Bertrand Calenge : carnet de notes

mardi 18 août 2009

Le bibliothécaire « interconnexion » de la bibliothèque

Filed under: Non classé — bcalenge @ mardi 18 août 2009
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Un récent billet de Marlène attire l’attention sur une de ces formules qu’adorent les anglo-américains :

« Les bibliothèques, c’est l’information. Ce que l’on trouve aussi chez Google.

Les bibliothèques, c’est la lecture. Ce que l’on trouve aussi chez Barnes & Noble.

Les bibliothèques, c’est la culture. Ce que l’on trouve aussi dans les musées.

Les bibliothèques, c’est la convivialité. Ce que l’on trouve aussi chez Starbucks.

Mais seules les bibliothèques se positionnent comme l’interconnexion (« the nexus ») de ces 4 besoins. »

Voilà ce qu’a proclamé Peter Parsic lors du congrès 2009 de l’ALA. Jolie formule, qui ne peut que rencontrer notre adhésion admirative !… J’en retiens une évidence, et une perplexité…

L’évidence

Elle est toute entière dans la citation ci-dessus. Il est vrai que, pour chacune des fonctions remplies par la bibliothèque, la concurrence est rude et la bibliothèque pas nécessairement la mieux armée. Mais elle est la seule à pouvoir réunir simultanément des différentes fonctions, en position de carrefour des possibles plus que ressource incontournable dans un domaine. Analysant à la BM de Lyon le succès des collections sur la danse, Patrick Bazin soulignait que ces collections n’avaient rien d’exceptionnel à côté d’autres établissements spécialisés sur la place de Lyon, mais que leur intérêt tenait au fait qu’elles étaient associées à d’autres contenus, littéraires, scientifiques et artistiques : le contexte fournit une multitude d’approches au-delà des seuls contenus documentaires…

La perplexité

Celle-ci réside dans l’impression d' »évidence » de la bibliothèque comme institution et lieu : « La bibliothèque, c’est… ».
Vraiment, c’ « est » ?
Non, pas d’emblée, pas par nature ou par substance (et sans ces bibliothécaires qui grèvent les impôts   ). Je suis toujours étonné par ces professionnels des bibliothèques qui sans cessent s’effacent au profit de LA BIBLIOTHÈQUE, sans jamais affirmer leur fonction ni leurs actions.
Pourtant oui, il existe des bibliothèques lamentables, et pas toujours à cause de collections insuffisantes ni du désintérêt des pouvoirs publics : règlements draconiens, silence imposé, contrôles avant communication, horaires réduits à la portion congrue, collections vieillies et peu entretenues, personnel d’accueil sourcilleux et méfiant, conditions de consultation spartiates, et que sais-je encore !

Le ‘nexus’

L’interconnexion entre ces merveilleuses fonctions d’information, de lecture, de  culture et de convivialité (bref le nexus cité par Peter Parsic), ce n’est pas seulement LA bibliothèque (un état, une institution, un lieu, voire une collection), mais aussi une entreprise d’acteurs professionnels. La bibliothèque vraiment publique est autant un appareil de services qu’un stock de ressources, et elle le sera encore plus avec la numérisation et la disponibilité élargie de ces ressources. L’enjeu de la rareté (une collection exceptionnelle, des documents introuvables ailleurs,…) ne disparait pas pour les vrais chercheurs en quête de trésors inconnus du vulgum pecus, pas plus qu’il n’est inconsistant pour ceux dont le travail nécessite le recours aux documents originaux. En revanche, la disponibilité des ressources numérisées accessibles sur Internet affaiblit diablement cette rareté  pour le plus large public, même érudit. Encore faut-il à ce public :
–   une capacité à savoir chercher et discriminer ;
–   des engins ayant accès au réseau (eh oui, il y a encore 40 % de nos concitoyens qui n’ont pas d’accès domiciliaire à Internet) ;
–   une, ou plutôt des mises en ordre qui proposent des itinéraires de découverte et de connaissance.

Et puis il reste aussi cette potentialité extraordinaire de l’esprit humain en recherche et en éveil, la sérendipité (cette forme de hasard bienvenu apparaissant grâce à une curiosité et une ténacité entretenues) : à la bibliothèque d’offrir des opportunités en ce sens : assemblements documentaires, mais aussi événements culturels, disposition des lieux, conseils de lecture, modalités d’accessibilité, etc. , tout est bon pour stimuler le savoir.

Et si c’était cela que la population et les pouvoirs publics attendaient de nous : des bibliothécaires capables de proposer la meilleure stimulation intellectuelle – éclairée, critique, bref intelligente ! – à tous les membres de la collectivité que nous servons ?

Pour réaliser cela, il faut des professionnel(le)s convaincu(e)s. Au fur et à mesure que croissent les ressources disponibles sur Internet, il nous est proportionnellement demandé davantage pour exister légitimement dans l’espace public. Non seulement en matière de collections adéquates, mais aussi et de plus en plus en matière de médiation numérique, de programme culturel, d’assistance aux usagers, etc. Bref d’inventivité…

Nous ne pouvons même plus nous prévaloir d’outils spécifiques accessibles à nous seuls : les métadonnées ont « bibliothécarisé » le monde des catalogues, donc le monde de l’information.Les bibliothécaires sont nus, et les contenus des bibliothèques comme les outils des professionnels ont migré et se sont développés hors les murs des établissements. Travaillant à Lyon, je sais que d’ici quelques années non seulement les disques de musique comme les films en DVD seront aisément (et parfois illégalement) téléchargés, mais 500 000 livres comme des milliers d’images et de manuscrits seront librement accessibles en ligne, les livres contemporains étant quant à eux largement édités voire téléchargeables contre une somme qui sera sans doute devenue plus modique qu’aujourd’hui, s’il n’apparait pas également d’autres modèles économiques, et l’accès domiciliaire à Internet aura conquis 85 % des foyers français. Bref, ni le stock ni les outils ne nous rendront indispensables, au contraire. Sauf si…

Sauf si nous savons tirer parti de notre art de proposer, d’assembler, de chercher, non en direction de la richesse des stocks ni de la sophistication des outils, mais en utilisant tous ces outils et toutes ces ressources abondantes et externes en direction de notre public, et surtout en inventant, suggérant, étonnant, stimulant, accompagnant la recherche de savoir et d’émotion, en pédagogisant notre société.

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samedi 15 août 2009

Bibliothécaire selon Larry Beinhart

Filed under: Non classé — bcalenge @ samedi 15 août 2009
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« Elle a ajouté, sur un ton plus conventionnel :
– Dites-moi ce que c’est, un bibliothécaire.
– C’est le contraire de tout ce que Stowe [un méchant dérisoire, lisez le roman !] représente, si l’on veut bien y réfléchir – ce que je fais depuis quelque temps. Une sorte de communisme, sans l’idéologie ou Marx ou toutes ces conneries. Notre métier, c’est de distribuer du savoir. Gracieusement. Entrez, s’il vous plait, entrez, prenez un peu de savoir gratis, non, ce n’est pas plafonné, continuez, vous pouvez vous en gaver, non, ce n’est pas une arnaque, ce n’est pas un échantillon gratuit pour vous appâter et vous facturer plus tard, ou bien pour vous tapisser l’esprit de logos et de slogans. Un bibliothécaire n’a pas un statut social très élevé, et nous ne gagnons pas non plus beaucoup d’argent ; plus qu’un poète bien sûr, mais moins qu’un type qui sait bien faire la manche. Alors nos idéaux comptent beaucoup pour nous, et aussi l’amour des livres, l’amour du savoir, l’amour de la vérité et de la liberté d’information, le désir que les gens puissent découvrir les choses par eux-mêmes. Qu’ils puissent lire, oh, des histoires d’amours ou des romans policiers, ce qu’ils veulent. et que les pauvres puissent avoir accès à Internet.
– Vous êtes un type bien. »

Larry Beinhart a reçu le Grand prix de littérature policière 2006 pour son roman « Le bibliothécaire » (en France chez Gallimard, Folio policier).

Merci Larry smileys Forum

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