Bertrand Calenge : carnet de notes

mercredi 30 juillet 2008

Un site de bibliothèque, qu’est-ce que c’est ?

Filed under: Non classé — bcalenge @ mercredi 30 juillet 2008
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Dans un récent billet, Lionel Dujol attire l’attention sur un article de Bibliopedia donnant un début de ‘Cahier des charges pour le site moderne de la bibliothèque moderne de nos rêves (modernes)’. En lecteur attentif de mes sites favoris, je me précipite vers cette page, qui met en avant de multiples outils rendus possibles par la technologie contemporaine afin de rendre le catalogue up-to-date : flux rss personnalisés, commentaires, ébauches de réseaux sociaux à partir des commentaires, etc.

Tout cela est bien, et je ne doute pas qu’un catalogue en ligne doive proposer de tels outils à la pointe de la modernité techno-sociale. Mais le titre comme le contenu de cet article me font légèrement tiquer :

–         l’essentiel d’un site de bibliothèque est ramené presque explicitement à son catalogue ;

–         la sociabilité éventuelle des publics est organisée autour des notices  bibliographiques (enrichies et plus ouvertes).

Désolé, mais j’ai un peu l’impression de voir passer une couche de vernis de modernité sur un outil qui resterait somme toute immuable, et sur des usages inchangés de la bibliothèque (encore que le catalogue n’ait en général jamais été un outil apprécié que pour ses capacités de localisation et de disponibilité, sauf pour les chercheurs…).

Je ne critique pas le désir d’améliorer le catalogue en ligne, bien au contraire (encore qu’au-delà des habillages web 2.0. c’est l’ergonomie de la recherche qui me parait primer), mais ce n’est pas à travers lui qu’on « modernisera » un site de bibliothèque.

Déjà, faut-il « un » site ? Si le seul public visé est celui qui fréquente les lieux et le catalogue, il est clair qu’il va immédiatement identifier « le » site de la bibliothèque comme une extension de celle-ci, et comme un moyen de préparer et faciliter sa venue (Une enquête lyonnaise conduite en 2005  montre que 82 % des visiteurs du site dit institutionnel (www.bm-lyon.fr ) ne se servent que du catalogue, du compte lecteur et des informations pratiques, les 18 % restant ajoutant un coup d’œil complémentaire à l’un ou l’autre des multiples autres services proposés -j’ai refait le compte – ; 82 % des visiteurs du site fréquentent d’ailleurs une des bibliothèques du réseau). En revanche, si l’internaute n’est pas utilisateur des lieux, la bibliothèque sur Internet lui est inconnue et même ne signifie rien, dans la mesure où l’essentiel des ressources documentaires de cette dernière ne lui sont pas directement accessibles (il faut être bibliothécaire, abonné fidèle ou chercheur, pour s’imaginer qu’un catalogue Marc, même enrichi, apporte une plus value d’information à l’internaute lambda s’il ne fréquente pas la bibliothèque : on ne peut même pas commander en ligne comme sur la FNAC ou Amazon !).

En revanche, l’internaute est attentif au service, à la richesse des contenus informatifs, à l’environnement contextuel de ces contenus. Et là, ce n’est pas une question de « site de bibliothèque », c’est une question de site dédié à un service, à des usages particuliers. Donc il faut démultiplier les sites, non à partir du catalogue mais à partir des usages divers, des attentes multiples : à Lyon toujours, le Guichet du Savoir est ignoré de 95 % des visiteurs du site Web institutionnel, et le recouvrement des visiteurs entre les 3 principaux sites conçus par la bibliothèque autour de fonctions différentes (www.bm-lyon.fr , www.guichetdusavoir.orgwww.pointsdactu.org) est inférieur à 5% de passages d’un site à l’autre (décompte des pages d’origine des sessions). On draine donc bien des publics différents pour des services différents, tous bibliothécaires ! Ce qui n’empêche pas le site institutionnel de bien rassembler tous les accès à tous les services, et à des liens hypertexte disséminés de suggérer la navigation d’une ressource à l’autre. Arrêtons de vouloir faire LE site, LE portail… Disséminons les services ! Un de mes modèles est la Public Library of Charlotte and Mecklenburg County (en Caroline du Nord – EU), qui propose pas moins de 16 sites conçus en fonction d’usages et de publics distincts, certains mettant en scène les ressources documentaires (notamment ressources en ligne) – comme Bizlink pour les affaires, BookHive pour les enfants, … – d’autres proposant des services non strictement documentaires – ImaginOn pour les activités de théâtre, Hands on craft pour les travaux artistiques (certains sont même conçus en partenariat) ; enfin on peut se fabriquer « son » site de ressources avec Brarydog – et en outre accéder directement aux ressources en ligne de son choix si on a saisi son numéro d’abonné dans son profil, comme je l’évoquais il y a peu ici !

Autant l’agora sociale de la bibliothèque matérielle est essentielle (à améliorer bien sûr, rendre plus conviviale, ouverte, lieu de débat autant que réservoir, lieu de travail autant que lieu de rencontre), autant l’accessibilité à cette bibliothèque physique peut et doit être améliorée par un catalogue plus ergonomique, par l’encouragement au dialogue entre lecteurs par toutes facilitations techniques, autant les pratiques de la navigation sur Internet nécessitent quant à elles d’identifier des pôles de services et d’usages distincts, évidemment reliés par des liens hypertexte entre eux et à d’autres ressources de la Toile.

Rendre la bibliothèque présente sur Internet, est-ce seulement ouvrir une porte ‘virtuelle’ aux utilisateurs du site physique ?

lundi 28 juillet 2008

Le moment de la citation

Filed under: Non classé — bcalenge @ lundi 28 juillet 2008
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A quelques occasions, pour un texte destiné à être publié, il m’est arrivé de fournir en note une référence à un article de Wikipedia. Pas par facilité, mais parce qu’il était plus précis qu’un article d’un ouvrage imprimé. Il est arrivé également qu’on me le reproche : on n’utilise pas Wikipedia en référence ! Pourquoi ?

Wikipedia n’est pas fiable, car il n’y a pas de filtre d’éditeur, ni surtout d’auteurs reconnus et reconnaissables. Voilà une affirmation à la fois souvent trouvée chez d’éminents intellectuels (Pierre Assouline ),   chez des enseignants (ici) et chez de nombreux bibliothécaires (ici) . Je ne reviendrai pas sur les études de fiabilité et de pertinence de cette encyclopédie collaborative (largement débattues : citons juste Roy Rosenzweig,  un dossier de l’INRP, ou Christian Vandendorpe – tous textes en ligne qui – pour ou contre – sont d’ailleurs des versions électroniques de textes imprimés), ni sur les raisons de son succès de consultation (succès qui ne prouve rien par lui-même). Mais je m’interroge sur la notion d’autorité et sur son usage en milieu bibliothécaire…

La signature d’un auteur peut-elle faire autorité ? Certes non, quand on sait que le texte le plus connu en Occident (la Bible) est anonyme. Et que faire du scientifique renommé qui plonge dans le parapsychique (comme Yves Rocard), du romancier novateur qui sombre dans l’antisémitisme (comme Céline), du grand auteur qui écrit des bluettes pour raisons alimentaires ?

L’éditeur est-il un garant ? Certes non, quand au XVIIIe siècle il plonge avec délices dans la contrefaçon, quand une collection réputée publie un texte  qui provoque une polémique dans les milieux scientifiques (par exemple : Jean Haudry, Les indo-européens, PUF, 1981 ; Que sais-je ?), quand Gallimard refuse le manuscrit de La Recherche du temps perdu, quand nombre d’éditeurs publient des ouvrages de commande souvent lacunaires (recettes de cuisine infaisables par absence d’ingrédients indispensables, guides de voyage non mis à jour).

Inversement, les mêmes signes d’autorité peuvent se retourner brutalement : on refusera tout Heidegger pour son adhésion au parti nazi, tout Céline pour ses textes antisémites, tout Carrel pour ses convictions eugénistes. Bref, l’autorité est chose mouvante, et ne peut sans doute pas être située dans une relation à l’authenticité ou à la valeur intellectuelle, mais par rapport à la loi du nombre, à l’air du temps, au consensus social ou scientifique à un moment donné. L’autorité se décline généalogiquement (confortations successives et croisées), elle ne s’établit pas à travers des signes de validité objectifs.

Alors pourquoi cette levée de boucliers devant une prétention à citer Wikipedia ? Je me demande si la question ne peut pas être analysée du point de vue de l’acte de citation lui-même.  Citer, c’est donner des sources qui peuvent être retracées, et les contributeurs de Wikipedia eux-mêmes ne manquent pas de fournir des références stables, ou de signaler « référence manquante » en note à une assertion sans source, voire d’exiger cette conformité à la rigueur scientifique  (par exemple ici) . Et ce qui pose problème dans une citation d’un article de Wikipedia, c’est qu’elle est peu traçable, étant essentiellement modifiable (sauf les sources fixes citées, bien sûr). Il m’arrive de compléter ma citation par la mention [consulté le -date-] : en fait, il faudrait aller jusqu’à préciser l’heure et la minute ! C’est contradictoire avec la pratique de la citation, qui suppose la stabilité du texte imprimé, non modifiable.

La motilité de Wikipedia comme de toute source située exclusivement sur Internet (en excluant bien sûr les versions en ligne de textes par ailleurs traçables sous leur forme stable, achevée, imprimée), exclut de fait la citation référentielle. Une information créée exclusivement sur Internet sera toujours entachée de suspicion à cause de son instabilité constitutionnelle, alors qu’on prêtera volontiers à l’imprimé la vertu de la stabilité. C’est sans doute une illusion, comme le démontre avec brio Robert Darnton dans un récent article imprimé (et en ligne : The Library in the New Age, The New York Review of Books, n°10, juin 2008 ) : « Information has never been stable », l’information, le texte n’ont jamais été stables, que ce soit le fait des auteurs, des éditeurs, des traducteurs, etc. Darnton ajoute d’ailleurs : « Having learned to write news, I now distrust newspapers as a source of information, and I am often surprised by historians who take them as primary sources for knowing what really happened. I think newspapers should be read for information about how contemporaries construed events, rather than for reliable knowledge of events themselves » (‘Ayant appris à écrire des articles de journaux, je n’ai maintenant plus confiance dans les journaux comme sources d’information, et les historiens me surprennent souvent qui les prennent comme sources primaires de ce qui s’est réellement passé. Je pense que les journaux doivent être lus pour comprendre comment leurs contemporains interprètent les événements, plus que comme pour une connaissance fiable des événements eux-mêmes’).  La pratique de la citation est un code social plus qu’une référence à une vraie autorité, code qui permet d’asseoir l’autorité de l’écrivant dans le contexte social (et parfois d’engager des débats scientifiques). Les textes électroniques n’échappent pas pour l’instant à cette règle, et fourmillent de références à des textes imprimés. Mais nous ne sommes qu’aux débuts de la publication électronique : quels codes référentiels vont pouvoir être mis en œuvre pour les écrits uniquement électroniques qui ne manqueront pas d’arriver, qui existent déjà (blogs de journalistes prestigieux, etc.), qui se référeront peut-être à d’autres textes exclusivement numériques, et auxquels ils faudra se référer ? La solution peut-elle raisonnablement résider dans la fixation infiniment répétée de ce flux en copies stables référentielles (qu’il ne resterait plus qu’à … cataloguer) ?

Comment traiter ce flux véhiculé par Internet, quand nous avons l’habitude de ne traiter que d’états stables et achevés (achevés d’imprimé, smileys Forum ) ? Avec l’émergence de ces flux, comment établir d’autres relations à l’autorité, des conceptions de la mémoire et de l’argumentation non assises sur le seul stockage, etc. ?  Quels réflexes devrons-nous prendre au moment de la citation ? Une question qui me permet de citer encore Wikipedia smileys Forum , pour renvoyer aux paradoxes de Zénon.

vendredi 25 juillet 2008

Evaluation et statistiques : les inscrits

Filed under: Non classé — bcalenge @ vendredi 25 juillet 2008
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« T’as combien d’inscrits ? », « les inscriptions baissent ! », « la fréquentation remonte, regarde : les inscrits sont en hausse ! », « la fréquentation est une chose, mais les inscriptions c’est ce qui compte», etc.

Les inscrits (plus que les inscriptions d’ailleurs) sont une des données que les bibliothécaires examinent avec la plus grande attention. On en tire un indicateur majeur : le taux d’inscrits rapporté à la population communale ou intercommunale. Pour des raisons comptables parfois : elle vaut rentrée d’argent. Pour des raisons politiques souvent : elle légitime l’établissement. Pour des raisons plus confusément bibliothécaires : elle confirme l’objectif ultime de la bibliothèque – 100 % d’inscrits smileys Heureux.

Passons outre ces diverses motivations (pour les bibliothèques publiques au moins : les BU évoluent vers d’autres critères d’impact). Et décortiquons un peu ces ‘inscrits’.

A quoi est-on inscrit ?

La cause est entendue, la seule inscription valide institutionnellement est celle qui donne accès à l’emprunt de documents (et non au prêt, terme très biblio-centré). Et pourtant, on peut s’inscrire pour de multiples autres raisons : une lettre électronique, un service en ligne, une animation à public restreint, une connexion Wifi – sauf à Paris, ah ah !! -, la diffusion du bulletin d’information, les séances d’atelier à l’espace numérique, etc. Les usagers ne s’y trompent pas qui ne savent jamais très bien s’ils sont inscrits ou non… sauf bien sûr s’ils se présentent au comptoir de prêt pour emprunter un document !

Qu’est-ce qu’un inscrit au sens statistique ?

Bon, admettons, on parle d’une personne ayant effectué les formalités nécessaires pour emprunter des documents (bonjour la BPI ! ouah, la minable ! pas un seul prêt et encore moins d’inscrit !). Mais un inscrit comptable, qu’est-ce que c’est ? C’est quelqu’un qui s’est inscrit au cours des 12 mois précédents : hier ou il y a 364 jours ! L’ancien déménagé d’il y a 10 mois et le nouveau visiteur d’hier valent une unité chacun, pourvu que l’intervalle de temps considéré – l’année civile – recouvre les deux événements. C’est ça l’égalité statistique ! On ne compte pas les inscrits, abus de langage, on compte les cartes qui sont valides ! Or un décompte vrai des inscriptions réelles (i.e. les opérations conduisant à la confection d’une carte) sur une année montre qu’elles représentent environ 60 % des « inscrits » statistiques sur une année civile. Pourquoi ? Tout simplement parce que les inscrits officiels d’une année civile recouvrent en fait un ensemble de gens qui se sont inscrits sur presque deux ans : du 2 janvier de l’année X-1 (valides encore le 1er janvier de l’année X) à ceux inscrits le 31 décembre de l’année X (évidemment actifs cette même année, même pour quelques heures…). Et en plus la formalité de réinscription est variable et infidèle : voir plus bas…

Quelle est la validité des données saisies à l’inscription, ou à la réinscription ?

Une fois décodées les arcanes de l’inscrit et de l’inscription, attaquons-nous à ces fichus lecteurs… inscrits !!! Victoire, on les connaît, de près et dans le moindre détail, grâce aux données transcrites lors de leur inscription ! Oh, on se calme ! Tout le monde sait que la CNIL interdit la collecte de beaucoup d’informations (qui font baver les sociologues en vadrouille). Mais plus prosaïquement, examinons la qualité des fichiers d’inscrits d’une bibliothèque lambda : orthographe des noms en général correcte, mais libellé des adresses parfois approximative (pauvre Thierry Giappiconi et son – notre !- rêve de SIG appliqué au lectorat des bibliothèques !), PCS (ex-CSP) erratique (surtout pour les réinscriptions : un collégien fidèle restera peut-être ‘scolaire’ au fil des années pour la bibliothèque, même une fois devenu chef d’entreprise !), base des inscrits peu ou mal nettoyée, générant des erreurs sur les adresses mails quand elles ont été saisies, « fleur » faite à un lecteur sympa pour l’inscrire dans une catégorie moins coûteuse que celle où il paierait plein pot, etc.

Quelles personnes recouvre une inscription ?

Bon, on essaye de régler tout ça, et on se fait une base d’inscrits à peu près propre. OK ? Eh ben c’est pas réglé !!! De quoi on parle ? Une personne clairement identifiée = un inscrit (il faut que la lecture soit personnelle, c’est plus sûr…). Ca roule !!! Damned, ces fichus inscrits ne jouent pas le jeu ! Cette précieuse carte d’inscrit, ils la galvaudent, comme les cartes de fidélité distribuées par les magasins de vêtements ! D’abord ils empruntent sous leur nom – et leur carte – des documents pour leurs enfants, conjoint(e)s, concubin(e)s, ami(e)s… ! Ce n’est pas négligeable, comme le soulignait l’enquête 2005 du CREDOC (et à Lyon, selon une enquête de fréquentation, 10% des visiteurs déclarent emprunter pour d’autres), et je suis toujours émerveillé de décompter des papys et mamies emprunter (statistiquement !) des albums que je racontais à mes propres bambins ! Même, ce que j’ai pu constater de mes propres yeux, beaucoup empruntent des documents avec la carte d’un voisin, ami, parent… : dans nos enquêtes lyonnaises, un bon nombre de personnes affirment ne pas être inscrites… et emprunter des documents. A mon avis, la carte de bibliothèque (sans photo, of course) repose sur le meuble de l’entrée à côté des clés de la maison ou de la voiture, de la carte de piscine, etc., à la disposition de tous les membres de la famille. Moi, ça ne me gêne pas, au contraire, mais…

Inscription et fréquentation

L’horreur, pour un bibliothécaire, c’est qu’on abandonne la bibliothèque. Bon, c’est dur pour tout le monde, l’abandon, et surtout à titre perso ; mais faudrait pas pousser la conscience professionnelle jusqu’à faire une dépression… C’est quoi, abandonner la bibliothèque ? Pour moi, abandonner, c’est partir pour ne plus jamais revenir. C’est dans cette perspective dramatique que j’ai accueilli avec intérêt un groupe d’étudiants de l’Enssib qui, en 2004, voulaient étudier les raisons de l’abandon de la bibliothèque auprès des – anciens et surtout futurs déçus- lecteurs d’icelle. Las, j’ai vite découvert que leur enquête consistait en fait à déceler les raisons de la non fidélité aux rites de réinscription annuelle. Bref, un « non réinscrit » = un déserteur ! Même dialogue surréaliste au Ministère de la culture en 2005, dans le comité de pilotage de la fameuse enquête du CREDOC sur la fréquentation et l’image des bibliothèques municipales : « on constate une baisse des inscrits : analysons cette baisse de la fréquentation ». Pouf pouf ! Ce qu’on nomme un inscrit, c’est –avec toutes les précautions ci-avant énoncées- une personne inscrite pour pouvoir emprunter (et jusqu’en 2004 devant avoir validé cette inscription par un achat emprunt au moins). Que ce soit pour elle, pour quelqu’un d’autre, ou par usage détourné de la carte de fidélité d’inscription (familial, amical ou autre)…Deux enquêtes lyonnaises de population (BBF ) ont montré que 45% de la population adulte était entrée dans une bibliothèque de la ville dans les 6 mois précédents… alors que 15 % seulement étaient régulièrement inscrits : deux fois plus de non-inscrits que d’inscrits ! Alors, on fait quoi de tous ceux qui fréquentent les ateliers numériques, qui feuillettent les magazines, qui travaillent dans nos salles, qui discutent dans nos ateliers ou conférences, qui utilisent nos services de questions/réponses en ligne… sans être inscrits pour l’emprunt ? Ils ne comptent pas ?!

Il lettore e mobile !

Revenons un instant sur la notion de fidélisation. En recherchant 100 % d’inscrits, on cherche en fait une population qui, chaque année exactement, reviendrait valider une carte (dont elle se servirait, bien sûr !). Or il n’est pas rare que chaque année près du tiers des personnes inscrites l’année d’avant ne renouvellent pas leur inscription : ont-elles abandonné la bibliothèque ? Pas nécessairement, bien au contraire : elles utilisent d’autres services que l’emprunt, comme on l’a dit. En outre, l’inscription est une formalité épisodique : un oubli (réparé) de nettoyage des fichiers d’inscrits m’avait permis de constater que 14 % des inscrits d’une année X ne l’étaient pas l’année X-1… mais l’étaient l’année X-2, X-3 ou X-4 (je les appelle des « revenants »). Les inscriptions sont mouvantes dans le temps dde la vie de chacun : changement d’activité, naissance d’un enfant, déprime, etc. Lisez les belles phrases de JL Gautier-Gentès, qui relativise merveilleusement la pseudo centralité de notre activité (BBF ). Quelle sorte de fidélité cherchons-nous ? et pour quels services ?

Que veut-on décompter ?

Pour une mesure bancale, c’est une mesure bancale ! Mais après tout, il serait illusoire d’espérer une mesure décisive de la part des statistiques. Tout dépend de ce qu’on cherche à savoir (plus qu’à prouver. Encore que…). A Lyon, on peut faire de multiples décomptes :

les inscrits pour l’emprunt. Je n’y reviendrai pas. Encore faut-il souligner l’importance de cette mesure en termes logistiques (charges de prêts, contraintes de rangement ; etc.)

les visiteurs lambda, amateurs de calme, de travail, visiteurs des départements, des expositions ou fans des conférences, dragueurs (eh oui !), emprunteur quand même, … Les décompter (entrées, durées de séjour,..) signale leur importance.

Les visiteurs en ligne, souvent non inscrits pour l’emprunt (seuls 15% des utilisateurs du Guichet du Savoir sont inscrits). Parfois doublonnant avec les catégories précédentes – mais comment le savoir ?- ;

Les personnes ou institutions rencontrées hors les murs : personnes âgées bénéficiant d’un dépôt d’ouvrages dans leur maison de retraite, familles rencontrées au pied d’un immeuble, enfants servis par des animateurs de BCD formés par la bibliothèque, etc.

Bref, faute de savoir comment compter, on se cantonne aux inscrits, voire aux emprunteurs.

Un indicateur international ?

Ceci dit, une fois connues ces limitations, on peut utiliser la mesure du nombre d’inscrits en interne, pour étudier parcellairement des pratiques, des flux, de la masse de travail qui en découle… Mais voilà, non seulement cette mesure est toujours mise en avant, mais encore on s’en sert pour établir des tableaux statistiques nationaux voire internationaux, au moins pour les inscriptions nécessaires pour emprunter. Elle est à l’honneur dans les normes ISO. On m’a toujours appris à me méfier de mesures portant apparemment sur le même objet mais dont les protocoles d’établissement étaient distincts. Or c’est le cas ici, par la non-similitude des modalités et formalités d’inscription. Je ne reviendrai pas sur la question souvent débattue des coûts d’inscription discriminant les populations susceptibles de s’inscrire. Mais je voudrais attirer l’attention sur le fait que l’inscription pour le prêt est parfois requise pour celui-ci seulement (mais souvent très différencié selon les supports), mais parfois aussi couplée impérativement avec d’autres services : consultation d’Internet par exemple, voire l’entrée dans la bibliothèque dans certains cas (une médiathèque de SAN dans la région parisienne a connu cela il n’y a pas si longtemps). En outre, les errements de l’intercommunalité en matière de bibliothèque conduisent à des mutations de référence (population multipliée par la décision d’intercommunalité) sans qu’il y ait aucun changement de service (même bibliothèque pour tous, accessible aux mêmes conditions qu’avant), le tout étant provoqué par de savants calculs politico-budgétaires étrangers à la population desservie. Comment en tirer quelque chose de cohérent au niveau national, d’autant que les politiques municipales évoluent au fil des années (je me rappelle le cas de la ville d’Autun dans les années 80, qui avait perdu 30% de ses abonnés d’une année sur l’autre en abandonnant la gratuité) ?

Bref, on voit que cet indicateur reste plutôt médiocre, au point qu’on peut s’interroger sur la raison du succès qu’il a rencontré depuis des décennies dans les bibliothèques publiques. Je subodore qu’il y a là la force d’une politique volontariste de démocratisation culturelle dans les années (19)60, marquée par l’ouverture de salles en libre accès et la libéralisation du prêt : les rapports et autres écrits de l’inspection générale à cette époque le laissent clairement entrevoir. Les bibliothèques ont changé, les services autres que ceux liés au prêt se sont multipliés (avec dans certains cas une inscription spécifique), l’environnement a évolué… Il est temps de relativiser cet indicateur du taux d’inscrits pour le prêt, non ?

mercredi 23 juillet 2008

Duplicités documentaires : DVD et pays en développement ou semi-développés

Filed under: Non classé — bcalenge @ mercredi 23 juillet 2008
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Récemment en déplacement à Casablanca (Maroc), j’ai eu l’occasion de sillonner le marché de l’ancienne médina (un vrai bonheur, soit dit en passant). Travaillant sur les futures collections d’un projet de médiathèque, j’ai pu constater avec un étonnement très français que des films populaires sortis en salle 3 semaines plus tôt étaient proposés en DVD publiquement au prix de 1 euro pièce (ce qui ne fait pas cher, même au niveau de vie du Maroc). Piratage manifeste, et largement admis sans aucun complexe d’après mes contacts locaux. Il faut savoir que si 32 millions de CD et DVD ont été vendus au Maroc, seuls …4 millions étaient légaux (ici). Mais comment situer une collection de médiathèque dans ce contexte ?

proposer des films non populaires donc non piratés… donc peu susceptibles de rencontrer un intérêt au-delà d’un cercle de personnes averties ?

proposer un fonds persistant au-delà de l’offre commerciale avide de renouvellement, et donc choisir de ne pas se soumettre aux seuls diktats de la nouveauté ?

parier sur un développement du marché du film marocain encore balbutiant (ici) ?

Les trois sont possibles sans doute, et je ne trancherai pas. Mais la fragilité des supports (les DVD bien sûr, mais tous les autres aussi : VHS, Bétamax, …) comme les politiques commerciales de réédition rendent-elle plausibles une offre persistante ? Et sur quel circuit de diffusion compter pour constituer des collections cohérentes ?

Dans les pays peu irrigués par le type d’offre commerciale dominant en France et dans les pays industrialisés, le hiatus entre les usages « erratiques » de la population et les faibles structures installées (éditeurs, libraires, bibliothèques,…) est majeur : la fameuse « chaîne du livre » (ou de tout autre support documentaire) est brisée faute de certains des maillons qui la constituent. Mais peut-on vraiment renforcer cette chaîne en dépit des usages de la population et des circuits parallèles établis avec leur complicité ?

La question ne vaut pas que pour des pays lointains, pauvres et démunis d’une tradition d’appareil d’édition et de distribution documentaire : que va-t-il advenir de la musique et des films dans nos bibliothèques, quand le téléchargement gratuit (légal ou non) fera partie intégrante des habitudes de nos concitoyens (dont le quart déjà télécharge illégalement de la musique selon une enquête BVA de fin 2007 ? Hors la dimension mémorielle (d’ailleurs menacée par la fragilité des supports et le caractère éphémère des formats, donc de plus en plus réservée à quelques grandes entreprises comme la BnF), quel sera le créneau des bibliothèques publiques ? Question banale pour nombre de nos collègues versés dans ces questions (voir le blog de Xavier Galaup, et bien d’autres…), mais une bonne occasion de rappeler un vieux fondamental du métier : un document n’existe pas pour lui-même, mais parce qu’il répond à un usage. « A chaque livre son lecteur » disait S.R. Ranganthan….

Ou alors, faudra-t-il franchir le pas : proposer des musiques plus que des disques ? des projections de films plus que des DVD ? concurrencer les plate-forme de diffusion ? ou encore ?….

vendredi 18 juillet 2008

A propos des abonnements électroniques en bibliothèque publique

Filed under: Non classé — bcalenge @ vendredi 18 juillet 2008
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Très récemment, je participais à l’élaboration d’une séance de formation sur des questions documentaires, quand la question des périodiques est venue sur le tapis. Inévitablement, la présentation du consortium Couperin fut évoquée et, par un mouvement réflexe qui ne manque jamais de m’émerveiller, on s’empressa d’y ajouter CAREL, le consortium créé pour les bibliothèques publiques. Depuis plusieurs années, la profession a visiblement décidé de présenter ces deux consortiums comme des jumeaux (cf. les liens ci-dessus sur deux articles parus évidemment dans le même numéro du BBF !), et cette pratique me gêne profondément.

Non parce que les consultations des abonnements en ligne restent proportionnellement très faibles dans bibliothèques publiques, mais parce qu’on compare des objets et situations très différents.

La confusion nait de l’usage générique du terme de ‘périodiques’ (et du désir acharné et ancien de considérer que BM et BU sont ontologiquement semblables). Ce terme n’a pas de signification générique en termes d’usages ni en termes éditoriaux voire économiques : si les universités pratiquent les revues, et en ont un besoin vital et quotidien tant pour les carrières des chercheurs que pour l’alimentation du savoir, ces revues sont loin d’avoir le même caractère de nécessité dans les bibliothèques publiques : indispensables pour quelques fonds (tel le fonds local) et pour une frange d’érudits ou de curieux non universitaires, elles ne sont qu’accessoires pour la majorité du public. Certes, si ces clients sont étudiants, chercheurs ou professionnels experts, leurs besoins sont plus constants, mais comme on l’a dit les éditeurs ont plus que parfaitement cerné leur niche dans ce domaine auprès des universités, comme ils ont su le faire auprès des communautés professionnelles (juristes, experts du bâtiment, etc.). Que reste-t-il aux BM, ces vecteurs généralistes ? A la limite, les fonds locaux s’enrichissent surtout de ‘bulletins’ (feuilles d’information, gazettes d’associations, …), plus que de revues stricto sensu. Et les revues électroniques ou bases de données sont surtout utiles pour les bibliothécaires eux-mêmes dans les services spécialisés de questions-réponses (en ligne notamment).

En revanche, les bibliothèques publiques vivent de l’intérêt porté par leur public à deux autres grands secteurs : la presse et les magazines. Et chacun de ces supports fonctionne selon des modalités très différentes :

– la presse repose sur la quotidienneté, et à ce titre se feuillette sans être empruntée. Cet usage de feuilletage persiste dans la bibliothèque pour une bonne part de la population, mais est concurrencée par la mise en ligne gratuite des quotidiens les plus récents (sans parler de Google News ) . Aujourd’hui, 95% des usages de la presse peuvent se faire librement à domicile ou au bureau, avec une simple connexion Internet ;

– les magazines se consultent et s’empruntent : une étude conduite par une élève de l’enssib, Gwenaëlle Marchais (La lecture des magazines, 2005) compte 1,8 consultations pour 1 prêt de magazine. Et quand on sait qu’en 2007 Lyon a connu près de 200 000 prêts de périodiques (à 98,5 % prêts de magazines), soit 11 % des prêts d’imprimés des bibliothèques d’arrondissement !… Or les magazines sont encore peu engagés dans l’édition électronique, même s’il existe d’intéressants essais de feuilletages et téléchargements en ligne (comme monkiosque ou le Kiosque numérique Relay) essentiellement destinés aux particuliers. En outre, les magazines vivent autant de leur mise en page et de leurs illustrations que de leurs contenus : l’imprimé convient très bien à leur usage…

Bref il existe un décalage entre offre éditoriale, usages de lecture, et attentes possibles des bibliothèques publiques envers les revues électroniques. Un autre facteur ne doit pas être négligé : la disponibilité. Il existe une incohérence entre la disponibilité immédiate d’Internet à domicile ou au travail, et l’impératif de déplacement vers un bâtiment (selon les heures d’ouverture, la disponibilité des postes Internet, etc.) pour disposer d’une ressource accessible sur ce même Internet… Cette incohérence apparente ne peut être résolue qu’en cas de forte valeur ajoutée (masse critique documentaire spécialisée, compétences hautement développées, service personnalisé …), mais pas pour une simple accessibilité à des titres électroniques sur des postes en libre accès.

Les universités ont réussi le virage électronique à partir du moment où les abonnements ont irrigué l’ensemble des labos et bureaux des campus et où l’accès a dépassé les murs de la bibliothèque. Les bibliothèques publiques ne peuvent espérer rencontrer quelque succès (qui restera mesuré, compte tenu des usages constatés) qu’en franchissant le pas, que ce soit pour les revues, les archives de presse et les magazines. C’est possible ! Par exemple la Hennepin County Library permet à ses usagers inscrits d’accéder de chez eux à ses abonnements électroniques (voir ici en particulier). Connaissez-vous d’autres exemples ?

jeudi 17 juillet 2008

Météo et bibliothèques

Filed under: Non classé — bcalenge @ jeudi 17 juillet 2008
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Vous connaissez l’adage américain selon lequel « un intellectuel, c’est quelqu’un qui va à la bibliothèque même quand il ne pleut pas » ? Eh bien, on peut sophistiquer le propos. Une enquête sérieuse, et prolongée sur plusieurs mois, a combiné météo et fréquentation des animations pour enfants. Les conclusions sont – à peine – plus nuancées :

– il fait très beau : ben, y’a personne

– il fait moyen : c’est salle pleine !

– temps pourri, à ne pas mettre un chien enfant dehors : ben, y’a personne (d’ailleurs, le(la) bibliothécaire a pris froid, alors !…..) !

C’est beau, les stats !!

Un carnet pour quoi faire ?

Filed under: Non classé — bcalenge @ jeudi 17 juillet 2008
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Premiers pas dans le monde des blogueurs, après moult hésitations.

Mais il fallait bien y passer comme d’autres (nombreux) : beaucoup de choses se passent dans le milieu des bibliothèques, et encore plus dans leur environnement ; les reconfigurations se multiplient, et amènent à se poser beaucoup de questions. Face à cela, écrire un livre est trop lourd (je sors d’en prendre !…) pour les réactions parcellaires, et les revues privilégient de plus en plus les articles de commande. Bref, un carnet de notes est un excellent moyen terme pour réagir à des situations, innovations, questionnements divers…

La difficulté, c’est de trouver le juste équilibre entre le journal intime para-professionnel et la fusion communautaire (encore que cette dernière soit une hypothèse passionnante : j’ai découvert l’espace communautaire francophone des bibliothèques sur Ning ). Le blog est, après tout, un moyen utile pour confronter un avis très personnel à des lecteurs possibles, faire réagir, bref enrichir la pensée et l’action ! D’ailleurs, je mets à votre disposition – à droite –  des liens sur quelques blogs qui m’enrichissent quotidiennement.

Restent deux questions :

– le nom du carnet. J’adore certains titres imaginatifs, comme Bibliobsession -que j’aurais bien piqué à Silvère – ou Bambou – la présentation par Jérôme est une trouvaille !. Mais il faut bien assumer le caractère totalement perso de ces réflexions, rédigées hors mes fonctions professionnelles, j’insiste là-dessus. Donc je signe (et je persiste).

– le contenu. Ce qui m’intéresse, ce sont les transformations, les confrontations : transformations de bibliothécaires devant associer des objectifs nouveaux à des taches persistantes, confrontations de bibliothèques largement dotées en procédures et normes éprouvées à des environnements en pleine évolution. Questionner les pratiques au regard des objectifs, questionner les objectifs au regard des attentes sociales. Le champ est vaste…

On verra bien…

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