts, d’entrées, de spectateurs, …, comme de visites-sessions ou de questionneurs,… demeurent un outil incomparable. Mais il va falloir trouver le(s) moyen(s) d’analyser le flux !

Hors l’enquête directe (coûteuse) auprès de la population servie pour mesurer l’impact diffus et parcellisé de la bibliothèque, que voyez-vous ?

vendredi 3 octobre 2008

Le dedans, le dehors…

Filed under: Non classé — bcalenge @ vendredi 3 octobre 2008
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Le hasard fait bien les choses. Le même jour, je lis presque à la suite :
– la réponse de Jérôme sur mon précédent billet, soulignant (à juste titre !) la nécessité de mesurer les services rendus pour évaluer l’impact sur la population ;
– un article débattu de Jean-Michel Salaün sur les risques pour une université de confier à des outils dits sociaux mais privés le soin de diffuser ce qu’on ne risque de ne pas pouvoir faire sans plantage (je résume grossièrement) ;
– un ancien débat de la BPI sur l’étude du CREDOC et en particulier la réponse que fit Thierry Giappiconi, qui estimait -en gros – que comptage n’est pas indicateur de service (il a raison !).

Quel rapport entre les trois ?

Entre autres, j’y vois l’énorme difficulté que peuvent avoir les organisations productrices ou dispensatrices de savoir à définir précisément leur objectif précis. Une société privée a son chiffre d’affaires et sa courbe de vente sous les yeux : là est son objectif. Mais pour le ‘savoir’, lorsqu’il est dispensé par des organismes publics,  quelle courbe de référence, quel objectif final ?

Dans les trois cas, l’objectif – bibliothécaire ou universitaire – vise autant l’action de l’institution (prêter, enseigner, proposer une conférence, diffuser le savoir enfin) que l’action de l’utilisateur vis-à-vis de celle-ci (emprunter, lire tel type de document, effectuer telle activité, réussir l’examen, etc., bref entrer sur le site – réel ou virtuel – et dans les codes de l’institution, dans un but répondant aux objectifs de celle-ci ). On me rétorquera que c’est la même chose pour un commerce : le vendeur se fiche bien de savoir qui portera le vêtement ! Oui, mais pour nous autres transmetteurs de savoir ? Du moment où notre objectif n’est fondamentalement pas l’acte d’ (acheter) emprunter, mais celui de diffuser sur une population ?

Quand on parle du ‘savoir’, de quoi parle-t-on ? Des objets détenus par l’institution et maîtrisés par elle ? Ou des flux qu’elle peut provoquer au sein d’une communauté, par des échanges de lecture, par des débats ouverts même ailleurs que dans l’institution, par la diffusion impalpable -eh oui ! – de sa production de savoirs ou de services ? Et pour cela, quelles mesures ?

Plus je fais de l’évaluation, plus j’en perçois la vanité fondamentale, du moins dès qu’elle veut dépasser le strict cadre du ‘dedans’ : mes entrées, mes prêts, les usages mesurés de mes produits, tant de personnes ont regardé ‘ma’ vidéo sur ‘mon’ site, je compte mes usages directs et j’en tire des conclusions (évidemment fausses : les gens partagent !).

Certes, il faut justifier notre existence, rendre des comptes, provoquer l’afflux de crédits et l’intérêt des décideurs. C’est évidemment essentiel. Cette démarche est légitime, mais elle me paraît outrepasser ses limites dès qu’elle prétend évaluer l’impact réel du service sur la population.

Alors le cœur des gens, au-delà des argumentaires institutionnels, comment le sondez-vous ? Comment mesurez-vous  l’impact de vos services et collections sur la population hors ces mesures internes (ou comment l’estimez-vous, soyons modestes !) ?

Bref le ‘dehors’, comment l’évaluez-vous ?

mercredi 1 octobre 2008

Comment dire le faire ? ou L’évaluation face à l’action

Filed under: Non classé — bcalenge @ mercredi 1 octobre 2008
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Pourquoi faut-il limiter le nombre de documents empruntés ? La raison oriente vers la nécessité induite par le risque de pénurie des rayons résultant d’un stock insuffisant ou d’acquisitions trop faibles, ou par les contraintes de la gestion logistique des flux. Une autre raison peut exister, que j’ai trouvée via une discussion avec Jérôme sur un article de Bibliobsession (ma référence bloguienne !!!!) portant sur l’intérêt de prêts en nombre illimité dans les bibliothèques.

Jérôme (dont on connait la création du blog Bambou) met en avant la nécessité de connaître l’impact d’un service (donc d’en mesurer l’utilisation) pour le gérer, le développer, le modifier, etc., et en conclut à la nécessité de provoquer l’inscription (gratuite et simplifiée, bravo !) pour mesurer l’usage individuel des différents services qu’il promet à ‘sa’ population – nombreux, et qui me mettent l’eau à la bouche !-. Et selon lui le prêt illimité encouragerait l’usage familial de la carte, gênant ainsi la validité de l’évaluation conduite à l’aide des données d’inscription croisées avec les données d’utilisation des services concernés. Loin de moi l’idée de fustiger ce souci d’évaluation, au contraire ! Ce serait contre-productif pour toute innovation. Mais …

Certes, avec une inscription gratuite et simplifiée, on facilite l’adhésion individuelle, mais cela ne limite en rien les usages collectifs (familiaux, amicaux) de cette carte : au contraire, sa liberté d’obtention et d’usage en fait un bien éminemment échangeable, le seul blocage pouvant venir de la responsabilité des documents empruntés (blocage qui existerait de toute façon avec l’utilisation libérale d’une carte limitée au prêt et illimitée en nombre de documents empruntés).

Inversement, l’inscription lourde et complexe rend également avantageux ce même usage collectif, par souci de rentabilité maximale. Le seul frein réside alors dans le nombre de documents empruntables : en limitant drastiquement ce nombre, on réduit arithmétiquement les opportunités d’usage collectif. Encore faut-il mesurer cette contrainte à l’aune du maquis éventuel des tarifs différenciés : lorsque ces derniers ne conduisent pas à limiter le type de documents empruntables (cas parfois des adolescents à tarif préférentiel pouvant accéder à toutes les collections), la famille faible lectrice inscrira l’adolescent pour l’usage commun, par économie.

En reconstituant tous ces raisonnements conduits, je le rappelle, dans un souci louable d’évaluation des services mis en oeuvre, j’en viens à me demander si on ne marche pas sur la tête. L’évaluation commande-t-elle le service, ou ne devrait-ce pas être l’inverse ?
Si je reprends les objectifs du prêt à domicile, j’y vois la facilitation de lectures (visionnements, écoutes…) par la population, seules les ressources disponibles pouvant poser des limites.
Si je parle offre d’accès libres à Internet, ou proposition de manifestations culturelles, ou…., c’est toujours dans ce souci de facilitation d’accès au savoir pour toute une population, selon des modalités diverses adaptées à la diversité des usages.

Dans cette multiplicité de services, certains demandent inscription par nécessité : nécessité de garantir le retour des collections empruntées (le prêt, la consultation de documents précieux), nécessité de gérer des flux coûteux ou limités en espace (animations n’acceptant que des groupes restreints et par ailleurs très courus), nécessité de répondre à une personnalisation du service (espaces numériques de travail personnels, « location de bibliothécaire« , service de référence personnalisé). Je dis bien inscription, pas nécessairement payante ni complexe !
Qu’on veuille améliorer l’évaluation des services en voulant inventer une base unique des inscrits aux multiples services nécessitant une telle formalité, qu’on encourage cette forme de « fidélisation enregistrée » par des petits plus appréciables (fils rss personnalisés, lettre électronique, …), soit. C’est un outil d’évaluation particulièrement appréciable.

Mais…

Mais il est deux chemins qu’à mon avis il ne faut pas suivre :

  • Vouloir à tout prix faire passer l’ensemble des services par le filtre de l’inscription (comme certaines collectivités avaient imaginé d’obliger toute personne voulant entrer à la bibliothèque à s’y inscrire)
  • Parallèlement n’imaginer un service qu’avec son appareil d’inscription restrictif.

Après tout, est-ce si grave qu’une inscription personnelle permette à tout un groupe de se partager le mêlme espace numérique de travail, s’il est sécurisé et limité en taille ? Est-ce si gênant que la femme emprunte pour son mari, le père pour ses enfants et le garçon pour ses copains ?

C’est à l’évaluation de s’adapter, de trouver d’autres modalités d’approche de la vie foisonnante, et non aux services à se plier aux canons de l’évaluation telle qu’elle semble si facile à manipuler.
Le résultat sera moins « propre », moins univoque, moins simple dans son interprétation. Alors, il faudra travailler les évaluations, les rendre audibles et lisibles. Mais ce n’est pas une question à faire peser en regard des services rendus.

Qu’en pensez-vous ?

lundi 4 août 2008

Evaluation et statistiques : les taux de rotation

Filed under: Non classé — bcalenge @ lundi 4 août 2008
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Ca monte et ça descend : pourquoi docteur ? Ca y est, pour la cinquantième fois, une collègue est venue me demander avec inquiétude si « ses » taux de rotation étaient bons… La question est vraiment récurrente (voir ici ou ). Alors j’en profite pour faire un billet de mise au point (et de débat, qui sait ?)

Commençons par le commencement : le calcul et l’expression du taux de rotation. Cet indicateur est normalement calculé de façon complète par la formule TxR = ((P+C)/F)x100 , dans laquelle le taux de rotation TxR est égal au total de l’addition du nombre de prêts P d’une collection sur une année et du nombre C de consultations de celle-ci, divisé par le nombre de documents de la collection, le résultat étant multiplié par 100. Seulement voilà : on ne sait pas repérer le nombre total de consultations sur une année (et extrapoler  des évaluations partielles de la consultation – par semaines-test comme ici – est un péché capital, statistiquement parlant), et l’usage français de cet indicateur ne joue pas en faveur d’une expression par pourcentage (surtout pas comme ça – je n’ai pas compris le calcul de ce taux-là : un taux de sortie ? ). On va donc être pragmatique :

Le calcul est simple : on prend le nombre de prêts effectués sur une année, et on le divise par le nombre de documents prêtables (bien penser à retirer du calcul les usuels). L’expression – le résultat – s’exprime donc habituellement non par un pourcentage mais par un nombre, dont la lecture est simple : un taux de 1 signifie que le nombre de prêts est égal au nombre de documents prêtables (en fait ce 1 pourrait être lu comme un 100 %. Les bibliothécaires aiment bien ces raccourcis, eux qui ont construit la Dewey sur de telles ellipses : l’indice 620 n’est autre que la traduction numérique de l’indice décimal 0,620, la totalité des connaissances étant contenue dans le 1, ce qui contribue à égarer les lecteurs, d’ailleurs… Fin de la parenthèse). Si le nombre est inférieur à 1 – par exemple 0,5-, c’est qu’il y a eu deux fois moins de prêts que de documents prêtables – par exemple 500 prêts pour 1 000 livres disponibles-, et inversement si le nombre est supérieur à 1, c’est qu’il y a eu plus de prêts que de documents prêtables – par exemple TxR = 2 signifie qu’il y a eu 2 fois plus de prêts qu’il y a de documents.

Questions de calculs

Cela suppose bien sûr que l’on parle de documents dans des situations de disponibilité comparables :
– il faut exclure les documents prêtables qui seraient stockés en magasin, et se limiter aux collections en libre accès. Il semble évident que si un document en magasin  connaissait un vif succès d’emprunt, sa place serait en libre accès (ne serait-ce que par facilité logistique !) ;
– il faut également exclure les prêts des périodiques (lorsque ceux-ci sont prêtables) : d’une part l’état des collections ne comptabilise pas (en général) le nombre de fascicules disponibles, d’autre part beaucoup de périodiques ont un usage de feuilletage et non d’emprunt (la presse en particulier).
Ceci étant dit, la simplicité du calcul ne doit pas conduire à des conclusions simplistes :

  • Ne perdons pas de vue que le nombre des prêts et le nombre des documents ne recouvrent pas la même réalité temporelle. En général, le nombre des documents est calculé à un instant T (par exemple au 31 décembre), mais le nombre des prêts est un cumul d’opérations de prêts qui s’étend sur toute une année ! Hypothèse amusante : si une bibliothèque veut booster son taux de rotation, il lui suffit de  désherber 75 % de sa collection au mois d’octobre pour élever mécaniquement ce taux ! Situation désespérante : une jeune bibliothèque qui ouvre en janvier avec 10 000 documents bien choisis – lesquels connaissent un succès d’enfer – et procède à des acquisitions massives pour disposer en octobre de 25 000 documents neufs aura un taux de rotation lamentable, les derniers titres entrés n’ayant pas eu le temps de rencontrer leur public… La vie est dure parfois.
  • Non, le fait d’avoir un taux de rotation de 4 par exemple ne signifie pas que toute la collection est sortie 4 fois ! En effet, il peut y avoir un nombre non négligeable de titres qui ne sortent jamais, et d’autres être des best-sellers ! J’ai rencontré des bibliothèques dont 30 % (voire 50 % dans des cas extrêmes et déplorables) de la collection n’était jamais empruntés… et qui avaient pourtant des taux de rotation de 2,5 voire 3.

C’est bon, ou pas ?

Venons-en à la question qui taraude tant de collègues : ce TxR, c’est la honte, ou c’est la gloire ? Ben on ne peut pas dire !! Tout simplement parce que le TxR n’est pas fait pour ça. Le nombre obtenu dans une bibliothèque lambda est un raccourci qui pourrait s’exprimer ainsi : « résumé lapidaire de l’activité d’emprunt portant sur une collection particulière dans un environnement social et culturel donné, et selon la politique voulue par cette bibliothèque » : on ne peut pas comparer la situation d’une banlieue chic avec 70 % des adultes ayant fait des études supérieures, et une cité ghettoïsée, comme on ne peut pas comparer une bibliothèque qui ouvre 10 h par semaine et une autre qui ouvre 50 h, ou encore une bibliothèque bien située et un établissement excentré, ou enfin une ville qui fait payer cher le doit d’emprunter et une qui s’offre gratuitement. Bref, c’est un indicateur profondément contextualisé, et il n’existe pas de TxR moyen pour les bibliothèques (heureusement, d’ailleurs : si vous en voyez un, c’est une escroquerie intellectuelle !)
En outre, il n’a même pas de valeur lorsqu’il est calculé sur l’ensemble des collections prêtables d’une bibliothèque une année donnée. Ce TxR global servira de point de repère pour analyser les différents TxR des différents segments de la collections : par supports (les disques, les livres,…), par contenus (la philo, les sciences, …), etc. Sans d’ailleurs qu’on puisse dire de tel ou tel TxR « il est très bon », ou « il est mauvais » : par exemple, qui s’attend à ce que les ouvrages de poésie « tournent » plus que les bandes dessinées ?

Marée haute, marée basse

Bon, peut-être, mais comment interpréter les TxR même en renant compte de ces contraintes ? J’analyse mes résultats, et je constate un TxR moyen de 4, avec un TxR des DVD qui monte à 18 et un TxR de l’économie qui est à 1,2 : qu’est-ce que ça veut dire quand c’est (relativement) élevé ou (relativement) bas ?

→ C’est beaucoup plus élevé que le TxR moyen = c’est très simple à analyser ! Cela signifie que tout va bien ou même – si c’est très élevé – qu’il n’y a pas assez de documents pour répondre à la demande. Pour donner une image (fausse), un TxR de 18 signifie que tout le segment de collection est empunté intégralement tous les 20 jours ! Attention, cela ne signifie pas pour autant qu’il faille acheter plus de ces documents (en plus, si on en achète trop on peut arriver à un seuil de rupture : c’est « l’effet Deriez » – du nom d’un consultant que j’avais connu et qui avait montré qu’une augmentation massive des livres à succès, accompagnée d’une diminution correspondante des autres titres, conduisait à terme à faire chûter les prêts. Tiens, j’y reviendrai un jour).

→ C’est beaucoup plus bas que le TxR moyen = c’est très complexe à analyser ! En effet, il peut y avoir des tas de raisons, éventuellement concommitantes :

  • la première raison possible, c’est qu’il y a trop de documents par rapport au public concerné (10 000 romans dans une ville de  2 000 habitants, par exemple)
  • la nature de l’usage documentaire peut jouer : un rayon de droit peut se prêter davantage à l’étude (donc à une consultation), alors que des disques sont éminemment empruntables (et copiables !!)
  • le fonds peut être vieilli (à Lyon, 75 % des prêts de livres portent sur des titres de moins de 10 ans), obsolète, inadéquat (tiens, comme c’est bizarre, les thèses en section jeunesse ne sortent pas ?!), …
  • la présentation est peut-être désastreuse (rayonnages mal éclairés, disposition inefficace, …)
  • les heures d’ouverture sont insuffisantes par rapport à la taille du fonds (et c’est pire si en plus on limite drastiquement le nombre d’emprunts simultanés)

Que faire?

Comment, dans ces conditions, utiliser cet indicateur ? Il peut à mon sens jouer servir à deux choses dans une bibliothèque qui pratique fortement le prêt :
– c’est un bon signal d’alarme dans la durée, pour signaler les secteurs qui méritent attention soit par leur succès croissant démesurément soit surtout par leur désaffection progressive. Ce signal d’alarme ne permet évidemment pas de faire l’économie de l’analyse des raisons ;
– il permet de mesurer l’objectif ou l’efficacité d’une politique d’acquisition (et de désherbage) dans un secteur orienté délibérément vers le prêt, à condition de l’associer à d’autres indicateurs, comme par exemple le signale Pierre Meunier : « Nombre de livres requis en fonction d’un Taux de rotation X et d’un taux de prêt per capita anticipé Y—le tout pouvant faire l’objet d’un indice consolidé tenant compte de l’utilisation et du vieillissement des collections en regard d’un niveau de service visé ou d’un taux d’utilisation ciblé ».

C’est un indicateur utile, sans doute, à condition de bien le considérer dans le contexte du service de prêt à domicile, et de l’associer à d’autres indicateurs, répétons-le, comme le signale Pierre Carbone à propos de la norme 11620 : « pour l’évaluation de la performance d’un même service ou d’une même activité, il est souhaitable de croiser les résultats de plusieurs indicateurs afin de s’assurer que les différents aspects sont bien pris en compte. Ainsi, à la rotation des collections sont associés le taux d’utilisation des documents, la disponibilité des titres demandés, ainsi que les documents en prêt par personne de la population à desservir ».

Mais jamais, au grand jamais, le taux de rotation ne peut servir d’indicateur comparatif entre bibliothèques de villes différentes, parce que les conditions ne sont jamais les mêmes… et parce que le bonheur n’est peut-être pas dans le prêt !

Auriez-vous vous-mêmes des éléments d’analyse pour compléter ce tableau ?

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