Bertrand Calenge : carnet de notes

mardi 21 juillet 2009

Le gag de la semaine : pendant qu’Hadopi continue son chemin cahotique, l’INA pirate…

Filed under: Non classé — bcalenge @ mardi 21 juillet 2009
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Vous le savez sûrement : l’Institut national de l’audiovisuel est, en quelque sorte, le pendant de la BnF en ce qui concerne la radio et la télévision. Comme il (l’INA) l’explique fort bien sur son site :

« L’Institut national de l’audiovisuel est un Épic (Établissement Public de l’État à caractère Industriel et Commercial), créé par la loi du 7 août 1974. L’Ina a été mis en place le 6 janvier 1975.Le président de l’Ina, choisi parmi les membres du conseil d’administration représentant l’État, est nommé pour cinq ans par décret en Conseil des ministres.
Les missions de service public de l’établissement ont été successivement définies par les lois du 29 juillet 1982 (droits d’exploitation dévolus à l’Ina sur les archives audiovisuelles), du 30 septembre 1986 (ouverture de l’Ina au marché concurrentiel), du 20 juin 1992 (dépôt légal de la radio télévision), du 1er août 2000 (nouveaux droits d’exploitation dévolus à partir du 1er août 1997) et du 1er août 2006 (dépôt légal du web). »

On ne saurait mieux dire que l’INA est, bien qu’EPIC, étroitement associé à l’État.

Les représentants de l’Etat défendent farouchement, en ce moment même, un projet de loi dit Hadopi 2 (Hadopi 1 ayant été émasculé récemmentsmileys Forum), qui veut combattre les téléchargements pirates d’œuvres audio et audiovisuelles, au nom de la protection du droit d’auteur.

On aurait volontiers applaudi des deux mains ce louable souci vis-à-vis des créateurs… si au même moment l’INA – dûment contrôlé par l’Etat – ne s’enorgueillissait de proposer en ligne 200 000 publicités télévisées…sans autorisation des auteurs !!

Le lièvre a été levé par la société FAC Télévision (ex-Jean Mineur : vous savez, le petit mineur qui ouvrait et fermait les pubs avant votre film au cinéma), qui s’indigne et a écrit à l’INA car ce dernier ne dispose pas des droits. Selon l’article de 01.net qui rapporte l’affaire, «Juridiquement, les choses n’ont pas été complètement bordées, explique le directeur juridique [de l’INA] Jean-François Debarnot, mais elles ne pouvaient pas l’être. L’ancienneté du fonds ne nous permettait pas d’identifier tous les ayants droit.».
Et de prévoir notamment le retrait d’un spot en cas de protestation d’un ayant-droit ! Voilà une solution de opt-out telle que l’affectionne Google dans ses rapports avec les éditeurs…  mais qui n’a pas encore droit de cité juridique en France ! (ou alors, on pouvait proposer la même chose aux internautes téléchargeurs : retirez le téléchargement illégal seulement si on vous le demande, et puis basta !). Et en plus ces spots publicitaires sont techniquement très simples à télécharger !!

Compte tenu de cette ‘innovation’, on pourrait conseiller à la BnF de mettre en ligne tous les documents non libres de droits qu’elle a numérisés… et d’attendre les éventuelles protestations individuelles dûment justifiées !

Tout cela au moment où le gouvernement défend la loi Hadopi 2 !! Il est où, l’Etat ? smileys Forum

Sans compter, cerise sur le gâteau, que l’INA contrevient encore d’une autre façon au respect du droit d’auteur. Par non-respect des lois sur le dépôt légal, dont il est précisé que les organismes dépositaires doivent veiller à ce que la consultation des documents s’opère dans des conditions conformes à la législation sur la propriété intellectuelle, et en particulier sur des postes dédiés situés à l’intérieur des locaux de l’Inathèque (article 132-4 du Code du patrimoine). D’autant plus que la masse de la production diffusée ne peut prétendre à la simple illustration pédagogique…

Vous connaissez la fable de l’arroseur arrosé ? smileys Forum
Voilà qui rafraîchit l’esprit en ces temps de quasi-canicule !



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vendredi 19 juin 2009

LOPPSI, suite

Filed under: Non classé — bcalenge @ vendredi 19 juin 2009
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Très très court billet pour vous recommander la lecture de cet article d’Ecrans, qui fait le point sur une étude d’impact conduite à propos du projet de loi LOPPSI, dont je vous ai parlé récemment. Cette étude, commanditée par le gouvernement lui-même, met en évidence les limites voire l’inanité des mesures envisagées contre la pornographie (liste noire non rendue publique), tout en soulignant les déplacements de responsabilité de l’éditeur vers le fournisseur d’accès.

Et on souligne, au passage, que comme pour la première loi Hadopi, il s’agit de substituer, là encore, l’autorité administrative à l’autorité judiciaire : « Il existe donc bien aujourd’hui, en France, un cadre légal, qui permet de bloquer des contenus jugés illicites hébergés en France, comme à l’étranger. Mais le gouvernement souhaite pouvoir aller vite. Donc supprimer le principe de subsidiarité. Engager la responsabilité civile et pénale des fournisseurs d’accès Internet. Et enfin évacuer l’autorité judiciaire« …

Bibliothécaires, veillez et alertez !!!

jeudi 11 juin 2009

Hadopi est mis hors d’état de nuire… Et maintenant, voilà LOPPSI !…

Filed under: Non classé — bcalenge @ jeudi 11 juin 2009
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Comme tout le monde, j’ai appris avec soulagement le retocage par le Conseil constitutionnel des points les plus contestables de la fameuse loi Hadopi. Je vous conseille la lecture en parallèle de la version votée au sénat le 13 mai et de la décision du conseil, ainsi que l’analyse toujours rigoureuse autant que savoureuse de maître Eolas.

Mais voilà, la question de la liberté d’accès à Internet n’est toujours pas réglée…

Un billet de Narvic, sur Növovision, met le doigt sur quelques éléments troubles qui me tarabustaient sans que j’arrive à les identifier. Je cite :

« Il s’agit en effet d’une autre bataille, qui se joue à quatre. Elle oppose les industries d’internet, des télécommunications et de l’informatique, aux industries culturelles et médiatiques. L’enjeu, c’est le partage du bénéfice de la tonte des consommateurs sur internet. Et si le gouvernement intervient dans cette bataille, c’est en partie en défense des intérêts de sa clientèle, et en partie par effet d’aubaine, car il y trouve un moyen d’accroître son contrôle sur internet, qu’il estime aujourd’hui insuffisant. Quant aux artistes et aux auteurs, personne ne se soucie d’eux en réalité dans cette affaire, ils n’ont été mobilisés que comme des alibis. »

Non, je ne suis pas adepte de la théorie du complot, mais derrière la question de la licence globale repoussée et de la défense gouvernementale d’intérêts à court terme d’industries culturelles que nombreux s’accordent à trouver exorbitants et inadaptés à l’évolution des usages, se trouve peut-être une ambition politique et une bataille de géants économiques autrement plus dangereuse : aujourd’hui, le combat opposerait non tant les propriétaires de contenus et les consommateurs-téléchargeurs-pirates (ces derniers sont en poids – comme les auteurs et artistes – des alibis dérisoires dans la bataille de milliards d’euros en jeu), que les éditeurs de contenus et les gestionnaires de tuyaux, bref les producteurs contre les FAI, dans un jeu à quatre incluant également les politiques et les citoyens ;

Il y a bien plus simple en effet que de traquer individuellement des millions de citoyens  : contrôler les fournisseurs d’accès eux-mêmes, en leur laissant le soin – et la responsabilité pénale – de veiller à limiter l’activité de leurs ouailles. Et voilà qu’apparait une autre avant-projet de loi, la loi Loppsi (loi pour la performance de la sécurité intérieure – voir aussi ici). Cette loi fourre-tout – on y évoque la chasse à la pornographie, la répression de l’usurpation d’identité, des questions organisationnelles pour les forces de l’ordre,… – est apparemment banale, se présentant comme la suite de la loi LOPSI (avec un seul P, loi d’organisation et de programmation de la sécurité intérieure), qui a été votée le 29 août 2002. Néanmoins, elle comporte des dispositions visant à intervenir sur Internet de diverses manières, et notamment envisage tout bonnement l’obligation pour les fournisseurs d’accès d’interdire tout accès à une liste d’adresses URL  arrêtée par le ministère de l’Intérieur (liste qui serait non publique).

Bon, je ne suis ni angéliste ni anarchiste. Je sais bien qu’il faut impérativement agir contre toutes les formes de la cybercriminalité (phishing, pédophilie, terrorisme, etc.), et j’applaudis des deux mains à toutes les entreprises en ce sens. Je sais aussi que publier une liste de sites manifestement illégaux aurait pour premier effet de faire migrer les déliquants ou criminels sur d’autres sites. Ceci dit, s’il peut exister effectivement des sites intégralement dédiés à la pédophilie ou à des actions criminelles, les réseaux des terroristes et autres criminels me semblent pouvoir opérer plus par des voies détournées (mails temporaires, sites piratés, forums anodins,…) que par des adresses officiellement estampillées ‘je suis un criminel’… à côté de quelques succès médiatiques prévisibles, une telle loi encouragera inévitablement la dissémination masquée des informations répréhensibles. Mais c’est normal de vouloi traquer le crime, et rien ne me choque sur ce point…

Mais interdire des sites sans publicité ni contrôle de l’autorité administrative – ni non plus sans contrôle de l’autorité judiciaire –  me semble exorbitant : la tentation peut être grande d’y glisser globalement des sites n’ayant rien à voir avec de la pornographie ou  du terrorisme, mais des sites de type « Casse-toi pauv’con » ou plus génériquement des plate-forme d’échanges de fichiers (type Rapidshare ou Megaupload), voire l’ensemble des forums Usenet, au grand dam des chercheurs qui utilisent abondamment ces deux derniers vecteurs d’échange et d’information.
Il serait souhaitable, même en l’absence de publicité qu’on peut comprendre pour la raison que j’évoquais plus haut, qu’au minimum un avis conforme sur la liste des sites incriminés  soit impérativement et préalablement  sollicité de la CNIL, dont la fonction est justement de veiller aux libertés sur Internet.

Sans cela, je ne serais pas loin de penser, sans paranoïa, que l’analyse de Guillaume Champeau n’est pas aberrante :

« Petit à petit, les pièces du puzzle s’assemblent et l’image se révèle sous nos yeux. Le projet de loi Création et Internet n’a pas encore été promulgué que déjà le morceau suivant s’apprête à faire son apparition. Projet de loi après projet de loi, décret après décret, nomination après nomination, Nicolas Sarkozy prépare méthodiquement les moyens pour le gouvernement de contrôler Internet… et les internautes. »

Ma réaction est d’abord celle d’un citoyen. Mais c’est aussi celle d’un bibliothécaire : toutes ces questions tournent finalement autour d’une même problématique, celle de la liberté d’expression. C’est cette liberté d’expression qui fonde la légitimité des bibliothèques dans les pays démocratiques : comme le souligne maître Eolas : la décision du Conseil constitutionnel dit clairement que « la liberté d’expression ne s’efface pas pour protéger des intérêts économiques catégoriels aussi nobles soient-ils« .

Que le dernier mot soit laissé à un État de droit, tout à fait d’accord. Mais pas n’importe comment !!!

Et vous, qu’en pensez-vous ?

jeudi 28 mai 2009

Hadopi et les bibliothèques : dernier acte ?

Filed under: Non classé — bcalenge @ jeudi 28 mai 2009
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Je relaye l’information :  dans la loi Hadopi, et en dernière lecture, l’IABD a réussi à partiellement sauver les meubles  : « Les bibliothèques publiques, les musées et les services d’archives vont pouvoir communiquer au public, sans autorisation préalable, les copies des documents numérisés par leurs soins, à des fins de conservation ou pour préserver les conditions de leur consultation. Cette communication pourra se faire sur place et sur des terminaux dédiés, à des fins de recherche ou d’études privées par des particuliers. » (article de La Gazette des communes, merci au Bibliobsédé).

Même si cette annonce réduit singulièrement le champ de diffusion de l’information par les bibliothèques hors leurs murs, elle reconnait en bonne partie la dimension publique de l’information détenue par ces établissements. Mais on constatera que comme toujours la capacité informative des bibliothèques se juge toujours à l’aune du stock qu’elles détiennent, et non de leur fonction publique de diffusion de l’information par tous moyens appropriés (au temps toujours actuel du prêt de livres, on avait le droit de laisser emmener le savoir chez soi, et certains continuent de façon encore plus personnalisée par le portage à domicile !!!).

Pour votre information, voici le nouveau texte intégral de l’article 122-5 du Code de la propriété intellectuelle, en vigueur au 28 mai 2009 (j’ai mis en gras ce qui concerne le service immédiat à nos publics) :

« Lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire :

1° Les représentations privées et gratuites effectuées exclusivement dans un cercle de famille

2° Les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, à l’exception des copies des œuvres d’art destinées à être utilisées pour des fins identiques à celles pour lesquelles l’œuvre originale a été créée et des copies d’un logiciel autres que la copie de sauvegarde établie dans les conditions prévues au II de l’article L. 122-6-1 ainsi que des copies ou des reproductions d’une base de données électronique ;

3° Sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l’auteur et la source :

a) Les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’œuvre à laquelle elles sont incorporées ;

b) Les revues de presse ;

c) La diffusion, même intégrale, par la voie de presse ou de télédiffusion, à titre d’information d’actualité, des discours destinés au public prononcés dans les assemblées politiques, administratives, judiciaires ou académiques, ainsi que dans les réunions publiques d’ordre politique et les cérémonies officielles ;

d) Les reproductions, intégrales ou partielles d’œuvres d’art graphiques ou plastiques destinées à figurer dans le catalogue d’une vente judiciaire effectuée en France pour les exemplaires mis à la disposition du public avant la vente dans le seul but de décrire les œuvres d’art mises en vente ;

e) La représentation ou la reproduction d’extraits d’œuvres, sous réserve des œuvres conçues à des fins pédagogiques, des partitions de musique et des œuvres réalisées pour une édition numérique de l’écrit, à des fins exclusives d’illustration dans le cadre de l’enseignement et de la recherche, à l’exclusion de toute activité ludique ou récréative, dès lors que le public auquel cette représentation ou cette reproduction est destinée est composé majoritairement d’élèves, d’étudiants, d’enseignants ou de chercheurs directement concernés, que l’utilisation de cette représentation ou cette reproduction ne donne lieu à aucune exploitation commerciale et qu’elle est compensée par une rémunération négociée sur une base forfaitaire sans préjudice de la cession du droit de reproduction par reprographie mentionnée à l’article L. 122-10 ;

4° La parodie, le pastiche et la caricature, compte tenu des lois du genre ;

5° Les actes nécessaires à l’accès au contenu d’une base de données électronique pour les besoins et dans les limites de l’utilisation prévue par contrat ;

6° La reproduction provisoire présentant un caractère transitoire ou accessoire, lorsqu’elle est une partie intégrante et essentielle d’un procédé technique et qu’elle a pour unique objet de permettre l’utilisation licite de l’œuvre ou sa transmission entre tiers par la voie d’un réseau faisant appel à un intermédiaire ; toutefois, cette reproduction provisoire qui ne peut porter que sur des œuvres autres que les logiciels et les bases de données ne doit pas avoir de valeur économique propre ;

7° La reproduction et la représentation par des personnes morales et par les établissements ouverts au public, tels que bibliothèques, archives, centres de documentation et espaces culturels multimédia, en vue d’une consultation strictement personnelle de l’œuvre par des personnes atteintes d’une ou de plusieurs déficiences des fonctions motrices, physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, dont le niveau d’incapacité est égal ou supérieur à un taux fixé par décret en Conseil d’État, et reconnues par la commission départementale de l’éducation spécialisée, la commission technique d’orientation et de reclassement professionnel ou la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées mentionnée à l’article L. 146-9 du code de l’action sociale et des familles, ou reconnues par certificat médical comme empêchées de lire après correction. Cette reproduction et cette représentation sont assurées, à des fins non lucratives et dans la mesure requise par le handicap, par les personnes morales et les établissements mentionnés au présent alinéa, dont la liste est arrêtée par l’autorité administrative.

Les personnes morales et établissements mentionnés au premier alinéa du présent 7° doivent apporter la preuve de leur activité professionnelle effective de conception, de réalisation et de communication de supports au bénéfice des personnes physiques mentionnées au même alinéa par référence à leur objet social, à l’importance de leurs membres ou usagers, aux moyens matériels et humains dont ils disposent et aux services qu’ils rendent.

A la demande des personnes morales et des établissements mentionnés au premier alinéa du présent 7°, formulée dans les deux ans suivant le dépôt légal des œuvres imprimées, les fichiers numériques ayant servi à l’édition de ces œuvres sont déposés au Centre national du livre ou auprès d’un organisme désigné par décret qui les met à leur disposition dans un standard ouvert au sens de l’article 4 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. Le Centre national du livre ou l’organisme désigné par décret garantit la confidentialité de ces fichiers et la sécurisation de leur accès ;

La reproduction d’une œuvre, effectuée à des fins de conservation ou destinée à préserver les conditions de sa consultation sur place par des bibliothèques accessibles au public, par des musées ou par des services d’archives, sous réserve que ceux-ci ne recherchent aucun avantage économique ou commercial ;

9° La reproduction ou la représentation, intégrale ou partielle, d’une œuvre d’art graphique, plastique ou architecturale, par voie de presse écrite, audiovisuelle ou en ligne, dans un but exclusif d’information immédiate et en relation directe avec cette dernière, sous réserve d’indiquer clairement le nom de l’auteur.

Le premier alinéa du présent 9° ne s’applique pas aux œuvres, notamment photographiques ou d’illustration, qui visent elles-mêmes à rendre compte de l’information.

Les reproductions ou représentations qui, notamment par leur nombre ou leur format, ne seraient pas en stricte proportion avec le but exclusif d’information immédiate poursuivi ou qui ne seraient pas en relation directe avec cette dernière donnent lieu à rémunération des auteurs sur la base des accords ou tarifs en vigueur dans les secteurs professionnels concernés.

Les exceptions énumérées par le présent article ne peuvent porter atteinte à l’exploitation normale de l’oeuvre ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur.

Les modalités d’application du présent article, notamment les caractéristiques et les conditions de distribution des documents mentionnés au d du 3°, l’autorité administrative mentionnée au 7°, ainsi que les conditions de désignation des organismes dépositaires et d’accès aux fichiers numériques mentionnés au troisième alinéa du 7°, sont précisées par décret en Conseil d’État.

NOTA : Loi 2006-961 2006-08-01 art. 1 : Les dispositions du e du 3° de l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle s’appliquent à compter du 1er janvier 2009″

vendredi 17 avril 2009

Droit de prêt et Hadopi : quelle parenté ?

Filed under: Non classé — bcalenge @ vendredi 17 avril 2009
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Un très beau billet de Philippe Axel sur la licence globale et Hadopi, signalé par Internet Actu dans sa revue de presse, mérite le détour, y compris pour nombre de ses commentaires. Philippe Axel y défend mordicus le principe de la licence globale, avec des arguments qui, à mon avis font mouche.

Bien sûr, d’autres ont fortement soutenu cette licence globale (comme Silvère, et je ne fais ici que rebondir sur son excellent billet d’il y a un an !), mais si je reviens sur cette très intéressante proposition, c’est qu’elle me rappelle un « ancien » débat du tournant de ce millénaire, déjà souligné par Silvère (mais il faut toujours enfoncer le clou, même si je le fais avec moins de talent !). Rappelez-vous, les bibliothèques publiques étaient accusées de concurrence déloyale envers les auteurs, les libraires et les éditeurs, prêtant gratuitement ou presque le même livre des centaines de fois et « donc » dérobant une clientèle potentielle aux acteurs de la création écrite. A la différence du contexte que nous connaissons avec Hadopi, une vraie étude avait alors été lancée par le Ministère de la Culture, qui montrait – ô surprise – que les plus gros emprunteurs étaient aussi les plus gros fréquemment acheteurs, et que l’on ne pouvait établir nul lien de cause à effet entre emprunt de livres et ventes en librairie. Encore avait-on du d’ailleurs écarter de l’étude quelques acteurs éditoriaux, par exemple les éditeurs pour la jeunesse, globalement favorable aux bibliothèques à la fois gros clients et prescripteurs efficaces.

Cela s’est terminé avec la loi du 18 juin 2003 relative à la rémunération au titre du prêt en bibliothèque et renforçant la protection sociale des auteurs. Cette loi n’a heureusement pas décidé de qualifier les bibliothèques de « pirates publics » (l’antériorité historique et le caractère public aident !!), mais a instauré un « droit de prêt » payé en fait par la collectivité publique, en l’occurrence à 50 % par l’Etat (au prorata du nombre d’usagers des bibliothèques), et à 50 % par les collectivités locales au prorata des achats des bibliothèques (via une redevance à l’achat proportionnel au coût du livre, ce même si le livre acquis n’est pas destiné au prêt d’ailleurs !). En outre, les collectivités territoriales se voyaient  supplémentairement mises à contribution par une limitation réglementaire des remises auxquelles elles pouvaient prétendre dans leurs achats.

Ce système fonctionne ainsi aujourd’hui (encore qu’on puisse ne pas toujours comprendre les clés de répartition des ressources tirées de cette forme de licence globale par la société créée ad hoc pour gérer la manne). Soit dit en passant, je me suis toujours félicité que les bibliothèques aient gagné par ce moyen une reconnaissance à la légitimité d’un espace d’information relevant de l’espace public…

Mais ce qui est le plus intéressant, c’est que les arguments échangés au cours de ce débat rappellent furieusement ceux qui entourent Hadopi… et que le législateur (déjà majoritairement UMP et il y a moins de 5 ans) a alors opté finalement pour cette forme de licence globale (et qui plus est en y participant lui-même largement). Certes, le contexte budgétaire est nettement plus tendu aujourd’hui, mais la licence globale proposée pour Internet ne ferait pas intervenir les finances publiques !!

Pourquoi ce qui a été jugé pertinent pour le livre et les bibliothèques ne fonctionnerait-il pas pour contenus culturels en ligne et citoyens ? Même si aujourd’hui l’échelle est différente (quelques milliers d’établissements hier face à des millions d’abonnés à Internet aujourd’hui) et si les objets culturels peuvent être plus divers sur Internet (encore qu’on n’entende guère maintenant que les arguments de la seule industrie musicale, donc des disques), la problématique est étrangement similaire. J’imagine que la technocratie ne manque pas de crânes d’oeufs pour concocter une société de répartition de droits apte à produire des clés de répartition entre les différents acteurs notamment de l’industrie musicale (et au premier chef les artistes ? Non, je plaisante  smileys Forum).

Ou alors j’ai raté quelque chose ?

samedi 28 février 2009

Tout ce qui n’est pas expressément interdit est autorisé

Filed under: Non classé — bcalenge @ samedi 28 février 2009
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Une plaisanterie nous faisait rire autrefois : à l’Education nationale, tout ce qui n’est pas expressément autorisé est interdit (d’où les mètres linéaires du BOEN sans cesse revisité), à la Culture tout ce qui n’est pas expressément interdit est autorisé (d’où la maigre moisson de qui voulait récoler les textes régissant la lecture publique). D’ailleurs, la demande centenaire d’une loi sur les bibliothèques venait non des bibliothèques académiques, largement pourvues en textes législatifs ou réglementaires, mais bien des bibliothèques publiques.

Le monde change. Que ce soit en bien, je n’en suis pas sûr. Un billet de Numérama, venant confirmer cet inquiétant mouvement après bien d’autres interventions des pouvoirs publics visant à « protéger le droit des auteurs » (en fait, nous le savons tous, à protéger les intérêts des intermédiaires, comme un intervenant me le rappelait aujourd’hui), contribue à changer la donne.
Je ne sais pas si l’Education nationale tend ou non à renoncer à son prurit réglementaire. Mais ce que je vois, c’est que la Culture ambitionne visiblement de la rattraper (allégorie du lièvre et de la tortue ? le lièvre culturel est en voie de dépasser la tortue éducative ?…).

On connaissait la loi Hadopi, cette dernière voulant restreindre le droit des personnes à télécharger (donc s’approprier et à consulter librement à titre personnel, et seulement à celui-là) des documents disponibles sur Internet. On peut en débattre, juger que c’est faire primer les concessions commerciales sur le droit personnel à l’information personnelle. C’est plutôt mon avis farouche, mais je n’entrerai pas dans ce débat, car je ne m’y sens pas expert…

En revanche, je me sens, sinon expert, du moins comptable de mes actions professionnelles vis-à-vis de la collectivité que je sers. Or la déclaration de la ministre de la Culture, rapportée ailleurs par Actualitté (réf. non retrouvée…) me pose un problème fondamentalement associé à ma fonction de bibliothécaire au service de la collectivité publique dans notre démocratie.

Que dit Christine Albanel (ou pour être exact que relatait Actualitté) ?

« A l’occasion de son audition par la commission des lois et des affaires culturelles, Christine Albanel a sorti de son chapeau une idée qui en dit long sur la vision qu’a le gouvernement d’Internet. Pour éviter que les accès Wi-Fi ne puissent être utilisés pour pirater des œuvres sur Internet, la ministre de la Culture a proposé que les accès publics soient configurés comme des « portails blanc ».
« L’Hadopi pourra enjoindre (les gestionnaires d’accès Wi-Fi publics) de prendre des mesures préventives », a ainsi rappelé la ministre de la Culture et de la Communication. « Par exemple un portail blanc qui ne donnerait accès qu’à des sites vérifiés, après consultation de différents acteurs concernés », a-t-elle ajouté en substance. »

En quoi cela me choque-t-il ? Pas (ici) pour les raisons que vous imaginez. L’hypothèse d’un Internet « à la chinoise » me hérisse, bien sûr, même s’il ne s’agit dans cette hypothèse que des accès publics à Internet et non des accès privés (mais la frontière entre la réglementation des accès publics et celle des fournisseurs d’accès est bien mince). C’est parce que cette proposition, même si je l’espère elle n’est pas suivie d’effet – mais sait-on jamais, dans le monde délirant que nous connaissons ! -, pose la question même de notre existence comme bibliothécaires. Pourquoi ?

Il a longtemps été admis tacitement que les bibliothèques pouvaient faciliter l’accès à toutes les œuvres de l’esprit auprès de tous les publics qu’elles avaient mission de servir (c’était même et c’est toujours la justification de leur existence). La loi sur le droit de prêt leur a reconnu cette qualité d’intérêt public, même si les finances des établissements en ont souffert. L’essentiel était sauf : on pouvait diffuser tout et n’importe quoi dans l’intérêt des publics, dans la mesure où on avait acquis normalement les supports de ces œuvres. A propos, levons une incompréhension : les écrits des négationnistes ou les écrits pornographiques ne sont pas ‘interdits de bibliothèque’ ; un chercheur peut se fonder sur les fonds d’une bibliothèque pour remonter à la source, c’est là le rôle de l’établissement, qui doit veiller aux modes de communication adéquats en fonction des publics (eh, c’est une dimension élémentaire du desherbage du libre accès !).

Les complications récentes du droit de la propriété intellectuelle (en l’occurrence des détenteurs des droits d’exploitation – excusez-moi, je sors d’une journée hyper-juridique) ont contraint cet accès, tant sur l’étendue de la diffusion que sur ses modalités. Les bibliothèques universitaires, et leur consortium Couperin, connaissent bien ce casse-tête.

Mais jamais, au grand jamais, je n’avais vu les pouvoirs publics suggérer une solution visant à ne diffuser que les sources d’accès « sur liste blanche ». Otto Abbetz nous avait fait découvrir il y a près de 70 ans la liste des auteurs interdits pendant l’Occupation ; mais il n’était guère précurseur après les injonctions de l’Index de l’Eglise catholique…

Mais alors là, on atteint des sommets : des services publics – dont les bibliothèques – devraient élaborer une liste non pas ‘noire’ (on connait ça, dès qu’il s’agit de postes Internet accessibles aux enfants), mais une liste ‘blanche’ limitative, dont on notera qu’elle ne s’intéresse pas à la qualité de l’information diffusée…, mais au point précis qu’elle ne permettra pas de téléchargements illégaux. Qu’on poursuive des contrevenants, c’est normal. Mais qu’on limite l’accès à l’information en des lieux publics (et faits pour l’information, dans le cas des bibliothèques) au prétexte du risque éventuel de contravention, c’est me semble-t-il quasiment inconstitutionnel, non ?

Les bibliothèques, sans avoir changé de mission d’information publique, ont évolué dans leurs sources et moyens d’accès. Aujourd’hui, la toile d’araignée des liens hypertexte du Web est une ressource à part entière. La segmenter positivement (i.e. en en sélectionnant les accès a priori), c’est la transformer en unités indépendantes, disjointes, ce qu’elle n’est pas ! Si cette aberrante proposition – qui n’est pas une décision, rappelons-le quand même – devait voir le jour, je crains qu’il ne nous faille changer de métier : nous ne délivrerions qu’une information préalablement validée… Certes, cela ne toucherait que les points d’accès publics à Internet, si l’on en croit le billet signalé, mais la validité de notre accompagnement dans le savoir, livresque ou ‘internetien’, ne tient-il pas à notre liberté et notre responsabilité d’offre et de divulgation ?

Ou alors faut-il considérer qu’Internet relève de la sphère privée (et commerciale, cela va sans dire !) et non de la sphère publique ? Quel gigantesque retour en arrière, ou plutôt quelle mutation violente du citoyen – membre actif d’une cité – vers l’individu consommateur ! Cette sphère publique n’offrirait qu’une sélection pointilleuse de savoirs, et n’offrirait pas à l’appétit de ses citoyens la richesse des milliards de pages de textes, images, musiques disponibles sur Internet, et pourquoi pas demain dans les livres ou les disques ? Mais on programme avec cela la fin des bibliothécaires !

Si le réseau d’Internet représente une source essentielle d’information, en prescrire explicitement les sites autorisés d’accès revient à prescrire les titres présents dans la bibliothèque (on a connu ça autrefois à Marignane et ailleurs). Bou Diou (!), on n’accompagnerait plus les personnes au sein des savoirs possibles, on les dirigerait vers ce qui est économiquement admissible ? Oublie-t-on que les bibliothèques, espaces publics, sont pour bon nombre de personnes l’accès privilégié aux ressources du web faute de moyens personnels ?

Les bonnes âmes argueront que la sélection des titres présents sur les rayons relève d’une telle sélection préalable. C’est vrai. Mais c’est notre profession (et nos moyens !) qui l’impose. La seule restriction à notre action d’information est la limite posée par la loi (ou par la décence) à la diffusion d’œuvres particulières, et par notre responsabilité professionnelle (même si nous ne disposons pas d’un code de déontologie en bonne et due forme).  A quand les seules listes de titres autorisés, au lieu de laisser la justice décider des rares titres interdits ? Les bibliothèques, dans leur longue histoire, ont connu mille cas de censure, je ne connais pas d’autre cas où on ait voulu leur prescrire l’accès à un périmètre de savoir plus restreint que celui offerts aux citoyens individuels.

Qu’il faille interdire l’accès à (voire l’existence) certains sites manifestement et réglementairement hors-la-loi, cela peut se discuter. Mais qu’on médite de cibler limitativement l’accès public à Internet à un bouquet sélectionné de sites, c’est une aberration d’un point de vue bibliothécaire… et démocratique ! (soit dit en passant, le sénateur Bruno Retailleau, rapporteur auprès du conseil général des technologies de l’information, et soit-disant auteur de cette suggestion, me parait beaucoup plus raisonnable !)

Ce n’est pas possible, cette information. Si ? (more…)

jeudi 18 décembre 2008

Ambition collaborative et projet politique : quel espace pour une bibliothèque ?

Filed under: Non classé — bcalenge @ jeudi 18 décembre 2008
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Le collaboratif (le web 2.0. pour aller vite) peut-il devenir une injonction de projet politique pour les bibliothèques ? Ces dernières connaissent un mode de fonctionnement qui est fondé sur l’offre, mais qui n’a jamais négligé le poids de la demande : bien sûr on acquiert et propose les titres très demandés ou fortement prescrits, bien sûr on adapte horaires et services aux variations des pressions constatées ou attendues, bien sûr on établit – parfois timidement – des instances de dialogue (à travers clubs, cahiers de suggestions, associations diverses, commissions ad hoc, …), bien sûr on invente des services plus personnalisés, etc.

Ce faisant on adapte une offre particulière à des réalités d’usage de plus en plus diverses et prégnantes. Et cela reste une offre, envers et contre tout. Or un discours volontiers impératif parle de participation à un niveau plus élevé : l’usager lui-même créerait les conditions et l’objet du service final, les opérateurs (les bibliothèques comme institutions ?) fournissant simplement à cette activité autonome les seuls moyens de son développement technologique et de sa mise en forme discrète, sans intervenir sur l’essentielle richesse de cette production collective…

C’est à certains moments le discours tenu dans le cadre du web 2.0. Or ce discours me rappelle certaines ambitions spontanéistes (vous qui êtes nés après 1960, vous ne pouvez pas connaître ?!…) : le peuple a raison, parce qu’il s’exprime. Et quand on a dit cela, on est pris dans une contradiction insoluble : ou je laisse libre cours à une expression par essence merveilleusement productive de sens et de culture, ou je pose des cadres et des limites et des contraintes qui me font passer pour un passéiste ringard adepte de la parole d’autorité.

Or il ne faut pas oublier, chers collègues, une réalité qu’on me pardonnera de qualifier d’objective : même si nous sommes pleinement au service de nos concitoyens, nous le sommes dans le cadre contraignant d’administrations publiques régies par un complexe agencement de règles écrites (lois, décrets et circulaires) et d’objectifs politiques au sein desquels nous ne sommes que des rouages organisateurs de services. Dans ces circonstances, le « web 2.0. » n’est pas une révolution : c’est une modalité d’action, possible mais limitée. En clair, c’est un outil de travail au sein d’une structure d’offre – la bibliothèque institutionnelle – qui ne peut jamais avoir l’ambition de renverser les limites structurelles imposées par les règles administratives et institutionnelles !

Deux attitudes (éventuellement simultanées) sont possibles face à ce que j’appelle cette réalité ontologique :

– la dimension participative peut être appréhendée comme un atout marketing pour les services de la bibliothèque : les nouveaux usages bien pris en compte contribuent à générer de nouveaux flux vers la bibliothèque institutionnelle, sans que celle-ci modifie ses modalités de fonctionnement. En bref, on ripoline l’institution publique en la mettant au goût du jour… Les lecteurs donnent leur avis publiquement, c’est chouette, ça leur donne confiance et ça renforce la fidélisation  comme l’image de modernité.

– la même dimension participative s’introduit comme élément moteur d’un nouveau mode de fonctionnement d’une institution publique. L’argument semble abscons ? Eh bien, imaginons que l’apport de nos multiples publics construise du savoir sans que les bibliothécaires soient autres que gestionnaires de cette production, sans sélection de cette construction. Bref, les bibliothèques proposent la plate-forme, et le contenu produit (et proposé) relève des acteurs collaboratifs : un wiki ? des dépôts d’images commentées ? des productions spontanées? etc. Mais dans tous les cas, il s’agit d’aboutir moins à un projet  spontané et auto-géré qu’à un processus largement maitrisé par les opérateurs prescripteurs que nous représentons institutionnellement…

Les deux hypothèses sont également recevables, non ? Éventuellement simultanées ?
Sauf qu’il ne faut pas oublier le fondement institutionnel de nos établissements ! Dans tous les cas de figure, je suis persuadé que les belles théories du Web 2.0., faites de spontanéité et d’égalité d’expression, ne peuvent jamais s’appliquer en totalité aux bibliothèques de statut public… N’oublions jamais en effet que nos bibliothèques sont des instruments d’action publique, et qu’à ce titre elles relèvent d’un projet politique précis et localisé.

Les ambitions collaboratives ne peuvent passer outre cette inscription politique et administrative… Pour le web 2.0. – et même le web 2.1. voire le web 3.0 –, je suis d’accord à 100 % ou presque dans son principe tissé d’ambition démocratique. Mais il faut bien y penser dans le contexte qui est le nôtre, celui d’une expression non tant spontanée (là n’est pas la vraie démocratie…) que régulée dans les espaces institutionnels qui nous sont autorisés.

Y voyez-vous une contradiction fondamentale ?

P.S. : allons, arrêtons de nous prendre la tête ! Joyeux Noël à tous, et joyeuses agapes !! On en reparlera en 2009 smileys Forum

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