Bertrand Calenge : carnet de notes

samedi 7 mars 2009

Entre intime et collectif

Filed under: Non classé — bcalenge @ samedi 7 mars 2009
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Il existe un paradoxe, ou plutôt une tension, au cœur de l’activité même des bibliothèques publiques. D’un côté on glose sur l’absolue intimité de la lecture, de la construction de soi et  de l’ « émotion culturelle » (si j’ose dire). De l’autre, on proclame la dimension collective de partage des savoirs que représenterait la nécessité des bibliothèques. Entre l’individuel et le communautaire, un ballet s’esquisse qui nécessite éclaircissement quant aux buts poursuivis et surtout aux services mis en œuvre.

Du côté intime, la lecture d’emprunt ou de consultation sur place (voire l’audition avec des casques ou la réservation de session Internet) a eu – et a toujours ? – la part belle dans les priorités institutionnelles. Certes, on soulignera qu’au cœur même de ces pratiques il existe une sociabilité commune de fréquentation des lieux (et étagères), comme il existe une immersion collective dans les textes, musiques ou images partagés à travers les collections. Mais, ne nous leurrons pas : c’est bien l’usage et la satisfaction individuels qui sont recherchés et servis.

Comment se présentent les ‘nouveaux services’ mis en œuvre aujourd’hui ? En notre époque d’individualisme forcené, il est paradoxal de constater que ce sont les services collectifs ou « sociaux » qui ont le vent en poupe. Des exemples?

  • les conférences, débats, concours, ateliers, bref les activités et manifestations des programmes culturels se multiplient, et rassemblent les gens ;
  • les séances collectives de formation (au numérique notamment, ou à la stratégie de recherche d’information) se développent ;
  • on se préoccupe des outils sociaux qui permettent contribution, critique, débat, voire construction collaborative de contenus ;
  • les espaces collectifs de travail en groupe se développent ;
  • etc.

Bref, même si in fine ce sont toujours des individus qui accroissent leur ‘capital de savoir’, l’organisation des services s’oriente insensiblement vers une approche plus collective qu’elle ne l’était au long des trente dernières années. Et ce qui est remarquable, c’est que ce mouvement flou se revendique de la personnalisation des services ! Comme si les pratiques les plus individuellement closes trouvaient satisfaction par mille autres moyens (dont les connexions domiciliaires à Internet) et que les bibliothèques jouaient davantage sur la dimension culturelle et éducative du lien social (peut-être poussées en cela par une pression collective inquiète justement des exigences sociales de l’individualisme ?)…

L’homme est un animal social. « Je est un nous », disait Norbert Elias. Je crois en cette vérité première. Et je crois qu’au-delà des utilisations évidemment individuelles de la bibliothèque, cette dernière joue prioritairement collectif ! Je me rappelle une explication passionnée de Jean-François Jacques qui, lorsqu’il travaillait à la bibliothèque de Romans, avait promu dans la bibliothèque d’un quartier réputé « difficile » une aide individuelle aux devoirs auprès des enfants avec quelques animateurs : ce service, qui ne touchait évidemment que quelques enfants, avait disait-il modifié le climat de la bibliothèque : même si tous ne pouvaient être aidés, tous savaient qu’ils pouvaient l’être, et les grands frères respectaient le lieu pour le service rendus aux plus jeunes…

Et vous, quelle est votre impression, ou votre conviction ?

lundi 1 mars 2010

Pourquoi les catalogues ne peuvent pas être 2.0.

Filed under: Non classé — bcalenge @ lundi 1 mars 2010

Plus j’y réfléchis (et ce depuis un bon moment), et plus je trouve étrange – autant que logique – l’obstination des bibliothécaires à vouloir entrer dans la ‘modernité’ à travers leur outil fétiche, le catalogue. Rappelez-vous : lorsque l’informatique première mouture (l’informatique de gestion)  a frappé à la porte des bibliothèques il y a un quart de siècle, qu’est-ce qui a suscité débats, réflexions et investissements ? Le catalogue, évidemment ! Lorsqu’on a commencé à parler réseaux dans notre métier, que trouvait-on en première ligne ? Encore les catalogues ! Dès que l’informatique a échappé par Internet à la seule gestion et est devenue information structurée – via le web et les bases de données -, une obsession a grandi chez les bibliothécaires : comment cataloguer le web, le faire entrer dans le… catalogue !
Et voilà que depuis quelques années les outils du web 2.0 sont avidement confisqués pour faire… un catalogue 2.0 !!  Les gens vont pouvoir y apposer leurs tags, leurs commentaires, se constituer une bibliothèque dans la bibliothèque, naviguer harmonieusement de notice en notice, etc…

Eh bien non, je ne crois pas à la validité d’un catalogue 2.0, parce que je pense que le catalogue n’est pas adapté à cet environnement, et parce je ne pense pas que les utilisateurs du catalogue soient demandeurs d’un tel ‘réseautage social’ – au moins concernant le catalogue lui-même.

Le catalogue n’est pas adapté au web 2.0

Un catalogue, qu’est-ce que c’est ? un outil permettant identification et surtout localisation d’un document ou d’un ensemble de documents au sein d’une collection. Et j’oserai même dire que l’identification (métadonnées, autorités, résumés divers,…) est essentiellement au service de la localisation. L’objectif du catalogue, c’est finalement l’appropriation du document matériel. Tout concourt à cela :
– la discrétion normalisée des notices, qui laisse peu de place au dialogue et au débat ;
– la sophistication des descripteurs, qui n’est possible que parce que les documents décrits sont stables et inanimés ;
– le caractère localisé des notices stockées, des recherches qui sont rendues possibles et des documents que ces notices ciblent : même en ligne, le catalogue fait bien entrer dans la bibliothèque.

Certes, on soulignera qu’il existe de timides exceptions. Mais regardons-y de plus près :
– certaines bibliothèques ont tenté, depuis plusieurs années, de laisser les utilisateurs apposer leurs commentaires voire tags. L’insuccès est au rendez-vous, et je laisse à Lionel Dujol le soin de le montrer brillamment ;
– on commence à évoquer des catalogues accessibles aux moteurs de recherche (on m’a parlé de PMB : est-ce vrai ?) : l’intention est louable, mais à qui cela va-t-il servir ? Une notice de catalogue déconnectée d’une collection ne satisfait que les bibliothécaires, et savoir qu’un habitant de Winnipeg pourra connaitre mes notices n’offre qu’une satisfaction bibliothécaire, non un service ;
– d’autres évoquent l’intérêt de « s’associer » à des catalogues sociaux de type Librarything ou Babelio. Pourquoi ? pour fondre le catalogue dans un réseau d’échanges ? Partiellement seulement, car comme le souligne ‘Des bibliothèques 2.0‘ : « Le but est d’enrichir nos OPAC avec du contenu déposé sur d’autres plateformes web. En gros, il existe des endroits où tout un chacun rentre ses livres, les commente, les note, les taggue, etc… Et c’est ces informations là, détenues par des institutions tiers, qui viendront enrichir nos OPAC. » Une fois encore, on rentre à la maison…

Notez que je ne parle pas ici de la mutation de certains  catalogues des documents numérisés de très grosses institutions ou consortiums confrontés à l’accès à des bibliothèques numériques en constitution (type Hathi Trust) : ceux-ci offrent un immense atout, permettre au moins pour la partie numérique des collections d’entrer dans le texte (sans devoir se déplacer à la bibliothèque), se constituer des collections de textes… mais je parle en fait des catalogues que nous connaissons dans l’immense majorité de nos établissements, ceux qui s’appuient sur les documents matériels présents sur nos étagères.

Les utilisateurs du catalogue sont-ils 2.0 de la façon qu’on les rêve ?

La « démarche 2.0 » n’est pas aussi consubstantielle aux usages informatifs qu’on voudrait bien le croire. Les exemples des catalogues de librairies en ligne foisonnant de commentaires ne me semblent pas probants : ces commentaires sont certes des recommandations, mais qui viennent de clients ayant investi une somme d’argent et faisant profiter les autres consommateurs -leurs collègues consommateurs – de leur expérience réussie ou de leur déception d’avoir dépensé pour « ça ». Nous retrouvons la même attitude sur des « catalogues » de sociétés de vente par correspondance ou des sites qui recensent les cinémas à l’affiche. Les documents de la bibliothèque ne « méritent » pas un tel retour sur investissement…

L’usager (potentiellement 2.0 ?) des bibliothèques est beaucoup plus prosaïquement évident : quand on sait que l’immense majorité des visiteurs du catalogue sont des visiteurs du lieu (86 % des visiteurs du site web généraliste de la BmL vont sur le catalogue), on peut se demander s’il ne faudrait pas déconnecter les arguments 2.0 de leur contexte numérique. Avant de se proposer (se dissimuler ?) derrière des outils, ne peut-on prioritairement prendre en compte les désirs de dialogue, d’échange, de participation des usagers ‘physiques’ de nos établissements ? Proposer de venir physiquement au débat organisé ou au cercle de lecture ? Offrir une réponse argumentée à celui qui espère une réponse argumentée à sa suggestion d’acquisition ? Mais aussi ménager plusieurs niveaux d’échange et de participation, non pas d’abord en ligne, mais surtout en présentiel : autoriser le dialogue et le rebondissement, encourager les échanges informatifs entre utilisateurs, etc ?


Et puisqu’on veut parler dialogue à travers le catalogue en ligne, où est le discours du bibliothécaire dans ce dernier (pour qu’un dialogue se noue, il faut qu’il y ait une première parole : les blogs le démontrent tous les jours) ? La parole du bibliothécaire se résume-t-elle à la notice normalisée NF Z 44-050, éventuellement ‘enrichie’ d’une jaquette piquée sur Amazon et d’un résumé quasi-retranscrit d’Electre (quasi, pour la question des droits d’auteur…) ? A quand non des signalements de critiques – avec lesquels  le lecteur n’est pas appelé à dialoguer : ils ne sont pas présents dans le catalogue comme êtres humains -, mais des vrais avis de bibliothécaires ?

Que faire ?

L’ambiguïté de cette ambition de participation-collaboration-appropriation que représente le web 2.0 est justement de ne pas arriver à se dégager du web, au point de ne pas imaginer les opportunités sociales et cognitives portées par le seul « 2.0 », c’est-à-dire le fil conducteur appliqué aux échanges sociaux même hors ligne. Pour en rester à la question des catalogues, je proposerais volontiers trois axes :

– produire un vrai contenu, et non se contenter d’agréger : on peut critiquer négativement un titre, le mettre en scène, proposer dialogues et réactions, et pourquoi pas instances de débat… Mais le catalogue est-il le bon lieu ? Un catalogue est neutre : il propose l’ensemble d’une collection, un bouquet de localisations repérables par diverses facettes. Ce qui conduit pour les bibliothécaires à adopter une prudente neutralité quant aux titres qui composent cette collection. Or une vraie médiation encourage la critique, la préférence, la passion, le débat. Je suis intimement persuadé qu’il faut créer ou rejoindre les espaces du débat, ailleurs : des blogs – de bibliothèques ou de partenaires -, des sites de passionnés – bibliothécaires ou non -, des propositions d’opinions argumentées, positives ou négatives (en ligne mais aussi dans la bibliothèque) ;
– laisser disséminer les données bibliographiques (et autres) du catalogue, notamment vers tous les sites -internes ou externes à la bibliothèque – qui permettent un tel débat, au lieu de toujours ramener vers le catalogue. Ce qui suppose, il est vrai, d’associer les notices du catalogue à ces débats extérieurs, donc à en permettre la capture ou le lien stable. Mais non pour en enrichir une capitalisation accumulative, mais tout bêtement pour offrir un lien (sur le web, un catalogue est un cul-de-sac : son essence est une description bibliographique incompréhensible pour qui ne vient pas dans le lieu…). D’ailleurs, à l’inverse, on pourrait aussi bien imaginer de supprimer le catalogue en tant qu’entité autonome pour l’imaginer bouquet de ressources bibliographiques documentant une base de supports précisément localisés,  assistance à un repérage de documents si soigneusement classés qu’ils peuvent en être inaccessibles ;


– enfin donc agir pour et avec l’usager 1.0, physique et d’abord présentiel : le visiteur n’attend du catalogue qu’une localisation aisément repérable en fonction des éléments dont il dispose pour le rechercher. Si déjà cela fonctionne ergonomiquement, c’est génial. Plus loin ? Bien sûr, on peut présenter une vignette de la jaquette ou des résumés, mais cela suppose un butinage aléatoire du visiteur dans le catalogue : je n’ai encore jamais rencontré cet étrange merle blanc (les jaquettes sont plus expressives sur les étagères que dans le catalogue…). Alors il faut bien s’occuper de ce visiteur si peu virtuel et si massivement utilisateur de ce fameux catalogue ! On peut veiller à en faciliter les itinéraires ou rebondissements de recherche localisée, bref en favoriser l’ergonomie heuristique pour les visiteurs de l’établissement, mais que diable, ne parlons pas là de « web 2.0 » !

Oui aux outils, non à la sidération

En fin de compte, je respecte le catalogue et son architecturation. J’approuve énergiquement les tentatives d’enrichissement de ses notices, que ce soit par des métadonnées sophistiquées,des  résumés, des critiques, etc, comme j’applaudis encore plus ses améliorations ergonomiques pour le visiteur. Mais je me défie du désir qui voudrait ramener l’internaute vers le catalogue comme coeur de l’activité de la bibliothèque, surtout en y convoquant le magique « 2.0 ». Il est bien d’autres outils et processus à visiter tant sur le Net que dans les murs de nos établissements…
Pourquoi un tel engouement pour poser du  2.0 sur le catalogue ? Ne serait-ce pas parce que ce catalogue est l’arme ancestrale voire ultime du bibliothécaire ?  On revisite volontiers  l’outil sans en questionner la destination…

Mais, je le soutiens, pour l’immense majorité des bibliothèques, c’est dans le présentiel que le catalogue doit trouver son avenir. Et la dimension participative voire collaborative du concept 2.0, n’est-ce pas là qu’elle doit prioritairement s’y développer très concrètement ?

N’hésitez pas à contester, amender, compléter, illustrer !…

jeudi 25 février 2010

Médiation au défi de la sélection ? ou sélection au mépris de la médiation ?

Filed under: Non classé — bcalenge @ jeudi 25 février 2010

Labourons encore le champ immense des alternatives manichéennes, si propices aux résolutions simplistes. Comment fait-on des acquisitions ? La question ne vise pas les procédures particulières de tel ou tel établissement (encore que celles-ci ne soient pas indifférentes), mais plutôt le processus intellectuel qui génère chez un sélectionneur lambda le déclic de l’achat souhaité pour tel ou tel titre précis.
Lirographe pose le doigt là où ça fait mal :  est-ce qu’on ne ferait pas mieux de s’occuper des publics à servir et moins des supports proposés à leur convoitise ? Bon, je simplifie outrageusement, et son billet est empli de prudence et de perplexité. Mais il pose une question qui mérite qu’on s’y arrête : et si les bibliothécaires veillaient à se plonger dans les contenus et dans l’appréhension de ceux-ci par des publics, pour mieux médier ces contenus, et passer moins de temps à arbitrer entre 10 000 titres et supports divers, en s’égarant éventuellement dans des disputes byzantines pseudo-intellectuelles prenant le pas sur leur exigence de service ? Dans la sélection d’un titre, dans la constitution ou le renouvellement d’une collection, qu’est-ce qui est à l’ oeuvre ?

La réalité du processus de sélection

J’aime à penser que l’acte de sélection (d’un document, d’une ressource Internet,…) est pour des collections courantes au croisement de trois exigences simultanées :
– la curiosité plus ou moins experte portée aux contenus du champ de la sélection ;
– l’attention apportée aux besoins des publics, peut-être pas de tous les publics, mais au moins deceux dont on a repéré le cadre de leurs demandes réelles ou potentielles ;
– le constat d’un manque, d’une lacune plus ou moins criante, dans l’ensemble documentaire dont on a la responsabilité.

Ces trois exigences nécessitent ensemble des allers et retours constants et étroits entre la réalité d’une collection existante (incluant une bonne connaissance des ressources en ligne), l’empathie avec des publics présents ou recherchés, et une attention renouvelée aux contenus auxquels le sélectionneur est affecté. Cette imbrication profonde plaide pour un continuum posant les publics au coeur de la problématique, animation de la collection existante, acquisitions et désherbages venant nourrir le coeur du continuum.

Les impératifs de gestion rationnelle

Maintenant, il faut gérer le dit continuum avec des forces limitées, et alors il faut faire des choix logistiques. Ceux-ci obligent à une rationalisation des procédures. Lirographe s’interroge sur la validité de la sous-traitance de la sélection. Je pourrais également proposer une sous-traitance draconienne du désherbage (tout titre de plus de 5 ans n’ayant connu aucun prêt dans l’année précédente serait mécaniquement désherbé – pourquoi pas ?),  ou une soumission tout aussi mécanique aux avis positifs d’un ensemble de critiques sélectionnés. Sauf qu’on sait très bien que ce n’est pas si simple. Pourquoi ? Parce que les imbrications sus-mentionnées appartiennent à un même continuum…

La gestion d’une sélection efficace ne réside pas, à mon sens, dans l’externalisation (au sens de « échappant au bibliothécaire sélectionneur ») de telle ou telle étape de son travail complexe, mais dans une approche plus globale et complexe du processus. Cela relève plutôt de l’encadrement organisé de la sélection (et des activités connexes de mise en ordre, de désherbage, etc.) : plans de développement de collections, protocoles de sélection, etc. Je ne reviens pas dessus, ayant suffisamment commis de livres et d’articles sur le sujet. Le véritable problème de la sélection, ce n’est pas tant le temps passé à cette dernière que d’une part son intégration concrète au sein d’un projet collectif à expliciter, et d’autre part son organisation en procédures collectives partagées (mise en oeuvre de paniers Electre ou autres, rythmes de sélection négociés, périodes délimitées d’opérations de désherbage, évaluations régulées de l’efficacité des collections proposées, etc.)

Il n’en est pas moins vrai qu’à certains moments, la mise en commun des expertises n’est pas inutile. Un exemple me vient à l’esprit : une bibliothèque en création doit constituer ses nouvelles collections en un temps record. Les bibliothécaires réfléchissent, compulsent bibliographies et font appel à de multiples partenaires pour leur prêter assistance. Mais voilà, ils manquent d’une compétence interne en littérature. Que faire ? On peut imaginer en ce cas de croiser la liste des romans « efficaces » (en termes de prêts) de quelques bibliothèques similaires et proches (et gérées avec la constance évoquée plus haut), pour constituer un noyau dur de titres à acquérir qui, sans nul doute, mériteront l’intérêt des prochains futurs lecteurs. En attendant, bien sûr, qu’une compétence littéraire puisse être affirmée au sein de cette bibliothèque et reprenne le flambeau…
Autre exemple bien connu, la dévolution d’une pré-sélection à des libraires spécialisés selon certains critères (ce que Lirographe évoque explicitement), bref des offices. Encore faut-il bien considérer cette facilitation comme un pré-tri qui n’exonère pas le bibliothécaire de ses interrogations quant aux contenus, donc … qu’il prenne du temps pour évaluer, peser, décider. Une sous-traitance délibérée et intégrale des acquisitions peut avoir des effets délétères sur la capacité médiatrice des bibliothécaires…

Et la médiation dans tout ça ?

Poser la médiation des collections en dehors des processus complexes de constitution, gestion et animation de ces mêmes collections (et – j’insiste – de toutes les ressources extérieures et en ligne qui peuvent apporter du grain à moudre), est un curieux et moderne postulat. L’avenir des restaurants réside-t-il d’abord dans la courtoisie du  maitre d’hôtel… ou dans la qualité du chef de cuisine qui invente mille saveurs ?  La particularité des bibliothèques, c’est qu’elles n’apportent pas en salle des plats mystérieusement concoctés dans d’inconnues arrière-cuisines, mais qu’elles disposent leurs chefs cuisiniers aux premiers rangs du service en salle. Alors, la tentation est grande de vouloir industrialiser la cuisine – ce qui ne se voit pas -, en faisant le pari que la médiation en salle enfin valorisée saura convaincre le client que la cuisine mécanisée et anonyme est absolument délicieuse… Et on aimerait bien que les bibliothécaires, définitivement débarrassés de ces tâches de « back-office », se consacrent alors uniquement aux relations avec les visiteurs.

Sauf que, je le répète, on ne peut pas conseiller un texte ou une musique ou un film sans y avoir goûté, sans en avoir éprouvé la texture, sans en connaître la connivence avec d’autres textes, disques ou films, et surtout sans en connaître la géographie cognitive au sein de la bibliothèque. Le « lecteur » est redoutable : il ne consomme pas la bibliothèque, il en éprouve la capacité de connivence, et s’il apprécie d’y retrouver parfois la « liberté nomade » du supermarché, il en attend toujours la parole experte à portée de main, en cas de besoin.

La gestion des collections au service de la médiation

Alors, s’il faut améliorer voire optimiser ce fameux travail de sélection, je conseillerais volontiers trois choses :

  • confier une responsabilité de « gestion thématique » à chaque bibliothécaire (je ne parle pas ici du grade). A elle ou lui la charge de faire vivre les contenus dont il a la charge : sélections, mais aussi désherbages, veille sur les sites pertinents et sur l’évolution des connaissances dans son domaine ;
  • encadrer collectivement cette responsabilité : créer des outils prévisionnels et des tableaux de bord de suivi, réguler les différents temps de l’activité de back-office et les opérations qu’il faudra programmer, encourager le dialogue et le débat, susciter le recours à des experts extérieurs, etc. ;
  • développer la capacité médiatrice : c’est là, sans aucun doute, le plus vaste chantier. Il va bien au-delà des capacités d’accueil et de dialogue, mais requiert à la fois une qualité d’échange avec l’utilisateur et une « culture de la bibliothèque » qui reste à construire. Cette dernière va nécessairement au-delà des seules compétences thématiques du bibliothécaire, certes sélectionneur par ailleurs… mais les situations de dialogue avec les utilisateurs ne se cantonnent pas au seul domaine dont traite le professionnel, même si parfois par bonheur on peut mettre face à face un questionneur sur un sujet et le bibliothécaire justement compétent sur ce sujet ! Alors, il faut  que chaque professionnel dispose simultanément d’une visibilité globale des ressources de la bibliothèque où il officie (et pour cela il faut formaliser, former, informer tous les agents), d’une habileté à transposer une question dans les rouages d’Internet et des abonnements en ligne, d’une capacité à entendre la problématique de son interlocuteur, et enfin – last but not least – d’exercer ses talents de repérage et d’analyse, jusque-là mis au service d’un thème spécifique, au service d’une demande souvent étrangère à ce thème.

Ce dernier point est essentiel. Les universités ont compris qu’on ne pouvait pas valablement développer une réelle médiation formatrice des bibliothécaires sans appliquer le talent bibliothécaire du ‘recherchiste’ à une discipline donnée – donc avec le soutien et la coopération avec les spécialistes du contenu. Et on voudrait que les bibliothécaires de lecture publique négligent leurs collections (donc les contenus) pour tomber de l’impasse d’une médiation sans appui sur les contenus ? Et cela en compagnie d’un public ô combien plus divers que celui des seuls étudiants ? Un bibliothécaire qui n’a pas à affronter une collection, qui n’a pas par ailleurs à arpenter continûment les ressources électroniques intéressant le thème dont il est chargé, est incapable d’assister valablement un usager perplexe, jusque dans les domaines dont il ne maîtrise pas les arcanes.

Même si pour sélection et médiation les deux termes sont des mots en « -tion », les processus qu’ils convoquent sont bien différents, tout en étant intimement entrelacés. La sélection interpelle le devenir d’une institution (collection) face aux besoins des publics qu’elle veut servir, la médiation dispose le bibliothécaire en accompagnateur du même public dans ses besoins de connaissance, que cet accompagnement l’entraine dans les collections sélectionnées ou dans bien d’autres chemins (pédagogie d’une littéracie, arpentage d’Internet, etc.). La sélection est un processus indispensable – mais non suffisant – à l’action médiatrice, mais la médiation déconnectée de cet arpentage sélectif des contenus qu’est le processus d’acquisition devient cognitivement stérile…

Alors il faut multiplier les outils rendant lisibles à tous les bibliothécaires les choix opérés par chacun d’entre eux,  ici inventer des méthodes industrielles temporaires, booster la logistique, fluidifier le processus très lourd des acquisitions. Mais pas en vue d’abolir  le temps de la sélection, au contraire pour construire la maturation de la rencontre entre un(e) professionnel(le), un contenu, ses supports incarnés ou ‘virtuels’, et des publics croisés quotidiennement. Bref pour donner à la médiation le temps, la profondeur, la richesse, la liberté de s’épanouir.

mercredi 15 juillet 2009

Texte et contexte : (3) Quel texte ?

Filed under: Non classé — bcalenge @ mercredi 15 juillet 2009
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Ceux qui auront suivi les billets précédents (ici et ) pourraient s’étonner de voir oubliée l’offre documentaire de la bibliothèque. Que nenni ! La bibliothèque est toujours espace d’appropriation de contenus… à condition de soumettre également cette offre à la règle du contexte. Et les contenus nécessitent des contenants, peut-être parfois différents dans leur forme, leur disposition ou leur disponibilité.

Aérer voire diminuer

Commençons par les collections les plus matérielles : les livres, disques et autres DVD. Les bibliothèques (publiques) doivent trouver un juste équilibre entre les espaces grandissants des publics utilisateurs et la nécessaire présence – concrète autant que symbolique – des savoirs et créations matérialisés par les documents proposés en libre accès. Compte tenu des réalités contemporaines, ce juste équilibre me semble plaider en faveur d’une réduction volumétrique des documents offerts au butinage :

  • Question de place d’abord : si on multiplie les espaces de travail, ou plus simplement de détente et de séjour, il est évident qu’il faut amenuiser l’espace occupé par les étagères. J’ai vu une petite bibliothèque disposant de près de 35 000 documents ne laisser à l’usage de la consultation ou du séjour qu’une unique table avec 4 chaises !! Plus de publics désirés = moins de documents proposés (à surface égale bien entendu).
  • Question d’usages ensuite : il est des mètres linéaires dont la pertinence offerte au butinage mérite réflexion. Les mètres linéaires occupés par ces encyclopédies migrées sur Internet d’abord, mais aussi les mètres linéaires jamais parcourus, compulsés ni empruntés, dont le maintien en place relève parfois de l’incantation symbolique.

Par curiosité, je me suis replongé dans la ‘bible’ des programmations de bibliothèques municipales (‘Bibliothèques dans la cité’, éd. du Moniteur, 1996 – hélas épuisé depuis belle lurette). J’ai été frappé par la séparation drastique des fonctions : pour une commune de 30 000 habitants, on consacre 245 m² aux fonctions d’accueil et animations, 602 m² pour accumuler 28 600 documents et 80 abonnements destinés aux adultes, et 354 m² pour 15 400 documents et 20 abonnements destinés aux enfants. Il me semble impératif d’évoluer vers une meilleure imbrication des fonctions et surtout vers un allègement de ces recommandations volumétriques (ou plutôt d’envisager des surfaces plus grandes à volumétrie documentaire  égale). Non pour diminuer les efforts d’acquisition (de documents matériels ET de ressources en ligne), mais pour au contraire envisager une adaptation plus conforme aux usages : sans doute plus d’espace disponible pour les gens (pas pour mettre plus de livres  ! ), un report de nombre de contenus à actualisation rapide vers des ressources en ligne, un accroissement du nombre de magazines proposés, etc.

Ouvrir et libérer

Cela va de pair avec l’acceptation volontaire de la réalité d’Internet comme pourvoyeur de connaissances : accès wifi facilités, abonnements à des ressources en ligne, …
Mais aussi avec une libéralisation des contraintes de l’appropriation des documents matériels : pourquoi ne pas libérer les carcans des limites d’emprunt, ceux des contraintes induites par les heures d’ouverture ( boites de retour 24h sur 24, voire distributeurs automatiques de livres à toute heure !). Tenons compte d’abord des usages !

Repositionner les contenus

L’ambition encyclopédique des bibliothèques (mesurée à l’aune de leurs moyens et de leurs publics) mérite non d’être battue en brèche mais plutôt modulée différemment à l’heure des informations de flux. Éliminons des étagères les codes juridiques et les dictionnaires de médecine, pour orienter les publics vers les ressources en ligne. Amenuisons la documentation technique imprimée et apprenons à nous orienter (et orienter les publics) vers ce qui est disponible sur Internet. Bien sûr, cela ne signifie pas réduire la collection imprimée aux seules ressources indisponibles sur le web ! Là encore, il faut tenir compte des usages : un essai se découvre plus aisément sous forme imprimée même s’il existe sous forme numérique, la personne dépourvue d’accès à Internet appréciera de pouvoir emprunter un manuel, etc. Mais tenons compte du fait que 60 % des foyers français disposent d’une connexion domiciliaire à Internet… et qu’on peut espérer que la bibliothèque offre largement cette opportunité aux autres ! Et puis, si les publics s’emparent de la bibliothèque, il leur faut de la place…

Surprendre

L’enquête du Credoc montrait pour les publics interrogés l’importance de la recommandation et de la découverte.  Cela passe bien sûr par la sélection de textes susceptibles de répondre à la curiosité, plus que strictement savants ou érudits (au moins dans le libre accès). Mais je crois beaucoup à la capacité des bibliothèques à mettre en scène ces contenus : corpus originaux, conférences, lectures, tout cela est devenu impératif pour faire s’approprier les contenus, intriguer, passionner. Et cela peut se faire de façon ludique autant que savante (voyez par exemple l’abécédaire de la BnF), s’installer dans les espaces de façon impromptue (voyez ce happening inattendu à la bibliothèque de Limoges, à l’occasion du décès de Michaël Jackson : j’adore, et surtout je note l’enthousiasme des commentaires !), mêler l’intime  et le spectaculaire (à Lyon, une exposition « Archives de l’infâmie« , sur Foucault, comprend une ‘bibliothèque Foucault’ où l’on peut s’installer, lire, et même emprunter les livres proposés). Si le programme culturel est souvent considéré comme événement lourd, il est surtout appelé, me semble-t-il, à entrer dans la quotidienneté  des espaces et de l’activité. Et je suis Yves Aubin lorsqu’il réclame l’élaboration d’espaces imaginaires au sein de la bibliothèque : encore une fois ne pas se contenter de dédier aux manifestations des espaces spécifiques et distincts, mais animer l’ensemble des espaces documentaires publics.

Accompagner

Puisque le texte n’existe pas sans contexte, contextualisons-le avec les bibliothécaires eux-mêmes : c’est notre meilleur atout. Au-delà du service d’orientation bibliographique, il faut avancer à visage découvert, ou plutôt à compétences offertes. Organiser la réponse aux utilisateurs, c’est d’abord les accompagner : les espaces numériques ont ceci de fascinant qu’ils ne se contentent pas de proposer matériels et logiciels, mais d’abord proposent une aide à l’appropriation de ces derniers, que ce soit sous forme d’assistance individuelle ou d’ateliers. Les autres services ‘pédagogiques’ ont un bel avenir : savoir débrouiller une recherche dans les arcanes de la mémoire locale, organiser son travail pour un devoir ou un exposé, connaître les ficelles de la recherche d’emploi, ‘emprunter un bibliothécaire‘, etc. Expérimenter le savoir est une façon majeure de se l’approprier : j’aurais aimé que des services comme Ebulliscience naissent d’abord dans les bibliothèques…

Bref contextualiser…

Vous aurez compris que, sans manquer de révérence aux textes, j’estime professionnellement essentiel les modalités de leur contact avec les publics que nous servons. Et ces modalités sont, au sein des bibliothèques, établies par les bibliothécaires : l’emplacement du classement donne du sens au livre, la conférence sur un texte lui donne du sens, , les conseils bibliothécaires lui donnent du sens, l’aide à l’appropriation du texte lui donne du sens, comme les relations entre textes établies au sein d’un corpus créent des itinéraires de pensée originaux.
Il ne s’agit pas ici de suivre des modes ou des appétits de consommation, mais bien de s’inscrire délibérément du côté de nos publics : il n’est pas d’abord de textes dans une bibliothèque, il est surtout des lecteurs en quête de sens.
Il ne suffit pas de clamer l’éminence de telle pensée documentairement incarnée, il faut établir l’éminence de l’espace d’échange et de débat publics que peut (doit ?) être la bibliothèque au cœur de la cité.

J’exagère ?

vendredi 9 janvier 2009

Editeurs (et bibliothécaires) face au numérique

Filed under: Non classé — bcalenge @ vendredi 9 janvier 2009
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Même si d’augustes haruspices prédisent ici la fin du livre, là l’éclosion de nouvelles formes de lecture (y compris des lectures de textes sur écran), enfin la ré-émergence du livre à travers des tablettes, je ne me sens pas d’humeur à la futurologie. Trois points m’intéressent, ce qui est produit, les usages qu’on a pu constater auprès de la population, et le service qu’on peut construire avec tout cela.

Sur la production, il y a peu à dire. Longtemps, les éditeurs ont été les têtes chercheuses de l’innovation dans les contenus, même si un Proust a du batailler pour se voir publier. Ils ont été références autant que filtres, et cela a plutôt été bénéfique pendant des décennies voire des siècles. On a l’impression aujourd’hui que la question des contenus les intéresse beaucoup moins, en les voyant investir le marché numérique dans un esprit soit très protectionniste (DRM, formats dédiés, déni de négociation avec d’autres acteurs adeptes de modèles économiques fondés sur l’accès à des corpus plutôt que sur la vente de supports), soit innovants à tout crin ou plutôt enfourchant toute opportunité de monnayer leurs contenus à travers des alimenteurs de liseuses ou iPods. Dieu merci, il reste des éditeurs dignes de ce nom mais, même si nombre de producteurs ont plusieurs cordes à leur arc, peut-on décemment conserver la même appellation pour ces différentes postures ? Produire de l’information publiée, c’est tout autant mettre en ligne un  texte libre de droits que tenir un carnet intime sur Internet ou qu’emballer en PDF un roman conçu par son auteur pour être un livre imprimé et feuilletable… Novovision prédit volontiers la fin des journalistes, anciens porteurs de la réalité cachée, mais il pourrait tout autant prédire la fin des éditeurs, ces autres ‘dénicheurs-filtres-metteurs en forme’ !
Dans ce contexte, la production de livres imprimés (je n’ose dire l’édition) est folle, essayant de se mettre au diapason de l’abondance d’information offerte au citoyen connecté : un collègue me disait que l’office sélectif de la rentrée 2009 (sur moins d’un mois) pour le seul secteur des sciences humaines comportait plus de 1 000 titres ! Bonjour les forêts. Bonjour notre capacité de sélection !

En ce qui concerne les usages, demain, en plus des livres (qui survivront largement, si, si, notamment avec toutes les oeuvres de création adaptées à celui-ci !), nous allons avoir affaire à des péta-octets de données numérisées pour lesquelles l’accès se fera majoritairement à travers des moteurs de recherche de plus en plus perfectionnés. Seulement – vous avez remarqué ? – ces moteurs fonctionnent selon des algorithmes certes sophistiqués mais qui se contentent de renvoyer une succession de résultats indépendants, même si certains tentent des associations (comme Kartoo, que j’aime bien pour son concept… mais dont évidemment je ne me sers jamais dans une recherche non ludique…). Le seul itinéraire possible est guidé par les liens hypertexte présents dans les pages de résultats… Ce n’est pas mince, mais l’errance est ralentie à proportion de la masse de ces résultats… et de l’algorithme de pertinence adopté par le moteur.

Passons aux bibliothécaires. La façon dont les éditeurs abordent ce nouvel univers montre leur réticence à abandonner leur modèle économique : leur domaine est toujours celui de l’imprimé. Ce n’est pas nécessairement aberrant, mais le problème des bibliothèques n’est pas seulement le même. Je refuse et j’ai toujours refusé l’idée largement répandue selon laquelle bibliothèques et éditeurs seraient unies par un lien fusionnel dans une mythique chaine du livre. Les évolutions contemporaines me confortent dans ce jugement : non, Kindle ne m’intéressera pas parce qu’un jour Gallimard décidera de vendre ses livres via ce support. Ce qui m’intéresse, c’est ce qui peut informer, émouvoir, former, passionner, interloquer la population  dont « j' »ai la charge.  Pour cela, je puise dans les réservoirs d’information afin de les transformer en opportunités de connaissance. En 2009, je dispose des éditeurs – sans aucun doute-, et ils restent inestimables pour les livres, mais je dispose aussi du flux d’Internet : et face à ce dernier, ne sommes-nous pas, nous aussi, dans une position d’éditeur, donc en définitif de sélectionneur, de filtre, de promoteur ?

(Parenthèse : dans ce contexte le rattachement aux « métiers du livre » des formations aux métiers des bibliothèques me parait nuisible ; on devrait former aux métiers de l’information, ou plutôt aux métiers de la transmission de la connaissance, comme en Suisse ou au Québec qui associent documentalistes, archivistes, bibliothécaires…. J’y reviendrai)

Dernier point que je livre à votre réflexion : certes, l’éditeur ne se contente pas de filtrer et de promouvoir, il met en forme, corrige, inscrit l’oeuvre dans un contexte éditorial donné. Mais le bibliothécaire peut-il se contenter de « donner accès à Internet » ? Ce flux indistinct et passionnant disponible sur le web, il va bien falloir lui donner du sens, lui construire des ‘corpus de connaissances’ là où les moteurs se contentent de fournir des apparentements statistiques. Et là nous allons inventer une nouvelle face de notre métier : mettre en forme des données électroniques ou numérisées, associer des partenaires à leur enrichissement, inventer – en même temps qu’avec les imprimés dont nous disposons -… de nouvelles politiques documentaires en même temps qu’on proposera peut-être de nouvelles collections… virtuelles.

Un travail de bibliothécaire-éditeur ?

mercredi 22 octobre 2008

La réalité dépasse (toujours) la fiction

Filed under: Non classé — bcalenge @ mercredi 22 octobre 2008
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Il est toujours étonnant de voir la vitesse à laquelle les gens peuvent s’enflammer et projeter leurs fantasmes sociaux dans l’avenir. On a tout connu : de l’an mille qui allait apporter soit la paix de Dieu sur terre soit la fin du monde (et hop, on a remis ça en l’an deux mille), à la « fée électricité » qui allait relier les hommes et apporter la paix, ou à la télévision qui allait apporter le savoir dans tous les foyers, ou à la conquête spatiale par l’homme qui nous ouvrirait de nouveaux espaces de peuplement avant l’an 2000, ou encore à Internet qui allait créer un village mondial rousseauiste idéal. Je passe charitablement sur le modeste exemple du crédit hypothécaire qui, de l’avis des plus hautes autorités, allait très récemment encore relancer toute l’économie…

Quand un inventeur, entrepreneur ou bidouilleur propose quelque chose de nouveau, il y a toujours une bande de fans qui, au lieu de simplement vanter l’intérêt prosaïque de cette création, croit bon d’imaginer que la face du monde va nécessairement en être changée. Le problème, c’est que si la création doit changer la face du monde, c’est d’une façon que les contemporains de l’instant de la création sont en fait incapables d’imaginer. Sans parler des médias, la futurologie s’est intéressée à Internet dès ses balbutiements. A ma connaissance (détrompez-moi, SVP), par exemple elle n’a jamais été capable de concevoir précisément avant le XXIe siècle  le radical changement du modèle économique de la production et de la diffusion de l’information qui intervient en ce moment. D’autres inventeurs se sont greffés sur l’outil initialement créé et en ont modifié l’usage… Prévoir l’avenir social à partir d’une unique invention est déjà une gageure, mais quand l’invention en génère d’autres, ça devient farfelu…

Ou alors il faut être écrivain : on imagine des mondes nouveaux, on mixe l’actuel et les outils, on greffe dessus des préoccupations universelles, et on crée un monde. Avec beaucoup d’écrivains de science-fiction, on peut toujours dire qu’un auteur a eu une intuition géniale. Sauf qu’heureusement ils ne se prennent que pour ce qu’ils sont : des inventeurs d’imaginaire. Pas des futurologues.

Plutôt que de chanter les louanges de tel nouvel outil en évoquant les nécessaires bouleversements planétaires qu’il va provoquer, il est beaucoup plus intéressant de se pencher sur le réel social : non pas ce que les gens « vont faire » (croit-on), mais ce qu’ils font et surtout comment ils le font, et analyser en quoi tel ou tel outil peut être appréhendé et rencontrer leur intérêt voire leur façon de procéder. En quoi l’innovation peut être perçue,  acceptée et intégrée. C’est l’objet que poursuivait il y a quelques années une équipe de l’Université Pierre Mendès-France à Grenoble, CAUTIC, pilotée par Philippe Mallein, et reprise par une société privée : la conception assistée par l’usage. L’objet questionné n’est pas l’invention, mais les modalités de son appropriation par d’autres personnes, dont le public. Car la vraie invention à incidence sociale est celle qui est appropriée et parfois transformée : les blogs d’il y a 10 ans, volontiers considérés avec un indulgent mépris comme des comme des carnets intimes de lycéens, sont aujourd’hui en passe de supplanter le journalisme d’information, quand ils ne sont pas massivement alimentés par ces mêmes journalistes.

Arrêtons de prédire l’avenir : la réalité mouvante dépasse et transforme toujours la fiction techno-utopique. Pour rester en 2008, le web 2.0 ne signe pas une transformation sociale par ses promesses : ses usages discrets, ses tentatives d’utilisation à des fins diverses, la façon particulière dont il s’intègre ou non à différentes formes d’usages doivent être examinés avec attention. Mais sans arrière-pensée triomphaliste voire millénariste !

jeudi 17 juillet 2008

Un carnet pour quoi faire ?

Filed under: Non classé — bcalenge @ jeudi 17 juillet 2008
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Premiers pas dans le monde des blogueurs, après moult hésitations.

Mais il fallait bien y passer comme d’autres (nombreux) : beaucoup de choses se passent dans le milieu des bibliothèques, et encore plus dans leur environnement ; les reconfigurations se multiplient, et amènent à se poser beaucoup de questions. Face à cela, écrire un livre est trop lourd (je sors d’en prendre !…) pour les réactions parcellaires, et les revues privilégient de plus en plus les articles de commande. Bref, un carnet de notes est un excellent moyen terme pour réagir à des situations, innovations, questionnements divers…

La difficulté, c’est de trouver le juste équilibre entre le journal intime para-professionnel et la fusion communautaire (encore que cette dernière soit une hypothèse passionnante : j’ai découvert l’espace communautaire francophone des bibliothèques sur Ning ). Le blog est, après tout, un moyen utile pour confronter un avis très personnel à des lecteurs possibles, faire réagir, bref enrichir la pensée et l’action ! D’ailleurs, je mets à votre disposition – à droite –  des liens sur quelques blogs qui m’enrichissent quotidiennement.

Restent deux questions :

– le nom du carnet. J’adore certains titres imaginatifs, comme Bibliobsession -que j’aurais bien piqué à Silvère – ou Bambou – la présentation par Jérôme est une trouvaille !. Mais il faut bien assumer le caractère totalement perso de ces réflexions, rédigées hors mes fonctions professionnelles, j’insiste là-dessus. Donc je signe (et je persiste).

– le contenu. Ce qui m’intéresse, ce sont les transformations, les confrontations : transformations de bibliothécaires devant associer des objectifs nouveaux à des taches persistantes, confrontations de bibliothèques largement dotées en procédures et normes éprouvées à des environnements en pleine évolution. Questionner les pratiques au regard des objectifs, questionner les objectifs au regard des attentes sociales. Le champ est vaste…

On verra bien…

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