Ce billet est complètement hors-sujet par rapport aux préoccupations bibliothécaires qui m’animent sur ce carnet de notes. Mais j’ai lu aujourd’hui un témoignage ‘coup de poing’ qui résoud avec crudité et lucidité les réticences que j’accordais aux réactions ‘cultureuses’ face aux multiples affaires judiciaro-culturelles qui ont agité le Landerneau des intellectuels – ou présumés tels- et bien sûr parfois des bibliothécaires.
Parmi cent exemples, vous vous souvenez bien sûr, de l’affaire Cesare Battisti ? Ce romancier italien jugé et condamné en Italie pour appartenance à une bande armée (et convaincu de plusieurs meurtres par la justice italienne) fut largement défendu en France où il résidait et avait rédigé ses ouvrages, défendu certes pour des points relevant de contestations de points de droit, mais aussi et surtout parce qu’il était un créateur non récidiviste, et que la « culture » lui était redevable. Des associations de bibliothécaires ont soutenu activement ce « droit à l’oubli ».
Aujourd’hui, c’est l’affaire Roman Polanski qui agite ce même Landerneau. De quoi s’agit-il ? Je ne vous ferai pas l’injure de vous rapporter toute l’affaire : disons bonnement que cet homme, âgé en 1977 de 44 ans, a été condamné pour viol d’une mineure de 13 ans, s’est enfui de son pays, et vient d’être arrêté, puisque sous le coup d’un mandat d’arrêt international depuis plus de 30 ans. Les bonnes âmes culturelles s’indignent encore : ministres et intellectuels réclament encore le droit à l’oubli au nom de l’enrichissement culturel auquel ce cinéaste a contribué. On trouvera sûrement encore des bibliothécaires (encore que Polanski ait commis sur ce point l’erreur de réaliser des films au lieu d’écrire des romans…)
Dans ces deux cas, et dans bien d’autres, les créateurs (car ces romanciers, cinéastes, … sont bien des créateurs), ont été condamnés par leur appareil judiciaire pour des crimes. Non des crimes contre les biens (je peux connaitre quelque indulgence pour ceux-là : Arsène Lupin a toujours été un héros positif en France…), ni des délits contre les bonnes mœurs (ça existe encore ?!), mais bien des crimes contre des personnes : meurtres, viol sur mineure, ….
On m’objectera des grandes démonstrations : droit à l’oubli, amnistie culturelle (si j’ose cette innovation), erreur de jeunesse d’un génie (j’hallucine !!), etc. Comme si les créateurs étaient au-dessus ou plutôt en dehors des trivialités de la vie des hommes. Comme si l’activité culturelle se riait des règles communes et fonctionnait en (micro)cosme étranger à l’agitation et aux régulations des sociétés.
Alors, vous qui servez vos concitoyens tous les jours, qui vivez la « culture » et le savoir en prise directe avec vos publics, lisez cette « lettre ouverte à Monsieur Kouchner et Monsieur Mitterrand » : je ne sais rien de l’authenticité de son auteur, mais ç’a m’a été un coup de poing, je le répète.
La culture, pour nous, n’est pas, ne peut jamais être un univers d’œuvres disjoint de notre réalité sociale. Jack Lang avait dit « tout est culture », s’attirant ainsi divers quolibets. Aujourd’hui je m’empare du mot et je clame à mon tour que si tout est culture, n’en écartez pas l’auteur de la lettre que je vous signale, ni tout ceux qui font vivre la culture comme futurs lecteurs, spectateurs, voire sujets de ces œuvres que vous/nous voulons tant admirer.
Et je pourrais retourner l’aphorisme en disant qu’en matière de culture, tout est juridique, tout est social, etc. Sans sombrer dans le ridicule, acceptons que les hommes et les femmes dits ‘de culture’ soient des citoyens comme les autres, et surtout considérons tous ces ‘autres citoyens’ avec le même respect que nous portons aux ‘hommes et femmes de culture’.
Fin du hors-sujet… mais était-ce bien un hors-sujet ?
P.S. : mais surtout qu’aucun crétin n’aille retirer hâtivement les DVD de Polanski de ses rayons parce que créateur de génie a été condamné pour viol !!