Bertrand Calenge : carnet de notes

mercredi 23 mai 2012

Autour du livre numérique : quels discours ?

Filed under: Non classé — bcalenge @ mercredi 23 mai 2012

La semaine dernière, j’ai eu l’honneur de contribuer à un colloque sur le livre numérique organisé à Séville par l’Institut français, avec les concours des ministères de la Culture français et espagnol. Étrange moment (même s’il fut fructueux par les contacts) où nous nous sommes retrouvés à deux bibliothécaires – l’un français et l’autre espagnol – proposant d’aborder cette problématique sous l’angle public des populations que nous servons… face à une armada d’éditeurs, distributeurs, libraires et pouvoirs publics préoccupés par leur(s) seul(s) modèles économiques… Bref, j’ai goûté à loisir de la TVA sur le livre numérique (celle sur le livre imprimé semblant devoir être ramené à 5,5 % en France ? J’ai cru comprendre que la TVA sur le livre numérique n’était pas nécessairement en si bon chemin, les téléchargements n’étant pas acceptés par Bruxelles comme bien culturels essentiels…). Mais j’ai noté le peu d’écho rencontré par nos discours argumentant sur l’intérêt public…

Alors, pour que mes cogitations brèves (j’avais 10 minutes pour effectuer mon exposé) rencontrent peut-être un public justifiant la sueur de mon front, je vous en livre la teneur. C’est volontairement généraliste, mais c’est aussi un acte de conviction :

Cehwidiel – http://www.cehwiedel.com – licence CC

L’introduction du numérique a bien entendu modifié très profondément les circuits logistiques des bibliothèques, comme l’étendue voire la nature des services qu’elles peuvent délivrer : du catalogue maintenant accessible à domicile aux services de questions-réponse proposés en ligne, une bibliothèque ne saurait plus exister sans le numérique.

Il est pourtant une dimension qui mêle pour elles l’effervescence de la créativité et la perplexité inquiète : celle de la configuration des contenus numériques. Internet permet l’invention de moult services originaux qui peuvent très bien s’exercer à partir d’une matière première inchangée, celle des livres imprimés et autres documents matériels.

Mais quand les contenus de ces livres et documents prennent une forme elle aussi numérique, nous n’observons pas un simple changement de support, nous sommes confrontés à une véritable reconfiguration qui, je le répète, mêle l’inventivité créatrice à l’inquiétude.

Inventivité créatrice ? Les contenus dont traite la bibliothèque connaissent une deuxième jeunesse, notamment lorsqu’ils relèvent du domaine public. Les collections patrimoniales, enfin numérisées, se reconstruisent en bibliothèques numériques habilement structurées. Pendant que les acteurs industriels du numérique découvrent que, tout compte fait, l’expertise des bibliothécaires en matière de définition et de structuration des métadonnées se révèle un atout précieux…

Inventivité créatrice ? la plasticité gagnée grâce au numérique autorise désormais la construction de contenus réellement originaux à partir du patrimoine désormais digitalisé, fractalisé, recomposé : les grandes bibliothèques sont désormais capables de produire de véritables documents éditoriaux, tels les dossiers de la Bibliothèque nationale de France, la British Library, ou la Bibliothèque nationale d’Espagne (j’ai beaucoup apprécié l’exposition virtuelle  La cocina en su tinta… )

Inventivité créatrice ? Les bibliothécaires s’engagent eux-mêmes dans une médiation des contenus qui les conduit à s’inventer écrivains, journalistes, éditeurs !… Ils disposent d’un avantage extraordinaire : ils ont une grande connaissance des contenus et savent expertiser ces derniers. Un zeste de plus, et les voilà inventeurs de revues, comme à Lyon avec Points d’actu !, qui revisite le talent bibliographique des bibliothécaires dans une entreprise journalistique autour de l’actualité !

Iceprincess – http://www.xtremecamera.com/photo/6943 – licence CC

Mais l’effervescence créatrice se même aussi d’inquiétude devant les reconfigurations de l’économie numérique.

Inquiétude, car la production des écrits contemporains s’inscrit dans un contexte économique instable : nombre d’éditeurs traditionnels ne se hasardent guère au numérique – ou alors prudemment -. D’autres éditeurs franchissent le pas, mais sans  bien distinguer leur distribution numérique de leur production matérielle, notamment en matière de coûts.
Souvent interviennent des restrictions d’usages (comme les DRM – Digital Right Management), comme intervient cette nouveauté étonnante : le livre attaché à un dispositif technique particulier ! Partout règne l’instabilité des modèles économiques du document numérique et de sa diffusion. Pour les bibliothèques, leur mission de transmission tant au sein d’une population qu’au travers des générations s’en trouve singulièrement questionnée.

Inquiétude, parce que l’économie documentaire passe rapidement de l’ère de l’appropriation à l’âge de l’accès. Pour les éditeurs de revues scientifiques, qui ont parfaitement opéré leur migration vers le modèle numérique, ce dernier est pain bénit. Alors qu’autrefois des éditeurs entretenaient à grands frais un stock à rotation lente (en comptant sur la transmission culturelle pour apurer le stock), aujourd’hui ces éditeurs scientifiques cumulent le beurre et l’argent du beurre : on rachète chaque année et la nouveauté et le stock ! Cerise sur le gâteau : les auteurs des contenus, chercheurs payés par les institutions scientifiques publiques, sont contraints de proposer gracieusement leurs travaux pour accroître leur réputation, en même temps que les institutions qui les rémunèrent doivent pour leur part payer aux éditeurs l’accès à ces mêmes travaux !

Inquiétude enfin et même surtout, parce que les avidités économiques tendent à soustraire de plus en plus longtemps les productions de l’esprit à la libre disposition du savoir accessible sans entraves, au patrimoine de l’humanité partagé librement. En passant, grâce aux potentialités du numérique, d’une distribution d’exemplaires librement manipulés par chacun,  à un abonnement d’accès aux œuvres – toujours renégociable – est apparu un appétit immodéré de la part de nombre d’éditeurs, celui de la rentabilité potentielle d’un gisement de savoir dont les éditeurs tiendraient les robinets ad vitam aeternam

L’extension progressive du droit d’auteur en est le signe inquiétant ! Sans en nier la légitimité, les bibliothécaires à la fois réclament un cantonnement de ce droit d’auteur à une durée raisonnable, d’autre part revendiquent une émergence positive du savoir comme bien commun. Le domaine public est une richesse, un patrimoine : il faut l’étendre et de défendre.

Dans la balance des enthousiasmes et des inquiétudes, je fais évidemment le pari d’un avenir créatif pour les bibliothèques et les bibliothécaires. Ce pari positif tient compte à la fois d’un examen des évolutions de notre société numérique, et de la certitude qu’est nécessaire un espace public de partage du savoir.

La profusion infinie des savoirs livrés à la Toile rend de plus en plus indispensable la fonction de filtre, et la nécessité de la décantation. Les éditeurs ont seuls tenu ce rôle, avant que l’expression  numérique n’autorise une explosion de textes, images, vidéos, dépourvus de tout appareil éditorial. Dans le circuit des auteurs parlant aux lecteurs, les éditeurs avaient posé leur filtre du côté des auteurs, sélectionnant les manuscrits, les faisant remodeler, les inscrivant dans une politique éditoriale, etc. Tout le monde s’en trouvait bien.

Mais quid de la profusion que nous permettent les flux numériques ? Les bibliothécaires me semblent appelés à devenir des sortes d’éditeurs de demain. Mais cette fois-ci placés du côté des lecteurs, organisant leurs filtres, les conseillant dans leurs choix, les accompagnant dans leur recherche de connaissance. Non des conditionneurs de la source, mais des accompagnateurs du destinataire.

Évidemment, cette fonction éditoriale des bibliothécaires ne sera possible que s’il demeure un espace public du savoir et de la connaissance, et donc si la collectivité juge intéressante la poursuite du financement de bibliothèques publiques.

Dans la plupart des villes de France (je ne connais pas la situation espagnole), il n’existe plus guère qu’un seul espace public non commercial accessible à tous sans exclusive et sans nécessité, la bibliothèque. Jusqu’à quand ?

Les anciens Grecs connaissaient l’agora, cette place commune où les citoyens échangeaient leurs connaissances et débattaient de leurs affaires comme de l’avenir de la cité.

La virtualité du numérique nous proposerait-elle Facebook comme horizon du collectif  ?!

Gardons aux citoyens bien vivants, bien humains – et non virtuels -, cette autre place publique, cette place de débats citoyens comme d’échange  de savoirs qu’est la bibliothèque inscrite dans ses murs et sa communauté.

Et faisons-la vivre avec nos concitoyens !

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samedi 12 mai 2012

Des masters d’ingénierie de la connaissance

Filed under: Non classé — bcalenge @ samedi 12 mai 2012

Une fois n’est pas coutume, je vais parler ici de mes fonctions, ou plutôt de l’objet de mes fonctions : inventer, coordonner, développer et accompagner des formations de haut niveau pour former ceux que j’aime appeler des ingénieurs de la connaissance, tant les différents métiers de bibliothécaire, documentaliste, archiviste, gestionnaire d’information, médiateur de l’information et autres veilleurs s’entremêlent avec pour fil directeur commun l’expertise à organiser et structurer l’information, à la rendre accessible et appropriée par des publics divers, à en garantir la conservation mais aussi le renouvellement, la cohérence et l’adéquation aux projets les plus divers.

Cinq masters

Outre les formations post-concours des bibliothécaires d’État et des conservateurs des fonctions publiques d’État et territoriale, l‘enssib propose cinq spécialités de masters qui balayent les différentes dimensions de ce fil commun smileys Forum:

  • master Politique des bibliothèques et de la documentation (PBD) : ce master prépare aux fonction d’encadrement supérieur et de pilotage de projets dans les très nombreux centres de documentation et bibliothèques d’organismes hors fonction publique (fondations, EPIC, bibliothèques de musées, réseaux de bibliothèques et documentation dans le domaine de la santé, etc.)
  • master Cultures de l’écrit et de l’image (CEI) : très ancré sur les dimensions patrimoniales des collections, ce master s’attache à l’organisation, au traitement et à la valorisation/médiation de toutes les formes de patrimoine documentaire, également contemporain
  • trois autres spécialités forment ce que nous appelons « les masters du numérique » : jusque-là réunies sous une appellation unique Sciences de l’information des des bibliothèques, elles se ramifient maintenant en trois spécialités qui font écho à l’incroyable diversité des métiers émergents à l’heure d’une information numérique foisonnante : le master Sciences de l’information et des bibliothèques et de l’information scientifique et technique (SIBIST – orienté vers le pilotage et l’exploitation documentaire de cette information), le master Archives numériques (AN – destiné à répondre aux enjeux de la conservation, du traitement et de la mise en accès des archives grandissantes des institutions et entreprises) et le master Publication numérique (PN – davantage orienté vers les exigences de structuration et de production des nouvelles chaines d’édition numérique, tant de livres que des autres formes émergentes de documents). Ces trois spécialités proposent une première année commune, ce qui laisse le temps aux étudiants de préférer approfondir en deuxième année l’une ou l’autre dimension. Et ceux qui se sont déjà engagés dans un master autre peuvent, s’ils ont envie d’essayer de tenter l’aventure et ont réussi leur M1, postuler directement en 2e année de ces spécialités…

Foisonnements et trajectoires croisées

Je ne viens pas ici seulement faire de la réclame à ces formations. Ce samedi, l‘enssib tenait portes ouvertes, et accueillait, en compagnie d’étudiants et anciens étudiants, les nombreux curieux intéressés par leur future trajectoire professionnelle. Ce qui m’a le plus frappé dans les échanges que j’ai pu avoir ou entendre est la réticulation réciproque des intérêts et parcours. Avec deux constantes :

L’extension des parcours professionnels personnels est un premier étonnement réjouissant : il n’est pas rare qu’un étudiant entame un master en ayant à l’esprit une certaine image du métier qu’il compte occuper plus tard. Dans cette imaginaire initial, l’impensé collectif du bibliothécaire ou du documentaliste traditionnels tient une grande part, ancienneté des métiers oblige. Et puis, le temps des découvertes arrive : l’entremêlement des itinéraires individuels, la diversité des dimensions de la structuration médiatrice de l’information, la surprise devant la variété des situations professionnelles, et surtout l’éventail très large des stages possibles conduisent étonnamment à revisiter le parcours idéal que l’étudiant s’était construit…

Je parlais des stages en milieu professionnel : ils sont révélateurs des préoccupations des entreprises et des institutions. Il y a trente ans, ces dernières piochaient dans leurs ressources humaines qui un ingénieur, qui une secrétaire, qui un chercheur, lui octroyaient le temps de quelques stages de documentation, et l’affaire était entendue. Aujourd’hui, l’expansion infinie des circuits de l’information et de la production documentaire changent la donne : quand une entreprise de haute couture a accumulé vingt ans de photos et autres enregistrements de ses créations, quand une société génère des millions de documents construits en coopération ou non, de façon solitaire ou coordonnée, quand une institution veut mettre en œuvre le site web qui mettra en valeur ses ressources en même temps qu’elle en permettra l’enrichissement coopératif,quand encore un organisme souhaite mettre de la cohérence dans la profusion d’informations qui sont produites en son sein et veut organiser la circulation et le partage des connaissances pour mieux fonctionner, tous ces acteurs économiques ou institutionnels devinent clairement qu’ils recherchent quelque chose de nouveau, quelqu’un qui ne s’inscrit pas dans les canons des métiers codifiés. Et ils se tournent vers l’enssib, pour trouver le professionnel qui peut affronter une profusion documentaire en lui donnant une place utile et une cohérence

Et c’est là que l’aventure devient passionnante ! Car se croisent alors des opportunités professionnelles assez extraordinaires, entre des étudiants qui s’aventurent au-delà de leurs présupposés et de leurs convictions préalables, et des entreprises et institutions qui recherchent une expertise professionnelle qu’ils n’arrivent guère à préciser (tant le besoin est inédit) mais qui savent devoir trouver des acteurs originaux capables de mettre de l’ordre, de structurer, de donner du sens.
Et ce qui est merveilleux, c’est que la diversité des formations de ces masters offre à chacun la possibilité de se positionner dans une même diversité de parcours professionnels au fond peu contraints par leurs itinéraires personnels : l’ex-prof de français se trouve à piloter un site web de valorisation d’une base de données vidéos, l’ancien étudiant en biologie coordonne les circuits de circulation des connaissances dans une grosse start-up, etc.

Tout cela me semble porteur d’immenses opportunités. Des métiers jamais figés, des remises en question permanentes, des défis renouvelés. Deux constantes pourtant : il s’agit toujours de métiers d’équipe, de métiers du collectif, et il s’agit toujours du même fil rouge de la gestion, structuration, communication, circulation du savoir.

Extension du domaine de la lutte ?

A bien y regarder, nous autres bibliothécaires connaissions bien cette diversité. Pour prendre mon seul exemple (narcissique smileys Forum), j’ai pu piloter des réseaux de bibliothèques dites rurales, diriger un département ministériel, connaitre les joies du rédacteur en chef, découvrir la communication interne ou l’évaluation, approfondir les enjeux des collections et des politiques documentaires, initier ou participer à des projets de services numériques, diriger un très gros établissement, goûter aux défis de la conception et de l’organisation de la formation…
Nombre d’entre vous ont connu la même diversité d’expériences, évidemment toutes différentes, et vous pouvez en témoigner.
Demain, et aujourd’hui déjà, l’éventail des possibles s’étend extraordinairement. Communiquez-le à tous ceux, étudiants ou non, qui s’interrogent sur leur avenir dans le domaine des métiers de la connaissance !

Étonnant, non ?smileys Forum

Pour devenir des protéiformes ingénieurs de la connaissance, la date limite de candidature aux masters de l’enssib est fixée au 8 juin prochain. Et pour s’inscrire, c’est ici !

vendredi 11 mai 2012

Et maintenant, que vais-je faire ?…

Filed under: Non classé — bcalenge @ vendredi 11 mai 2012

Alors que nous voyons un nouveau gouvernement et une nouvelle politique se profiler très sérieusement, un billet de S.I.Lex m’a sérieusement rappelé à mes devoirs citoyens et bibliothécaires. Ce billet souligne l’absence totale, dans les propositions de notre nouveau président, d’ambitions ou même d’allusions à l’extension ou même à la seule protection du domaine public, notre bien commun, et de sa nécessaire disponibilité commune. Avec un humour incisif, il part d’une chanson qui a marqué ces derniers jours, « La vie en rose ». Ce qui m’autorise à m’interroger également : « Et maintenant, que vais-je faire ? ».

Voilà en effet qui me ravive une fureur euphoriquement anesthésiée par les soirées de ce dernier week-end. Aussi, je vous livre quelques-unes des lignes que j’avais commises en réponse à une adresse posée hors de ce Carnet de notes, il y a plusieurs semaines. Lisez-les, pensez-y… en examinant les programmes du gouvernement à venir.

David Harper – Stacks

« Ce qu’il faudra(it) faire
ou
Propositions possibles d’un candidat potentiel aux plus hautes fonctions… qui se demanderait quels axes peuvent intéresser les bibliothèques

Une parole politique forte est indispensable, non tant pour faire voter diverses lois (dont les décrets d’application videront la substance s’ils paraissent un jour) que pour affirmer que les bibliothèques de statut public sont des espaces de libre accès à tous les savoirs et d’assistance à leur appropriation. Bref, ce sont des espaces d’intérêt public, des espaces et appareils (services et collections) de partage d’un savoir commun, des garants de notre démocratie.

Questions de numérique

C’est là sans aucun doute un virage à ne pas manquer, il conditionne un avenir des bibliothèques largement ouvertes à tous et à tous les usages.

Un premier volet, essentiel et fondateur, relève du législatif ou du réglementaire :

  • encourager l’adoption nationale puis européenne d’une mise à disposition libre et gratuite dans les bibliothèques, des œuvres numérisées soit orphelines (dont on ne retrouve pas les ayant droits) soit indisponibles (dont la commercialisation, associée aux droits d’exploitation,  a cessé depuis 20 ans)
  • proposer une réduction uniforme des droits d’exploitation d’une œuvre de création, quelle que soit sa nature ou son support, à 50 ans après la mort de l’auteur ou des contributeurs ayant significativement contribué à la création de l’œuvre (et on oublie les années de guerre…). Bref, après ce délai, l’œuvre accède au domaine public
  • garantir la liberté et la gratuité d’accès des collections numériques dont une bibliothèque possède les éléments ou dont elle a acquis l’accès, sur l’ensemble des ordinateurs, liseuses ou tablettes qu’elle met à disposition dans ses locaux (à appliquer sur toutes les bibliothèques, publiques ou universitaires)
  • Affirmer la vocation des bibliothèques à garantir l’exhaustivité des informations « internetiennes » qu’elles peuvent proposer en leurs murs (et notamment pas de listes blanches pour l’accès à Internet), la communication devant être contrôlée si les documents concernés sont interdits de diffusion et de publicité.

Le second volet relève de l’investissement des pouvoirs publics :

  • lancer un programme de licences nationales pour l’accès de toutes les bibliothèques publiques (et pas seulement universitaires) aux ressources numériques de la presse et des magazines
  • soutenir un programme d’accès à Internet via les bibliothèques publiques : systématiser les EPN et autres ECM dans les bibliothèques, en soutenant par le programme les partenariats locaux avec les structures intéressées à des objectifs proches ou similaires

L’organisation des bibliothèques

  • Encouragement à la création d’EPCC dans les groupements de communes
  • Affirmation de la gratuité d’accès à toutes les bibliothèques publiques et universitaires et aux ressources qu’elles mettent à disposition du  public  (cf. plus haut. NB : la question de la gratuité du droit à l’emprunt reste de la compétence locale)
  • Accroître le soutien à l’extension d’heures d’ouverture dans les bibliothèques publiques : une aide chronologiquement dégressive rapportée non plus au nombre de vacations, mais au nombre d’heures supplémentaires corrélativement à la population !!
  • Soutenir la mise en œuvre de coopératives de services visant à alléger le back-office des bibliothèques publiques : amélioration de la fourniture de notices, centrale d’équipement des documents, assistance à la constitution de marchés,…

Je n’aborde pas les questions de patrimoine : d’autres sont plus qualifiés… »

L’homme dans les livres… (c) Brian Detmer

Ni je n’aborde ici celles des personnels de bibliothèque, compte tenu de mes fonctions…

Qu’en pensez-vous ?
Et surtout, manifestez-vous !! Si l’heure est bien venue de replacer les hommes et leur intérêt commun au cœur du projet de notre société, c’est le moment.

dimanche 6 mai 2012

Il faut des vrais mythes pour avancer !

Filed under: Non classé — bcalenge @ dimanche 6 mai 2012

Les technologies sont si prégnantes, et surtout si perpétuellement innovantes, qu’elles ne laissent plus guère de place à l’imagination. Quand j’étais adolescent, je lisais (évidemment  ) les Rubrique-à-brac de Gotlib, et je me rappelle sa caricature des « gens sérieux » (mi-Giscard, mi-Juppé) décrétant « fichaises que tout cela ! c’est de la science-fiction mon cher ! » à toutes innovations ou suggestions intelligentes visant à introduire un peu de rêve dans les lendemains.

Si les rêveries sociales rencontrent volontiers le même scepticisme amusé de la part des mêmes ‘gens sérieux’ (au nom du réalisme bien sûr smileys Forum), elles connaissent inversement une vraie ferveur dès qu’il s’agit d’innovation technologique. Abonné à quelques dizaines de flux rss, j’en réduis progressivement le nombre au vu de la frénésie qui en saisit les auteurs dès qu’une firme propose encore un procédé nouveau, dès qu’une communauté présente quelque originalité, voire dès que des investissements ou rachats font jaser la blogosphère. Bref, à force de ne me parler que de nouveauté, ces flux me donnent une impression de ressassement.

Nouveauté ? Innovation ? Rêve ? Il en faut pour aller de l’avant, bien entendu. Mais de quoi parlons-nous ? Du jour où notre téléphone nous permettra vraiment d’entrer visuellement en contact avec notre interlocuteur à l’autre bout du monde ? Du jour où nous pourrons contrôler nos adolescents où qu’ils soient ? Du monde terrifiant qu’on nous annonce comme ‘réalité virtuelle’, si complaisamment distinct de notre réalité humaine ?

L'Armée des Elfes. <Le Mythe de la Tête d'Or>

Par Shalambaal – licence Creative commons

Qu’espérons-nous, dans notre société perfusée à l’innovation technologique et à la résignation socio-économique ? Les personnes dont je suis les réflexions me semblent pour beaucoup écartelées entre une révolte contre les conditions juridiques et économiques dont le savoir est l’otage, et une fascination parallèle envers les opportunités extraordinaires de technologies toujours innovantes.

Je ne détiens pas la réponse unificatrice. Mais je devine qu’il faudra un jour opérer la jonction entre le positivisme technologique dont nous sommes friands, et les dramatiques choix sociaux, économiques et politiques auxquels nous sommes confrontés. Ceci n’abolira pas cela. Il nous faut trouver des inventeurs de vrais mythes collectifs, ces anciens mythes qui justifiaient, expliquaient, prédisaient, espéraient le lendemain. Comme ils le construisaient en en affrontant les contradictions.

En tout cas, je suis absolument persuadé d’une chose (est-ce le bibliothécaire qui parle ?) : les utopies mobilisatrices et créatives ne se construisent pas sur des technologies – même si ces dernières peuvent en favoriser l’émergence -, mais sur des imaginaires du vivre ensemble. Être connectés soit, mais pour créer quelle société ? Avoir accès à tout le savoir du monde, soit, mais pour construire quel nouvel horizon de connaissance partagée ? Un bibliothécaire, même immergé dans le numérique et ses outils, ne peut ni ne doit s’y perdre : sa place est auprès de la population qu’il sert et accompagne.

mardi 1 mai 2012

Ecrire moderne ?

Filed under: Non classé — bcalenge @ mardi 1 mai 2012

Un récent billet d’Hubert Guillaud présente élogieusement une maison d’édition qui propose de créer des ‘ouvrages’ offrant moult opportunités : modifications liées à la géolocalisation, interactions avec les choix du lecteur comme avec sa position dans l’espace, etc.  Et il se navre tant du faible intérêt des auteurs que de la maigre inventivité des éditeurs dans ce domaine innovateur. Je vous livre quelques éléments que je lui ai apporté en commentaire.

J’ai toujours pensé et je continue de penser que le génie de la création s’exprime plus fortement dans la contrainte. Lever les contraintes de l’imaginaire au moyen de la technologie obligera sans doute à déplacer les limites de ces contraintes : si c’est trop facile (ou du moins ne réclame qu’un peu d’habileté technique), à quoi bon s’y colleter ?

Je suis intrigué par cette obstination à attendre des auteurs de livres qu’ils s’emparent de ces nouvelles opportunités techniques. Leur domaine, c’est justement l’écriture, et c’est par l’écriture qu’ils provoquent chez leurs lecteurs des machineries mentales encore plus puissantes que les prodiges de la technologie vantée, qui forcent l’étonnement, mais non l’admiration. Un Lovecraft, ou un Jean Ray trop oublié,  se passent assez bien des effets technologiques vantés, en en rendant  l’impact de façon fascinante…

Ou alors, il faut appeler (ou plutôt espérer) des créateurs (et non des auteurs de littérature) qui, immergés dans ce nouvel environnement qu’ils manipuleront sans effort, oseront aller plus loin et inventer des mondes que la technologie ne saura pas mettre en algorithmes. Le cinéaste, ce créateur contemporain, travaille à partir de tels effets extraordinaires et en tire une écriture fascinante, tel un James Cameron avec Avatar. A chaque époque ses créateurs : les éditeurs ne peuvent que les guetter (et avoir le nez fin pour en détecter le génie), ils ne peuvent en prescrire l’expression. Sauf à faire fabriquer des œuvres de commande, ce qu’ils maîtrisent assez bien.

Entre plume ou clavier, livre ou blogue, film classique ou débauche d’effets spéciaux, exposé vivant ou prose indigeste, réalité augmentée ou texte plat, il n’y a pas de choix réel. Dans tous les cas, il s’agit d’écrire et de lire.
Et qui écrit ? Pour dire quoi ?
Et qui lit ? Pour devenir comment ?

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