Vous savez tous mieux que moi que le dernier endroit où l’on cause est Twitter. Ce site de micro-blogging, dont d’autres ont mieux expliqué que moi les caractéristiques et possibilités, connait des thuriféraires tels qu’ils annoncent parfois la fin des blogs au profit des billets de 140 caractères maximum qui sont telllllllement plus efficaces et réactifs ! Alors, il y a plusieurs mois, j’ai ouvert un compte sur Twitter, et me suis abonné aux fils (en langage Twitter : j’ai ‘suivi’) de quelques personnes prises au hasard de mes appétences professionnelles – y compris hors de France -. J’ai dû poster 5 ou 6 « tweets », ce qui a sûrement déçu les… 72 ‘followers’ (si, si !) qui m’ont emboité le pas ! J’ai regardé régulièrement les tweets reçus pendant des semaines, et n’ai repris que récemment cette activité, après avoir éliminé (virtuellement !) les personnes évoquant à longueur de messages leurs douleurs capillaires après des soirées arrosées, l’inconfort de leur fauteuil, la beauté des petits matins ensoleillés ou diverses ‘geekeries’. Et décidément, je persiste à ne pas utiliser Twitter (et à continuer de transpirer sur les billets de mon carnet de notes…).
Je crois connaitre tous les bons arguments pour l’utiliser, et je pense effectivement, comme Silvère, que Twitter est un bon outil d’alerte pour des bibliothèques (avis d’arrivée d’une nouveauté, alerte sur une exposition), sans doute plus efficace et ergonomique que le SMS dans la mesure où c’est l’utilisateur qui choisit de s’abonner au fil et non à la bibliothèque d’organiser des adressages personnalisés (encore que le SMS permet une personnalisation – voilà VOTRE réservation – que ne permet pas Twitter). Je devine également que c’est un excellent substitut aux dépêches AFP, le journaliste pouvant très rapidement et largement (et brièvement !) diffuser son information (voir ici ou ici), de même que le dissident iranien ou le témoin d’une manifestation. Même Maître Eolas s’est livré à l’exercice pour relater en temps réel le déroulé d’une audience : le résultat est savoureux…
Mon refus ne tient pas à un refus de principe ni à une acrimonie argumentée, mais à un choix personnel de rapport à l’information. Considérons les quelques 50 tweets reçus aujourd’hui (et c’est peu, compte tenu du faible nombre de personnes que je suis) :
– 60 % au moins sont ni plus ni moins que des fils rss, parfois généré en tweets par des générateurs de fils tel Friendfeed . D’ailleurs, on peut aussi à l’inverse aspirer ses tweets vers Friendfeed !! Hallucinant !
– 30 % sont des tweets qui relayent le lien sur des articles qu’ils ont reçu par rss ou par tweet (on s’y perd…). D’ailleurs, si on veut être vicieux jusqu’au bout, on peut suivre les tweets de quelqu’un en s’y abonnant par fil rss, et la boucle est encore bouclée ou plutôt amplifiée !!
– 10 % racontent leur journée ou leurs mésaventures technologiques (en moins de 140 caractères je vous rappelle. Au moins c’est court…).
Bon, je ne suis peut-être pas les bonnes personnes (j’aurais du en essayer d’autres ?). Mais qu’est-ce que j’en tire ?
- 90% de ces tweets ne font que présenter en deux mot un lien (dit de type ‘tinyurl‘ car même les caractères des liens comptent dans les 140 caractères, et c’est utile quand un lien de 135 caractères comme http://sbibbh.si.bm-lyon.fr/cgi-bin/bestn?id=&act=15&rec=2&auto=0&nov=1&t0=twitter&i0=0&s0=5&v0=0&v1=0&v2=0&v3=0&sy=0&ey=0&scr=1&line=1 peut être résumé en un lien de 26 caractères : http://tinyurl.com/yh7jph2). Bref, le message n’est pas dans le tweet, mais dans le lien : et il en faut des blogs et des sites pour que la valeur d’information de Twitter puisse commencer à recevoir une quelconque justification !
- 90 % des articles que je consulte grâce à des liens signalés au cours de mes navigations le sont parce que l’article ou le billet qui m’y a guidé développe une argumentation, propose un regard intéressant sur une question, et qu’ainsi j’ai envie d’aller creuser un peu. Le contexte suggestif du tweet est, reconnaissons-le, singulièrement pauvre (tout le monde ne s’appelle pas Félix Fénéon : “M.X…, de Montauban, nettoyait son fusil. On l’enterre demain”. (63 caractères) » – merci Maître Eolas !).
- Mon agrégateur Netvibes – grâces lui soient rendues ! – ne compte pas moins de 70 flux rss soigneusement choisis (sans compter le flux de flux constitué par le Bouillon personnel de Silvère – pas le Bouillon collectif, pour des raisons similaires à celles qui me font rejeter Twitter…). Et si j’en ajoute chaque mois, j’en retire au moins autant – vieux principe de désherbage qui me parait également sain dans la gestion de l’information personnelle pour simplement… être capable de comprendre ce que je lis en en ayant le temps !
Je ne doute pas que Twitter puisse permettre pleins de services et d’usages drôlement intéressants (ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit), et je suis sûr que plein de marqueteurs, voire même des professionnels soucieux de rendre service , vont les inventer ou en ont déjà trouvé. Mais je me demande si cette sidération du flux, cette exacerbation du débordement et du ‘jamais trop plein’ n’est pas par certains côtés, sous des dehors de sociabilités transparentes, contre-productive…
En tout cas, moi j’arrête d’utiliser Twitter.