Bertrand Calenge : carnet de notes

mercredi 7 octobre 2009

Rien à voir : création vs responsabilité

Filed under: Non classé — bcalenge @ mercredi 7 octobre 2009
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Ce billet est complètement hors-sujet par rapport aux préoccupations bibliothécaires qui m’animent sur ce carnet de notes. Mais j’ai lu aujourd’hui un témoignage ‘coup de poing’ qui résoud avec crudité et lucidité les réticences que j’accordais aux réactions ‘cultureuses’ face aux multiples affaires judiciaro-culturelles qui ont agité le Landerneau des intellectuels – ou présumés tels- et bien sûr parfois des bibliothécaires.

Parmi cent exemples, vous vous souvenez bien sûr, de l’affaire Cesare Battisti ? Ce romancier italien  jugé et condamné en Italie pour appartenance à une bande armée (et convaincu de plusieurs meurtres par la justice italienne) fut largement défendu en France où il résidait et avait rédigé ses ouvrages, défendu certes pour des points relevant de contestations de points de droit, mais aussi et surtout parce qu’il était un créateur non récidiviste, et que la « culture » lui était redevable. Des associations de bibliothécaires ont soutenu activement ce « droit à l’oubli ».

Aujourd’hui, c’est l’affaire Roman Polanski qui agite ce même Landerneau. De quoi s’agit-il ? Je ne vous ferai pas l’injure de vous rapporter toute l’affaire : disons bonnement que cet homme, âgé en 1977 de 44 ans, a été condamné pour viol d’une mineure de 13 ans, s’est enfui de son pays, et vient d’être arrêté, puisque sous le coup d’un mandat d’arrêt international depuis plus de 30 ans. Les bonnes âmes culturelles s’indignent encore : ministres et intellectuels réclament encore le droit à l’oubli au nom de l’enrichissement culturel auquel ce cinéaste a contribué. On trouvera sûrement encore des bibliothécaires (encore que Polanski ait commis sur ce point l’erreur de réaliser des films au lieu d’écrire des romans…)

Dans ces deux cas, et dans bien d’autres, les créateurs (car ces romanciers, cinéastes, …  sont bien des créateurs), ont été condamnés par leur appareil judiciaire pour des crimes. Non des crimes contre les biens (je peux connaitre quelque indulgence pour ceux-là : Arsène Lupin a toujours été un héros positif en France…), ni des délits contre les bonnes mœurs (ça existe encore ?!), mais bien des crimes contre des personnes : meurtres, viol  sur mineure, ….

On m’objectera des grandes démonstrations : droit à l’oubli, amnistie culturelle (si j’ose cette innovation), erreur de jeunesse d’un génie (j’hallucine !!), etc. Comme si les créateurs étaient au-dessus ou plutôt en dehors des trivialités de la vie des hommes. Comme si l’activité culturelle se riait des règles communes et fonctionnait en (micro)cosme étranger à l’agitation et aux régulations des sociétés.

Alors, vous qui servez vos concitoyens tous les jours, qui vivez la « culture » et le savoir en prise directe avec vos publics, lisez cette « lettre ouverte à Monsieur Kouchner et Monsieur Mitterrand » : je ne sais rien de l’authenticité de son auteur, mais ç’a m’a été un coup de poing, je le répète.

La culture, pour nous, n’est pas, ne peut jamais être un univers d’œuvres disjoint de notre réalité sociale. Jack Lang avait dit « tout est culture », s’attirant ainsi divers quolibets. Aujourd’hui je m’empare du mot et je clame à mon tour que si tout est culture, n’en écartez pas l’auteur de la lettre que je vous signale, ni tout ceux qui font vivre la culture comme futurs lecteurs, spectateurs, voire sujets de ces œuvres que vous/nous voulons tant admirer.
Et je pourrais retourner l’aphorisme en disant qu’en matière de culture, tout est juridique, tout est social, etc. Sans sombrer dans le ridicule, acceptons que les hommes et les femmes dits ‘de culture’ soient des citoyens comme les autres, et surtout considérons tous ces ‘autres citoyens’ avec le même respect que nous portons aux ‘hommes et femmes de culture’.

Fin du hors-sujet… mais était-ce bien un hors-sujet ?

P.S. : mais surtout qu’aucun crétin n’aille retirer hâtivement les DVD de Polanski de ses rayons parce que créateur de génie a été condamné pour viol !!

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vendredi 26 juin 2009

Incidente : le retour de la citation…

Filed under: Non classé — bcalenge @ vendredi 26 juin 2009
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Ah ! Je le savais bien : les règles de la citation académique sont bien bousculées par l’introduction des travaux collaboratifs (ou des oeuvres fondées sur la contribution). Un récent billet d’Actualitté signale un tel conflit portant sur l’absence de citation de la source, Wikipedia en l’occurrence, quant à de nombreux extraits d’un ouvrage paru récemment. L’auteur bat sa coulpe, mais je vous recommande la savoureuse phrase de l’article : « les wikipedianautes ont déjà noté cette absence de citation directement sur la page dédiée à l’auteur. Selon lui, le meilleur moyen serait de placer un lien dans son livre avec l’adresse de l’article recopié, mais l’éditeur n’est pas très chaud : étant donné les fluctuations qui agitent Wikipedia, il serait préférable de noter à quelle date il a consulté l’article. Pour plus de précautions…« .

Sincèrement, je ne suis pas anarchiste, et en aucune façon spontanéiste. Mais les fondements mêmes du statut de la doxa scientifique me paraissent devoir réviser sinon leurs exigences, mais du moins leurs codes smileys Forum . Réviser la nature même de la citation sera nécessairement l’une des étapes à résoudre au sein des savoirs numériques qui s’avancent…

jeudi 4 juin 2009

Biblio-fr s’arrête…..

Filed under: Non classé — bcalenge @ jeudi 4 juin 2009
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La nouvelle se répand bruissante dans toutes les bibliothèques : biblio-fr s’arrête. Dans un premier temps (personnel) je m’en veux d’avoir écrit ce billet qui a provoqué moult réactions (une collègue est même venue me voir en me regardant comme un meurtrier virtuel smileys Forum), dans un deuxième temps une grande impression de vide, m’a envahi, comme beaucoup d’entre vous j’imagine, devant cette perte symbolique aussi irréelle dans son annonce que le serait la disparition de l’ABF.

Cette disparition était, je le sais, évoquée par Hervé Le Crosnier bien avant mon billet, et nul n’imaginera – j’espère bien ! – que j’aie le pouvoir d’anéantir une liste de diffusion comptant plus de 17 000 abonnés, ce qui me rassure.
Quant à cet arrêt de la liste, lisez bien le message de Sara et Hervé jusqu’au bout : « Nous diffuserons toutes les idées qui pourraient s’inscrire dans la suite de l’aventure de biblio-fr : si vous voulez créer un site web, un blog, une autre liste de débat… qui participe du projet global d’intéresser les
bibliothécaires, nous diffuserons votre message. À vous de trouver les mots, de convaincre vos lecteurs.
 »

Biblio-fr ne s’arrête pas vraiment, il fait appel à l’intelligence de ses presque 18 000 abonnés actuels (et aux désabonnés). C’est un défi qui sollicite le recours à la collectivité des bibliothécaires et personnes intéressées par les bibliothèques. Cette dimension collective à laquelle les bibliothécaires se disent tellement attachés…

Alors, à vos claviers ! Faisons surgir les suggestions d’une communication adaptée à des milliers de bibliothécaires souvent maladroits dans la manipulation des outils du web 2.0, mais avides d’informations souvent triviales, de débats sur des questions parfois dérisoires, tellement avides !!

Mais ne proposons pas de refaire un « couteau suisse » de l’information bibliothécaire : les questions techniques de gestion professionnelle disposent désormais d’un service de Questions-Réponses ad hoc grâce à l’Enssib, offres et demandes d’emploi gagneraient à disposer d’un fil spécifique, etc. Il faudra à mon avis proposer des pistes complémentaires, et non tellement généralistes qu’elles en deviendraient cacophoniques.

Bref, et comme toujours avec biblio-fr, c’est nous qui avons la parole, cette fois-ci pas pour demander, informer ou récriminer, mais pour construire un nouveau visage à biblio-fr… Merci à Hervé et Sara pour offrir cette ultime opportunité !

Et il va bien falloir maintenant que je participe aussi à cette réflexion collective smileys Forum . Rendez-vous donc encore sur biblio-fr !!

samedi 31 janvier 2009

Vivre avec son temps…

Filed under: Non classé — bcalenge @ samedi 31 janvier 2009
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Un collègue marocain, de passage à Lyon, me confiait sa perplexité quant à la poursuite stakhanoviste (par beaucoup de bibliothécaires, consultants, ou programmistes qu’il avait consultés) d’une modernité impérative des outils et services proposés par toute bibliothèque nouvelle. Son scepticisme s’appuyait sur deux constats majeurs :
– la sous-estimation des coûts de maintenance nécessaires au fonctionnement régulièrement actualisé d’outils sophistiqués en évolution constante ;
–  l’absence de considération du niveau de culture des acteurs ayant à conduire, maîtriser, expliquer et transmettre les subtilités de ces nouveaux outils, procédures ou appréhensions intellectuelles du métier.

Sur le premier point, c’est une évidence (tout responsable d’établissement sait qu’il doit se préoccuper des moyens du fonctionnement avant d’engager l’investissement… quand il le peut !)
Sur le second point, il me semble en effet que beaucoup de services à base technologique (même s’ils se veulent ‘sociaux’) tendent à se déconnecter de leur contexte social (le web 2.0. étant souvent dans cette veine), tant du point de vue des publics que des personnels :

Les publics ne sont pas tous, loin de là, amateurs de sophistication technologique : un accueil sympa et compréhensif, des espaces ouverts et conviviaux, un personnel attentif, des titres récents et intéressants, un service irréprochable dans les délais et la qualité, bref tout cela fait le bonheur de la plupart d’entre eux. Bien sûr, certains apprécient les flux rss (mais pas tant que cela en fait, voir ici), tous souhaitent réserver leurs documents (en ligne bien sûr mais pas seulement, et surtout réserver pas seulement les documents déjà prêtés !), tous souhaitent des horaires d’ouverture étendus, etc.
Bien sûr, le numérique modifie les usages : désormais on peut consulter librement l’incunable numérisé, on peut apporter son ordinateur portable pour travailler en zone wifi (parfois !!  smileys Forum ), on peut réserver à distance, on peut être informé en temps réel par messagerie, etc.
Mais questionnez ‘vos’ publics : pour la plupart, la bibliothèque est un lieu, bien plus qu’un outil. Et ils ne souhaitent en aucun cas que ce lieu soit délaissé si peu que ce soit au profit de services dématérialisés – même si ceux-ci sont bien entendu de plus en plus nécessaires !
D’autant plus que, pour la plupart, la pratique des technologies reste associée à des contextes utilitaires ou de communication (ici), et que la bibliothèque représente bien plus qu’un service ‘pratique’ !

Aussi importante au moins est la capacité des personnels à accompagner activement les mutations technologiques. Pour donner un exemple simple, il est relativement facile de construire des fils rss permettant à un usager expert de suivre l’apparition des nouveautés dans le catalogue, les dernières nouvelles d’un blogue ou la programmation des animations, mais c’est beaucoup plus lourd et difficile de rendre tous les agents capables d’expliquer l’utilisation de ces outils, voire de les faire se les approprier !
Or ce passage est indispensable : une bibliothécaire me confiait son désarroi face à une interrogation d’un visiteur sur un outil dit innovant mis à sa disposition, et un autre me confiait : « quand j’ai une question concernant une recherche dans le web, je suis souvent désemparé ».
Aucune bibliothèque, j’en suis persuadé, n’avancera dans les innovations techno-sociales si elle ne se préoccupe pas prioritairement de l’appropriation des outils – et des modes de fonctionnement de ceux-ci – par l’ensemble des personnels. Certaines ont su affronter cette nécessité, et je salue par exemple le SAN Ouest-Provence pour avoir su conduire une première étape de ce chantier (ici notamment, mais j’ai aussi échangé avec Jérôme Pouchol sur des cycles de formation interne  mis en place systématiquement).

Bien qu’amateur à titre personnel de toutes les innovations porteuses de sens, je suis plus modéré sur le plan professionnel. Il faut toujours s’interroger sur cette double exigence :

  • Qu’est-ce que les publics attendent de nous, et de notre institution ? Sur quoi est-il le plus urgent d’investir par rapport à cette attente explicite ? Bien sûr, cette question n’interdit pas l’innovation, mais oblige à en mesurer l’investissement au regard des pratiques ;
  • Comment faire en sorte que les personnels de la bibliothèque soient « au niveau » des outils proposés ? On me répondra formation, avec raison. Mais il me semble que, dans nombre de cas, c’est plutôt d’appropriation personnelle qu’il faudrait parler, et l’entreprise est bien plus lourde !…

La bibliothèque doit être adéquate à ses publics, c’est une évidence banale. Mais elle doit également rendre ses personnels adéquats à ses objectifs, ses publics… et ses innovations !

Le collègue marocain est un sage : il connait par expérience les attentes des publics potentiels et les horizons de compétence (à court terme) des personnels. Bref il vit avec son temps…

lundi 15 décembre 2008

Drôle de fin d’année…

Filed under: Non classé — bcalenge @ lundi 15 décembre 2008
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L’heure devrait être à la fête : Noël, les voeux, tout ça…
Et pourtant je ressens une inquiétude, un désenchantement qui envahit énormément de gens (et je ne parle pas particulièrement pour moi, vraiment !).

Bien sûr, ce qui est appelé pudiquement la « crise financière » frappe au vif nombre de concitoyens et même collègues. Ah ! L’affaire Bernard Madoff pudiquement requalifiée de « fraude » alors qu’il s’agit d’une pure escroquerie d’un ex-patron du Nasdaq,  provoquant des pertes dépassant le 1/5e du budget de l’Etat français !!! Et bien sûr ce n’est qu’un exemple parmi les multiples autres qu’on connait déjà et qu’on devine pour les semaines à venir…  La sidération devant les abîmes financiers creusés par les corsaires (pirates ?) contemporains offre une alternative intéressante au ‘Quitte ou double’ qui passionna nos pères ou grands-pères. Sauf que ce sont les économies de ces derniers qui y passent, et avec eux aussi les vies familiales et avenirs professionnels de leurs enfants et petits-enfants !

Mais il est une autre errance tout aussi inquiétante. Où allons-nous ? Nous, c’est-à-dire les acteurs de la diffusion culturelle, de la transmission des connaissances, du lien social, du développement du savoir ?..
Déjà personnellement expérimenté (qu’en termes choisis ces choses-là sont dites…), j’ai connu bien des moments où des idées novatrices devaient être remballées, repoussées, ajournées. Mais jamais je n’avais entendu la remarquable indifférence, que dis-je le remarquable mutisme qui frappe aujourd’hui. L’heure n’est plus aux projets, il est à la gestion au petit fer (voyez les repasseuses du siècle dernier et avant-dernier…). L’heure n’est plus aux idées, il est au « réalisme » (celui des profits effectivement acquis par certains acteurs ?). Bref, l’heure n’est plus au développement culturel, aux idées, à l’essor de la connaissance. Il faut « gérer la crise », en clair réduire les dépenses sans s’interroger sur la pertinence des projets engagés. Vraiment ?

Et si on allait de l’avant ? Après tout, ne sommes-nous pas (encore) payés pour proposer des solutions collectives susceptibles d’aider à la culture ou – plus ésotériquement – au développement cognitif de nos concitoyens ? Je suis frappé par le fait que les bibliothèques  de statut public drainent, par les salaires et budgets consentis, pas mal d’argent public.
On en fait quoi ?
On diversifie les livres en prêt ? On arrête le prêt et on propose un magnifique « centre de connaissance » entièrement dévolu au développement du savouir personnel ? On crée un méga-portail Internet – et lequel ?- ? On achète des e-books en masse et on passe à la bibliothèque numérique ? On travaille sur le lien social ? On investit dans des nouveaux services très personnalisés ? On revoit les espaces d’accueil public ? … ou encore ?

Bref, quels chemins emprunter ?

Ce qui me frappe essentiellement aujourd’hui au sein de notre profession, ce n’est pas tant la force de l’incertitude du lendemain que la pesanteur de l’indécision d’aujourd’hui. J’ai un peu l’impression que nombre de collègues souhaiteraient disposer d’un avenir clairement indiqué, bref d’une feuille de route, pour s’y plier volontiers. La multiplication des colloques, journées d’étude et autres congrès en est un signe trop évident…

Et si, juste en ce moment (temps suspendu !), il n’y avait plus de feuille de route claire ? Qu’est-ce qu’on pourrait imaginer concrètement de faire nos établissements devenir, à moyens constants ?

PS1 : je n’appelle pas aux délires – trop facile ! – mais à des actions, projets  ou configurations concrètement réalisables sans bouleversement autre que bibliothécairement culturel (ou culturellement bibliothécaire ?), et reconfigurant notre rapport à la collectivité que nous servons ! lâchez-vous !!

mercredi 10 décembre 2008

miscellanées d’hiver…

Filed under: Non classé — bcalenge @ mercredi 10 décembre 2008
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Malade, je suis contraint pour quelques jours de garder la chambre, comme dit la faculté. Et dans la chambre il y a le PC connecté. Alors, sans quitter le contact avec mon lieu de travail (via téléphone et Internet), j’ai le temps d’abattre quelques dossiers sans être dérangé – vive le télétravail ? -, de me plonger dans quelques articles à écrire… et de me consacrer à mon ‘carnet de notes’ ! Cette fois-ci, c’est du vrac, vous êtes prévenus.

Bibliothèques et conservation : quelques malentendus

Dans un récent commentaire, Bernard Majour fait l’éloge de biblio-fr au titre que cet outil a constitué des archives, ce que les divers blogs sont loin de faire. Et d’appeler les biblioblogueurs à se pencher sur cette question. C’est sans doute une vraie question, qui honore le bibliothécaire interrogateur. Sauf que, en matière d’Internet, la conservation passe par des voies qui nous dépassent parfois, d’autant plus que les biblioblogueurs, comme on les appelle, ne sont pas des institutions mais des individus. Tiens, un exemple, connaissez-vous, cher Bernard, Internet Archive ? Cette institution coopérative à but non lucratif, qui a failli disparaitre il y a quelques années et a réussi à reprendre du poil de la bête, s’est donné pour mission d’archiver le web par la capture de ‘flashes’ de l’énorme univers d’Internet. Vous voulez retrouver le blog Bibliobsession de notre cher Silvère ? Regardez ici ! Trop facile, direz-vous : Bibliobsession est bien vivant ! Eh bien, vous rappelez-vous l’IFB – Institut de formation des bibliothécaires – qui fut absorbé par l’enssib il y a 10 ans pile ? L’IFB avait lancé son site… et sans conservation localement délibérée il existe toujours dans ces mêmes archives. Faites le test ! Tiens, pour une bibliothèque comme celle de Lyon, qui sait conserver les archives documentaires mais comme la plupart guère celle de son site Internet (il ne faut pas lui en vouloir, elle n’engage pas ses forces sur ce chemin égocentrique), Internet Archive est encore là , depuis 1996 !! La conservation, souci louable des bibliothécaires, n’est pas leur chasse gardée, surtout dans un espace aussi immense que le Web !

Bienvenue aux top 5 !

Archimag vient de publier dans sa dernière livraison de décembre son top 5 des « personnalités qui ont marqué l’univers de l’infodoc en 2008 ». Votre serviteur y figure, mais je n’en parle pas pour faire de l’auto-promo.Quelques questions m’agitent :
– le podium est construit par les votes de ceux qui ont rencontré le questionnaire et ont jugé utile d’y répondre. Certes, cela fait du monde, mais ne correspond pas à une ‘population’ scientifiquement validable dans le cadre d’une enquête ; merci aux étudiants-collègues, inventeurs de telles pseudo-enquêtes lancées au gré de biblio-fr, de s’en souvenir : ils éviteront une mauvaise note à leur TP ou travail de diplôme…
– Archimag note « la surreprésentation des biblioblogueurs » cette année. D’abord, c’est partiellement faux. En 2007, deux des cinq personnalités ‘élues’ proposaient un site d’information : Jean-Philippe Accart et Jean Michel ; ce n’étaient pas des blogs sur la forme, mais bon. Et en 2008, sur les 5 ‘élus’, Réjean Savart n’anime aucun blog, et moi-même ne m’y suis mis que ce dernier été ! Ai-je été si génial en 3 mois pour que la communauté me consacre aussi rapidement ?
Soyons sérieux ! Les blogs sont un excellent moyen de diffusion, voire de confrontation d’une pensée personnelle, mais la réputation réclame d’autres investissements pour se voir reconnue cours, des articles, des conférences, des débats, etc. Et même des réalisations concrètes en ce qui concerne les bibliothécaires ! Le blog est nécessairement la face émergée d’un iceberg : il ne faut pas prendre l’écume des choses pour leur épaisseur.

Ceci dit, je suis honoré de cette reconnaissance par plus de cent collègues, et je ne boude pas mon plaisir. Les autres nominés non plus, j’en suis sûr. mais aucun ne prend ce trophée pour absolution, j’en suis sûr également. Et aussi pourquoi, comme le souligne justement Archimag, aucune femme ne prend place sur ce drôle de podium ? Où êtes-vous, Marlène, Ghislaine, Christelle ? Notre profession si féminisée ne sait même pas reconnaître par ses votes la valeur de ses consoeurs féminines ?!

De la persistance des manichéismes

Toujours dans ce même Archimag, on me demande s’il faut prendre les lecteurs comme ils sont ou les considérer comme ils devraient être. smileys Forum? J’ai répondu banalement que même si je voulais les rendre différents, il fallait bien que je les prenne comme ils sont !
Mais pourquoi diable faut-il toujours poser les réalités actives en termes aussi manichéens ? D’un côté le blanc, de l’autre le noir, et aucun mouvement entre les deux ! Le Guichet du Savoir, en réponse aujourd’hui à une question, a ainsi présenté « les Blancs », pseudo-communauté curieuse du sud de la Bourgogne : « L’opposition des Blancs correspond à une logique de la distinction : « exister socialement, c’est être perçu, et perçu comme distinct ». L’opposition Blancs/catholiques — qui opère un classement en divisant chaque commune en deux « clans » (ils font tables séparées au débit de boissons) — met en œuvre cette logique de la distinction et de repérage du monde intérieur : en principe, on est Blanc ou catholique (de parent à enfant, par « héritage » en quelque sorte) ; l’identité de chacun s’établit à partir de ces deux pôles ».
Dans notre métier, c’est trop souvent ainsi : êtes-vous pour l’offre OU pour la demande ? Comme si les deux ne s’interpénétraient pas continuellement ? Faut-il laisser aux enfants une totale liberté de découverte OU contrôler leurs activités ? Ben, les deux, mon colonel, évidemment ! Le bon sens se rit du manichéisme, mais le bon sens fait mauvais ménage avec les objurgations catégoriques, hélas omniprésentes ! D’ailleurs, ne pensez-vous pas que tous les enfants de 12 ans qui sont arrêtés devraient faire de la prison ? C’est le bon sens, non ?

Gargouillis des remords ambigus

Mon récent billet sur biblio-fr a attiré un nombre important de commentaires parfois radicaux. J’ai réfléchi, et je pense que ma critique elle-même radicale peut trouver pratiquement sa solution par trois actions simultanées :
– proposer des fils rss thématiques, ce qui signifie pour Sarah la systématisation des catégories qu’elle a largement et efficacement initiées (Jobilise, Infosite, etc.)
– suggérer aux abonnés aux fils rss spécifiques l’abonnement à des premiers messages de débats initiés (et on sait les sujets qui feront débat : le wifi, l’ouverture le dimanche,…). Quels moyens techniques ? Je ne sais pas …
– appliquer cette organisation thématique aux archives (en plus des archives chronologiques), avec listage des sujets thématiques à rechercher.

Yaka, bien sûr. Ce n’est pas simple, mais je fais confiance à Hervé et Sarah, qui j’en suis sûr suivent ce débat et que je remercie du fond du coeur, pour trouver une solution qui allie liberté de la parole et pragmatisme du lecteur. On vous aime !! En fait, on gueule contre biblio-fr, mais… qui aime bien châtie bien ! Quelle oeuvre, chapeau ! smileys Forum

samedi 29 novembre 2008

J’en ai marre de biblio.fr

Filed under: Non classé — bcalenge @ samedi 29 novembre 2008
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Voilà 15 ans que, fidèlement et avec obstination, biblio-fr se fait dans nos boîtes aux lettres le relais des humeurs, annonces, débats, informations, offres et demandes d’emploi, bref de tout ce qui constitue le quotidien des angoisses des bibliothécaires. Une mine entomologique anthropologique, de mon point de vue, mais est-ce aujourd’hui encore un service, un espace de véritable échange ?

J’ai honte de mon métier quand j’assiste à certaines joutes que je n’ose même pas qualifier d’idéologiques (ce serait leur faire trop d’honneur, compte tenu des arguments échangés), à des affirmations sans preuves, à des questions ahurissantes dont la teneur témoigne de l’ignorance du minimum minimorum du métier, etc. Je ne source pas, je sais, mais vous avez essayé de sourcer sur un débat dans biblio-fr ?

On dira avec raison que c’est le flot de la vie, des envies, des rancoeurs, des philosophies parfois, de l’utilitarisme souvent, qui s’écoule… Ce n’est pas grave !!! Non, ce n’est pas grave, mais ça commence à ressembler à un dépotoir !

Pardon à Hervé Le Crosnier, créateur et animateur, et encore plus pardon au quotidien à Sarah Aubry, inlassable ‘collationneuse’ qui régule cet espace parcouru par un nombre impressionnant d’abonnés. Je respecte l’idée, le travail de tri que j’imagine très difficile et surtout abondant, et surtout cette prémonition géniale entre toutes qu’était, en 1993, celle de mettre en réseau les bibliothécaires, enseignants en sciences de l’information et personnes intéressées par les bibliothèques et la documentation. Le succès est indubitablement au rendez-vous : tout le monde connait biblio-fr.

Enfin ‘tout le monde’, presque ! Aujourd’hui oui pour les demandeurs ou offreurs d’emploi, oui pour ceux qui jettent une bouteille à la mer faute d’une formation professsionnelle idoine, oui pour ceux qui veulent promouvoir leur programme culturel (curieuse idée, soit dit en passant, de ne pas plutôt consacrer cette énergie aux publics destinataires : j’avoue hésiter à aller découvrir depuis Lyon la soirée contes de la bibliothèque de St Pineau les Charentes qui se déroule ce vendredi à 21h…), oui pour ceux qui veulent balancer leurs états d’âme voire s’étriper dans des débats que je qualifierais parfois d’hallucinants (je veux bien citer des noms sous la torture, mais heureusement beaucoup comprendront ce que je veux dire !). Mais les autres ? Les professionnels en quête d’un espace d’échange vraiment professionnel ?

« La mauvaise monnaie chasse la bonne » : ce vieil adage médiéval est on ne peut plus d’actualité hélas pour nos porte-monnaie. Mais je crains que biblio-fr en soit également la victime. Désolé, Hervé et Sarah, mais biblio-fr est devenu une pétaudière insipide ! Je reste abonné à la liste de par mes fonctions : je guette l’infime perle que je pourrai réadresser à un service du fait de ses compétences. Bien entendu, je guette aussi les perles qui me fourniraient des informations pertinentes. Le bilan calculé sur ces dernières semaines frise le taux de rentabilité des gisements aurifères du Jura suisse !!!!

Bien sûr, je n’oublie pas les offreurs et demandeurs d’emploi pour lesquels biblio-fr est une ressource essentielle, indispensable même. Bien sûr, je n’oublie pas son rôle majeur comme vecteur d’information sur les colloques, séminaires et autres conférences professionnelles. Bien sûr enfin je n’oublie pas son importance essentielle pour signaler une parution d’intérêt professionnel. Mais zut alors (et je suis poli), je n’ai pas besoin de voir ma boite aux lettres envahie par des déclarations d’intention, des annonces d’heures du conte, des changements d’adresse, etc.

L’idée est généreuse : le lien. Le problème, c’est le succès, et avec le succès la possible médiocrité des contributions. Quand j’ai douze messages qui signalent des modifications d’horaire ou d’ouverture de bibliothèques lointaines, et douze autres manifestes syndicaux, et encore douze annonces d’animations très locales, douze appels au peuple d’organismes de formation en mal de stagiaires pour une session spécialisée à Théodoric-le-vieux, et pour couronner le tout douze messages de personnes qui se plaignent des concours, des horaires, des  lecteurs, des chefs, de l’Etat, voire de la wifi ou de la RFID, je craque !!!!!!!

J’aime bien le butinage, mais à mon gré. Beaucoup de mes collègues se sont désabonnés de biblio-fr, épuisés (ils comptent sur moi pour faire le désherbage et le réadressage éventuel !). Et moi j’ai acquis l’art de juger aux titres des messages avant d’en supprimer 95% sans les lire, avec la secrète envie d’ajouter biblio-fr à la liste des spammeurs…

Sans compter que j’ai professionnellement honte de la teneur de beaucoup de pseudo-débats qui s’y déroulent. En fait, c’est le jeu de la messagerie: pas un  vrai débat, mais une succession d’affirmations catégoriques qu’on découvre au fil des jours. Même un  forum fait mieux. La messagerie n’est pas support de développement cohérent d’une argumentation. Et j’ai remarqué que la quasi-totalité des professionnels que je lis attentivement sur leurs sites, et qui à mon avis font avancer pour certains la réflexion, n’écrivent jamais de messages sur biblio-fr (sauf Dominique Lahary, maître polyvalent de la pensée poly-jaillissante. Bravo !)

Et pourtant, nous savons tous que biblio-fr est ‘quelque part’ indispensable. Mais comment ? Sous quelle forme ? Pour quoi faire ? J’imagine fort bien que biblio-fr se voulait à l’origine une sorte de dazibao. Bravo, surtout en 1993 ! Mais les bibliothécaires, à défaut d’en faire d’abord une pépinière d’idées et de débats, en ont fait un fourre-tout : composante d’un marketing mal pensé, substitut d’ANPE, journal d’annonces, mur à graffitis, etc. Abattre biblio-fr au nom de la modernité ? Mais les blogs actuels, même de qualité, restent des univers personnels, non des lieux de débat. Comment redonner à biblio-fr ou à un autre lieu une fonction de débat collectif et non de « mur à messages », non maîtrisée par UN blogueur mais par un arbitre qui ne se contente pas des commentaires dissimulés à la fin de son billet ?

J’imagine fort bien que ces questions animent les pilotes de biblio-fr. Mais vous, qu’en pensez-vous ?

mercredi 17 septembre 2008

Wikipedia, un livre : quel créneau ?

Filed under: Non classé — bcalenge @ mercredi 17 septembre 2008
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Promis, je ne vais pas gloser sur l’édition d’une sélection d’articles de Wikipedia, figée à un instant T et imprimée par Bertelsmann. A juste titre, d’autres apportent leur critique et leur étonnement bienvenu, comme ici ou ici (le résumé d’Affordance est parfait !!!). On ne devine pas bien à quoi et surtout à qui peut bien servir cette version partielle et figée de l’encyclopédie réactive bien connue.

Une suggestion de réponse iconoclaste – et gratuitement méchante, ça défoule… – : et si c’était pour faire enfin accepter Wikipedia comme référence possible pour les bibliothèques ?   smileys Forum Maintenant, on peut la ranger et la cataloguer, et répondre au bureau d’accueil : »Voyez dans le rayon des encyclopédies générales, là ». D’ailleurs, il n’y aura « là » bientôt guère plus que cet étrange Wikipedia : même le Quid, devenu gratuit en ligne a abandonné sa célèbre version imprimée….

lundi 4 août 2008

Et puis n’oublions pas Poldoc !

Filed under: Non classé — bcalenge @ lundi 4 août 2008
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Histoire d’alimenter le buzz internetien, je ne résiste pas à dupliquer une info que j’ai déjà mise en ligne sur le site de Poldoc. Plein d’heures de travail, mais maintenant une base de ressources mise au net (pas encore le site lui-même, mais on y travaille avec l’enssib. Il y a du boulot : pensez donc, un site qui date du deuxième millénaire !!!). Au bilan, 60 liens morts supprimés, 60 liens cassés réparés (et hop, ça nous faisait au total 120 liens inopérants, soit 18 % des liens de la base de départ : bonjour les URL erratiques, vive les permaliens !).
Mais aussi plus de 100 liens nouveaux ajoutés ! Ouf ! Près de 700 textes au total – dont certains introuvables ailleurs que sur cette base – qui parlent de chartes documentaire, d’indicateurs d’évaluation de collections, de plans de développement, de stratégie documentaire….

Surtout, ne pensez pas seulement blog, twitter ou web 2.0. : signalez vos textes  et envoyez-nous vos textes ou liens concernant les politiques documentaires (Google n’est pas toujours la panacée, si l’AAAAAAAAAAhlogorithme ne vous place pas dans les 10 premières pages de résultats) : Poldoc est avant tout une entreprise de mutualisation des efforts et politiques de chaque établissement, comme il peut être une mine de ressources sur les outils des politiques documentaires. Et en plus, Poldoc est bien référencé dans les moteurs. Alors, « pensez com » ! ….smileys Forum

lundi 28 juillet 2008

Le moment de la citation

Filed under: Non classé — bcalenge @ lundi 28 juillet 2008
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A quelques occasions, pour un texte destiné à être publié, il m’est arrivé de fournir en note une référence à un article de Wikipedia. Pas par facilité, mais parce qu’il était plus précis qu’un article d’un ouvrage imprimé. Il est arrivé également qu’on me le reproche : on n’utilise pas Wikipedia en référence ! Pourquoi ?

Wikipedia n’est pas fiable, car il n’y a pas de filtre d’éditeur, ni surtout d’auteurs reconnus et reconnaissables. Voilà une affirmation à la fois souvent trouvée chez d’éminents intellectuels (Pierre Assouline ),   chez des enseignants (ici) et chez de nombreux bibliothécaires (ici) . Je ne reviendrai pas sur les études de fiabilité et de pertinence de cette encyclopédie collaborative (largement débattues : citons juste Roy Rosenzweig,  un dossier de l’INRP, ou Christian Vandendorpe – tous textes en ligne qui – pour ou contre – sont d’ailleurs des versions électroniques de textes imprimés), ni sur les raisons de son succès de consultation (succès qui ne prouve rien par lui-même). Mais je m’interroge sur la notion d’autorité et sur son usage en milieu bibliothécaire…

La signature d’un auteur peut-elle faire autorité ? Certes non, quand on sait que le texte le plus connu en Occident (la Bible) est anonyme. Et que faire du scientifique renommé qui plonge dans le parapsychique (comme Yves Rocard), du romancier novateur qui sombre dans l’antisémitisme (comme Céline), du grand auteur qui écrit des bluettes pour raisons alimentaires ?

L’éditeur est-il un garant ? Certes non, quand au XVIIIe siècle il plonge avec délices dans la contrefaçon, quand une collection réputée publie un texte  qui provoque une polémique dans les milieux scientifiques (par exemple : Jean Haudry, Les indo-européens, PUF, 1981 ; Que sais-je ?), quand Gallimard refuse le manuscrit de La Recherche du temps perdu, quand nombre d’éditeurs publient des ouvrages de commande souvent lacunaires (recettes de cuisine infaisables par absence d’ingrédients indispensables, guides de voyage non mis à jour).

Inversement, les mêmes signes d’autorité peuvent se retourner brutalement : on refusera tout Heidegger pour son adhésion au parti nazi, tout Céline pour ses textes antisémites, tout Carrel pour ses convictions eugénistes. Bref, l’autorité est chose mouvante, et ne peut sans doute pas être située dans une relation à l’authenticité ou à la valeur intellectuelle, mais par rapport à la loi du nombre, à l’air du temps, au consensus social ou scientifique à un moment donné. L’autorité se décline généalogiquement (confortations successives et croisées), elle ne s’établit pas à travers des signes de validité objectifs.

Alors pourquoi cette levée de boucliers devant une prétention à citer Wikipedia ? Je me demande si la question ne peut pas être analysée du point de vue de l’acte de citation lui-même.  Citer, c’est donner des sources qui peuvent être retracées, et les contributeurs de Wikipedia eux-mêmes ne manquent pas de fournir des références stables, ou de signaler « référence manquante » en note à une assertion sans source, voire d’exiger cette conformité à la rigueur scientifique  (par exemple ici) . Et ce qui pose problème dans une citation d’un article de Wikipedia, c’est qu’elle est peu traçable, étant essentiellement modifiable (sauf les sources fixes citées, bien sûr). Il m’arrive de compléter ma citation par la mention [consulté le -date-] : en fait, il faudrait aller jusqu’à préciser l’heure et la minute ! C’est contradictoire avec la pratique de la citation, qui suppose la stabilité du texte imprimé, non modifiable.

La motilité de Wikipedia comme de toute source située exclusivement sur Internet (en excluant bien sûr les versions en ligne de textes par ailleurs traçables sous leur forme stable, achevée, imprimée), exclut de fait la citation référentielle. Une information créée exclusivement sur Internet sera toujours entachée de suspicion à cause de son instabilité constitutionnelle, alors qu’on prêtera volontiers à l’imprimé la vertu de la stabilité. C’est sans doute une illusion, comme le démontre avec brio Robert Darnton dans un récent article imprimé (et en ligne : The Library in the New Age, The New York Review of Books, n°10, juin 2008 ) : « Information has never been stable », l’information, le texte n’ont jamais été stables, que ce soit le fait des auteurs, des éditeurs, des traducteurs, etc. Darnton ajoute d’ailleurs : « Having learned to write news, I now distrust newspapers as a source of information, and I am often surprised by historians who take them as primary sources for knowing what really happened. I think newspapers should be read for information about how contemporaries construed events, rather than for reliable knowledge of events themselves » (‘Ayant appris à écrire des articles de journaux, je n’ai maintenant plus confiance dans les journaux comme sources d’information, et les historiens me surprennent souvent qui les prennent comme sources primaires de ce qui s’est réellement passé. Je pense que les journaux doivent être lus pour comprendre comment leurs contemporains interprètent les événements, plus que comme pour une connaissance fiable des événements eux-mêmes’).  La pratique de la citation est un code social plus qu’une référence à une vraie autorité, code qui permet d’asseoir l’autorité de l’écrivant dans le contexte social (et parfois d’engager des débats scientifiques). Les textes électroniques n’échappent pas pour l’instant à cette règle, et fourmillent de références à des textes imprimés. Mais nous ne sommes qu’aux débuts de la publication électronique : quels codes référentiels vont pouvoir être mis en œuvre pour les écrits uniquement électroniques qui ne manqueront pas d’arriver, qui existent déjà (blogs de journalistes prestigieux, etc.), qui se référeront peut-être à d’autres textes exclusivement numériques, et auxquels ils faudra se référer ? La solution peut-elle raisonnablement résider dans la fixation infiniment répétée de ce flux en copies stables référentielles (qu’il ne resterait plus qu’à … cataloguer) ?

Comment traiter ce flux véhiculé par Internet, quand nous avons l’habitude de ne traiter que d’états stables et achevés (achevés d’imprimé, smileys Forum ) ? Avec l’émergence de ces flux, comment établir d’autres relations à l’autorité, des conceptions de la mémoire et de l’argumentation non assises sur le seul stockage, etc. ?  Quels réflexes devrons-nous prendre au moment de la citation ? Une question qui me permet de citer encore Wikipedia smileys Forum , pour renvoyer aux paradoxes de Zénon.

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