Le titre de ce billet est dû à J-C Brochard pour un billet remarquable qu’il vient de publier. Bien sûr, nombre de collègues connaissent ce type de service apparu dans les pays anglo-saxons et nordiques (« Borrow a librarian« ) et en ont apprécié la dimension disons… pittoresque et surprenante ! Mais, comme le souligne JC Brochard, on n’en connait pas d’épigones en France. Pourquoi ?
La première explication qui vient à l’esprit est le manque de temps. Je suis plus que sceptique quand je vois la multiplication des animations et activités innovantes dans nos établissements. Il faut bien du temps pour les concevoir et les réaliser !! Il faut donc chercher ailleurs…
Une intuition (vilain mot pas scientifique) me suggère que nous apprécions particulièrement de déléguer le « dialogue » ou la « valeur ajoutée » à des processus que nous mettons en œuvre. Par exemple :
– Offrir aux lecteurs la possibilité d’ajouter leurs commentaires à des notices bibliographiques ou à toute autre production bibliothécaire délègue au système de gestion du catalogue ou du service particulier le soin d’engranger et de rendre visible des avis ou opinions. Je ne suis pas sûr qu’il entame un dialogue et encore moins qu’il engage la personne des bibliothécaires eux-mêmes…
– L’opportunité technologique de mise en œuvre de portails thématiques sophistiqués autorise davantage l’exacerbation de la production de contenus soigneusement ciblés, qu’elle n’encourage l’exposition des bibliothécaires à la diversité des interrogations des publics concernés…
– L’étude de l’usage des cahiers de suggestions montre clairement leur fonction dérivative et extériorisante, plus que d’ouverture au débat.
– Les activités d’accompagnement personnel sont soit organisées dans des ‘services pédagogiques’ aux prestations structurées, soit déléguées à des personnels non-bibliothécaires (moniteurs, autrefois emplois-jeunes,…).
– Un travail de recherche de Laurence Bourget, alors élève-conservateur de l’enssib avait relevé en 2004, parmi les cinq priorités majeures des chercheurs en sciences sociales en termes d’accès aux ressources de la bibliothèque, un suivi personnel par un bibliothécaire ‘personnel’ au fait de leur problématique, attentif à leurs pistes de recherche, disponible par tous moyens non institutionnels (i.e. pas seulement derrière un bureau de référence, mais aussi par mail, rendez-vous au labo,…) : cette dimension existe-t-elle dans les profils de poste et plans de charge de travail des professionnels en SCD ?
Je n’affirme pas que nombre de bibliothécaires n’engagent pas de dialogues personnels, ni rechignent à passer des heures à débrouiller un problème individuel, au contraire (et heureusement !). Mais en termes d’organisation les faits sont têtus : les bibliothécaires sont conscients qu’ils développent un capital de connaissances et de savoir-chercher, mais préfèrent déléguer – ou organiser – la transmission du capital en question à des instruments ou processus de services qui (tout web 2.0. veulent-ils être parfois) restent fondamentalement dépersonnalisés… ! Encore une fois, pourquoi ?
Examinons trois pistes :
- La première semble évidente : il faut gérer des flux. Et dans une organisation le temps est mesuré au flux des visiteurs, non à leur hypothétique et inégal besoin d’accompagnement. En outre, les bibliothèques s’inscrivent volontairement dans une conception d’égalité du service public qui rechigne à dépenser du temps pour un individu au détriment des autres.
- la seconde tient à une révérence inconsciente aux documents proposés. Le bibliothécaire ne serait qu’un orienteur au sein de la collection qu’il a patiemment et savamment sélectionnée, actualisée et mise en ordre. Cette révérence intègre les circuits reconnus d’appropriation de ces collections : par exemple, il faut prêter ! Je renvoie au remarquable billet de Xavier Galaup préoccupé par le cantonnement des ‘discothèques’ à l’activité de prêt de ‘galettes’; l’existence même de ces services serait mise en péril par le téléchargement de musique (comme si l’activité fondamentale des espaces musique était … de prêter des supports
)
- La troisième piste tient peut-être à une longue tradition française d’une conception des agents publics : le fonctionnaire est éminemment remplaçable et n’a pas à s’exposer (à tous les sens du terme), il est au service d’une administration et n’a pas à exprimer sa personnalité, etc. Sans compter que l’éminente « remplacabilité théorique » (?) du fonctionnaire le conduit davantage à s’inscrire dans des processus collectifs dépersonnalisés qu’à assumer ouvertement sa compétence personnelle au service des publics qu’il sert. Allons, soyons honnête : disons que l’organisation même des services encourage souvent cette attitude plus qu’elle n’est revendiquée par les agents…
Alors, dans ce contexte, poser la question d’un service explicite « empruntez un bibliothécaire » me semble pertinente. Non pour nier la valeur des services de référence recevant sur rendez-vous (quand il en existe), ni celle des services d’orientation au champ pré-défini (car il en existe), mais pour reconnaitre au coeur de l’organisation des services, dans leur dimension la plus triviale (les temps de travail, la répartition des tâches, les temps de rendez-vous, etc. ), à la fois l’acceptation et la reconnaissance des besoins -exprimés individuellement- des personnes qui composent notre public (besoins par nature imprévisibles, même s’il concernent le champ vaste de l’information), et les richesses incomparables de nos nouvelles ressources documentaires exclusives à l’heure du savoir explosé et inflationniste : les bibliothécaires eux-mêmes (champs individuels de compétences, trajectoires personnelles d’acquisition de connaissance et de savoir-faire,…).
Il faut s’en convaincre : plus l’information sera abondante et accessible aisément, plus les bibliothécaires seront irremplaçables. Encore faut-il oser inscrire cette nécessité dans des services explicitement construits sur cette richesse totalement individuelle. Non ?
Complètement d’accord, mais je n’opposerai pas comme tu le fait « l’opportunité technologique de mise en œuvre de portails thématiques sophistiqués autorise davantage l’exacerbation de la production de contenus soigneusement ciblés, qu’elle n’encourage l’exposition des bibliothécaires à la diversité des interrogations des publics concernés… » Il me semble que l’on est jamais aussi efficace en terme de recherche documentaire, en tant que bibliothécaire, que lorsqu’on se confronte à des contenus. (mais je prêche un convaincu hein) les moyens techniques permettent de faire ça a grande échelle. Pas d’opposition donc me semble-t-il, mais encore faut-il que la politique de service soit clairement orientée dans un sens et non pas seulement c’est vrai en termes de production de contenus mais avec ceux de médiation avec les publics. Ce n’est pas toujours facile de bien faire comprendre cette double articulation. Il est plus facile de faire produire des contenus à des bibliothécaires que de leur apprendre à bien renseigner les publics…de manière individuelle qui plus est. D’autant que la problématique de l’accueil me semble très peu abordée : comment former à un bon accueil, comment capitaliser les réponses faites aux publics pour être efficace ? Je sais bien que des solutions existent, mais elles ne me semblent pas appliquées à grande échelle.
Commentaire par Bibliobsession — mercredi 11 février 2009 @ mercredi 11 février 2009
Bonjour. Ce que vous appelez (après d’autres, apparemment) le « prêt de bibliothécaires » et que vous présentez comme une démarche « pittoresque et surprenante » existe en France depuis toujours : ça s’appelle l’amour du métier (chez les bibliothécaires par vocation), ou encore la conscience professionnelle (chez ceux qui exercent avant tout pour gagner leur pain mais sérieusement). Les mêmes ne font pas tout un plat de faire dignement et correctement leur métier. Est-il utile de se tourner vers les Etats-Unis (La Mecque des modernisateurs) pour réinventer l’eau chaude ?
Toutefois, le fait que les modernisateurs (re)découvrent les valeurs et les pratiques du métier qu’ils ont opiniâtrement galvaudées, me semble remarquable par l’auto-critique induite. Qu’est-ce à dire ? Le fait de recevoir comme une révélation le énième gimmick inventé par les experts étatsuniens en « marketing des bibliothèques » signifie que le « modèle » de bibliothèque que les modernisateurs ont promu et défendu mordicus contre la « résistance » et les « tabous » des crétins nostalgiques, les vieux de la vieille toujours à déplorer un passé révolu, ce modèle construit à l’image du supermarché apparaît, de leur propre aveu, obsolète. Tout à coup, on découvre qu’une bibliothèque, ce n’est pas une galerie marchande « gérée » par des « gestionnaires de stocks » et des agents d’ambiance ; c’est avant tout des gens qui savent (les bibliothécaires) et qui savent écouter (les mêmes) – ce qu’elle avait toujours été. Grande découverte !
Peut-on espérer que cette prise de conscience (si c’en est une) débouche sur une critique radicale de l’idéologie modernisatrice et qu’elle entraîne des changements notables (je pense, entre autres, au contenu des « formations », phagocytées par le management et autres conneries à la mode étatsunienne, là encore) ?
Aimable
Commentaire par Aimable — mercredi 11 février 2009 @ mercredi 11 février 2009
L’emprunt du bibliothécaire me parait particulièrement pertinente dans les BU où, après avoir observé effectivement les usages des enseignants-chercheurs, je suis chaque jour confrontée à notre difficulté à rendre lisible pour ce public spécifique notre offre documentaire électronique pléthorique mais non moins de qualité ! Et que dire de notre difficulté à nous proposer comme formateur pour ces nouveaux outils.
Car, il faut bien le dire, si, comme le souligne fort précautionneusement Bertrand Calenge, la « remplacabilité théorique » a sans doute gagné les âmes, un autre poids pèse lourdement dans nos consciences de bibliothécaires : nous ne sommes pas enseignant-chercheur ! Alors de là à imaginer une seconde de proposer à ces respectueux collègues de les former sur des outils relevant de près ou de plus loin de leur spécialité disciplinaire…Sans compter, et pardonnez-moi pour ce que certains pourraient peut-être prendre pour de la provocation, que cette course effrénée dans l’univers électronique devrait nous obliger chaque jour à nous auto-former.
Et pourtant, en me portant volontaire pour participer à la formation C2i des étudiants de mon université, plus encore, en acceptant d’assurer la formation d’étudiants de Master de Lettres à la méthodologie de la recherche documentaire, j’ai pu constater que ces interventions dépassent très largement le cadre habituel de la formation des usagers. Car, je ne suis plus alors uniquement dans la formation à l’outil mais bien dans la recherche collaborative de l’information. Et de fait la demande individuelle se fait alors plus pressante et plus précise et gagne…les enseignants-chercheurs.
Bien sûr cela peut impliquer d’accepter de se déraciner pour aborder d’autres territoires géographiques et symboliques : quitter celui de la bibliothèque pour celui de la salle de cours ou du bureau de l’enseignant-chercheur, quitter celui de la base de données pour celui des archives ouvertes, quitter celui du « je trouve pour vous » pour celui du « je cherche avec vous « , etc.
Mais cela peut aussi induire d’accepter une autre dimension symbolique : rendre public et visible ce service et peut-être même en faire l’enjeu premier (et vital ?)pour les SCD à l’heure de la LRU ?
Commentaire par Laurence Bourget-Messin — mercredi 11 février 2009 @ mercredi 11 février 2009
J’apprécie beaucoup les commentaires qui précèdent le mien, mais il me semble qu’il exite un PARTAGEZ un(e) bibliothécaire , car dans nos campagneS, on a d’abord crée les bibliobus si utiles; mais dans ces (plus très)nouvelles structures que sont les communautés de communes , on propose des postes de bibliothécaires qui se partagent entre plusieurs bibliothèques pour faire de mini-permanences dans les différents établissements .A priori , cela parait normal puisque les communes doivent certainement se partager la charge de la rémunération. Cela l’est moins pour le(la) bibliothécaire, car il doit être frustrant de passer quatre heures ici, trois heures là, et de faire du travail constructf avec les habitants.
Commentaire par Lefebvre — mercredi 11 février 2009 @ mercredi 11 février 2009
Bonjour
« (”Borrow a librarian“) et en ont apprécié la dimension disons… pittoresque et surprenante ! Mais, comme le souligne JC Brochard, on n’en connaît pas d’épigones en France. Pourquoi ? »
Mais parce que nous cherchons l’autonomie de nos usagers. 🙂
Et nous avons la notion de remplaçabilité. Le fait d’être remplaçable.
N’est-ce pas déjà contenu dans le mot fonctionnaire : quelqu’un qui assure une fonction.
Certes, tout le monde peut assurer une fonction, mais sans doute pas de la même façon, ni avec les mêmes centres d’intérêt suivant les étapes de sa propre vie… et même de la journée ! On est sans doute plus accueillant bien reposé le matin que le soir à la fermeture lorsqu’il s’agit d’attraper le dernier train/métro/bus.
Assurer une fonction, c’est aussi se mettre au niveau des autres collègues. Sinon, on n’assure plus une fonction mais bel et bien un plus fonctionnel… et les collègues qui n’en disposent pas sont obligés de jongler avec deux positions : je ne sais pas… ou mon collègue ne revient pas avant X heures.
Dans les deux cas, l’usager ressent une baisse de service.
Et quand il s’agit d’emprunter un bibliothécaire, j’aimerais savoir si on emprunte :
– Un catégorie C
– Un catégorie C++
– Un catégorie B
– Un catégorie B++
– Un catégorie A
Si on parle bien du même emprunt, et du même service rendu ???
Si on parle bien de pouvoir emprunter le cadre A ou le magasinier, tous deux en service « derrière », ou alors seulement ceux et celles qui sont déjà à disposition du public ?
(Les ++ sont là pour indiquer une personne capable d’assurer un service plus-plus, sans être rémunéré suivant ses capacités réelles. Capacités réelles qui ne dépendent pas seulement d’un diplôme… les passions existent aussi ! Et le sens du contact ne s’enseigne pas en école)
Pour ce qui est des chercheurs (en sciences sociales ou autres, voire même de l’usager), il est certain qu’un suivi de leur demande est plus qu’apprécié. C’est la certitude de ne pas avoir à tout réexpliquer de A à Z. Comme si on parlait à quelqu’un de sourd, voire pire : amnésique.
On en revient toujours à la même équation : la bibliothèque (donc le bibliothécaire) ne prend pas en compte l’usager et ne se souvient pas de lui, dans sa spécificité.
Sauf si l’usager réclame le bibliothécaire qui était si sympathique, suffisamment pour le guider dans sa recherche, pour l’aider à exprimer ses besoins… pour…
Pourtant, c’est là une base du « bon commerce » !
Se souvenir des gens, s’assurer du suivi de leur demande.
S’intéresser vraiment à eux, comme le dit Dale Carnegie dans « Comment se faire des amis. »
C’est là une chose que l’on ne retrouve pas dans les activités d’accompagnement personnel, parce que « l’élève » n’a jamais appris que « le maître » était un ami, ou pouvait le devenir.
Un accompagnant passeur est moins dans ce rôle de maître (maître qui cherche à obtenir des résultats). Peut-être aussi a-t-il plus de temps à offrir et moins de contraintes horaires… ou de flux, suivant les heures. Une question de disponibilité pour des « cours » particuliers ?
« Alors, dans ce contexte, poser la question d’un service explicite “empruntez un bibliothécaire” me semble pertinente. »
Effectivement, car elle renvoie aussi à la connaissance des compétences des bibliothécaires.
Qui connaît quoi dans quel domaine ?
Ce qui devient une collection de compétences. 🙂
Une collection mise / à mettre à disposition des lecteurs, (suivant des horaires définis, pour gérer les flux).
Le/la spécialiste du manga n’est pas celui/celle du hard-rock, comme celui/celle de la presse féminine n’est pas celui/celle de la partie patrimoine.
Mais quel lecteur est au courant que tel ou telle bibliothécaire est acquéreur pour ces domaines précis ?
Déjà quand les lecteurs savent qu’il existe des acquéreurs pour chaque domaine…
Et pourtant, là aussi, on devrait pouvoir accéder à cette connaissance.
Ce qui ferait gagner beaucoup de temps à tout le monde, et éviterait de se renvoyer l’usager, de l’un à l’autre, comme une boule de flipper jusqu’au Tilt !
Problème : où les bibliothécaires peuvent-ils exprimer leurs passions et leurs compétences ? A quel endroit (du site) de la bibliothèque ?
Leur message doit-il être noyé au milieu des commentaires de l’OPAC ? Délivré à quelques-uns lorsqu’ils sont en poste dans les rayonnages ? Et sous quelle forme : orale, écrite ? une simple recommandation ou une tartine… bibliographie de trois pages ?
C’est tout ça qui se cache sous les termes « emprunter un bibliothécaire ».
Sans négliger l’embauche par la suite, et donc la formation.
S’il faut cinquante spécialistes du manga ou du tricot, il faudra bien les former d’une manière ou d’une autre et déployer des modules correspondants.
Autant de points à rajouter sur son CV !
Bien cordialement
Bernard Majour
Commentaire par B. Majour — dimanche 15 février 2009 @ dimanche 15 février 2009
@Bibliobsession
« D’autant que la problématique de l’accueil me semble très peu abordée : comment former à un bon accueil, comment capitaliser les réponses faites aux publics pour être efficace ? Je sais bien que des solutions existent, mais elles ne me semblent pas appliquées à grande échelle. »
A grande échelle = possibilité de récupération des informations par tous
[A grande échelle = formation pour les nouvelles générations (si on pense à long terme)]
La possibilité de récupération des informations par tous est à la base de toute application à grande échelle. (Le Web, ce n’est que ça : pouvoir récupérer de l’information ! l’échanger et la retransmettre si nécessaire.)
En effet, quand tu penses à ce que l’autre va pouvoir récupérer, tu sais ce que tu vas offrir. Parce que tu t’es mis à la place de l’autre, au milieu de ses questionnements, tu peux imaginer sa demande.
Et si tu peux trouver sur un OPAC, bien visible, la case : question pour le bibliothécaire !
Tu sais déjà que l’autre s’est mis à ta place d’usager.
Parce que ça veut dire qu’il a prévu ton retour et le traitement de ta question.
Donc la « récupération » de cette information.
Transférer cette information et la mettre à disposition de tous n’est plus alors qu’un jeu de copier-coller. Voire d’un fichier d’échange si on veut capitaliser ces données avec d’autres collègues afin d’offrir un accueil plus serein et plus « tranquille ».
Quand on dispose de réponses à ses problèmes et à ses préoccupations, on est bien plus disponible pour l’accueil.
Question en suspens : le bibliothécaire est-il échangiste ou préservatif ?
Prêt à se mettre à la place de l’autre, ou à conserver son côté « dragon sur son trésor » ?
C’est à moi, pas touche avec tes doigts sales, grrrr.
Ou, prends tout ce que tu veux, sers-t’en comme tu le souhaites, et n’hésite pas à venir m’en redemander, parce que tes questions, tes remarques sont ma richesse…
Bien cordialement
Bernard Majour
Commentaire par B. Majour — dimanche 15 février 2009 @ dimanche 15 février 2009
[…] pour un devoir ou un exposé, connaître les ficelles de la recherche d’emploi, ‘emprunter un bibliothécaire‘, etc. Expérimenter le savoir est une façon majeure de se l’approprier : […]
Ping par Texte et contexte : (3) Quel texte ? « Bertrand Calenge : carnet de notes — mercredi 15 juillet 2009 @ mercredi 15 juillet 2009
Bonjour,
Au-delà du coup marketing et de la quête de la formule qui fait mouche, je ne vois pas bien la plus-value que vous offrez réellement à vos publics. Il est plutôt faux de dire qu’un tel service n’existe pas ; il a même une longue histoire. Car n’est-il pas question d’un rendez-vous spécialisé ou d’une formation à la carte ? services qui existent de longue date dans la majorité des bibliothèques universitaires de France et de Navarre. Tout ceci est, à mon sens, un simple coup de pub. Or, ce petit coup du pub comporte un problème de réification des personnels. Qu’il s’agisse de « Prêt de bibliothécaire » ou « Emprunter un bibliothécaire », rien n’y change. Vous confondez « être disponible » et « mise à disposition ». Or, une personne est « disponible pour » quelqu’un, et un objet est « à disposition de » quelqu’un.
Et puis, il y a quand même un problème corollaire de mobilisation des agents. Quand croyez-vous que le public des universités fera-t-il le plus appel à un tel service ? Lors des examens ou des vacances, périodes où, justement, le manque de personnel est criant dans les BU.
Au reste, êtes-vous si sûr de pouvoir offrir des compétences assez spécialisées pour répondre aux besoins réels des enseignants-chercheurs, des professeurs et des doctorants ? N’est-il pas beaucoup plus pertinent d’aider les chercheurs, lato sensu, à valoriser leurs recherches ? Par exemple, ainsi qu’il y va à Avignon, en développant les formations sur les archives ouvertes, et en multipliant les incitations à participer à ce projet communautaire d’une recherche accessible et gratuite pour tous.
Je ne peux que constater que vous n’évaluez absolument pas les modalités pratiques d’une telle expérimentation. Je ne pense absolument pas, en outre, que vous répondiez mieux aux besoins réels des publics, mais plutôt que vous cherchez à valoriser vos propres compétences. Par conséquent, vous n’inventez rien et, au contraire, vous versez à la régression. Régression pour les personnels et nouvel autisme vis-à-vis de la demande effective des publics.
Un bibliothécaire et chercheur exclu du prêt !
Commentaire par L1dompté — vendredi 20 novembre 2009 @ vendredi 20 novembre 2009
@ L1dompté,
A titre liminaire, je ne cherche aucunement à valoriser mes propres compétences, bien maigres au regard de nombre de bibliothécaires que je vois arpenter les champs du savoir et de la recherche d’information, mais plutôt à valoriser ces derniers.
Sur le fond, je crois que vous faites 2 confusions :
– la première tient au public destinataire d’un tel appel public. C’est, vous vous en doutez, davantage le public égaré ou, pour me placer dans le milieu académique au sein duquel vous vous situez visiblement, plus l’étudiant débutant ou balbutiant sur ses premiers mémoires, lequel n’a parfois (pas toujours !) pour seule ressource que le tutoriel en ligne ou les séances programmées pour sa promotion : en lui offrant cette opportunité d’appui personnel (évidemment dans la limite des forces disponibles), on peut contribuer à résoudre l’interrogation qui le tracasse et l’aider à mieux structurer l’organisation de sa recherche.
Le chercheur, j’en conviens, a besoin de tout autre chose : une mienne collègue, chercheuse et bibliothécaire, notait que dans le cadre des bibliothèques de recherche l’urgence était que les bibliothécaires spécialistes s’affirment au service des chercheurs de leur spécialité, de façon très volontaire et personnelle, à leurs côtés, pour leur apporter l’appui de leur expertise de recherche là où ils en avaient besoin. Le processus est différent, mais n’est-ce pas somme toute la même démarche ?
– la seconde porte sur la réification des personnes. Cet argument me fatigue d’autant plus que je l’entends répéter chaque fois qu’on propose un service qui se veut un tant soit peu personnalisé (sourire même quand on n’en a pas envie, ne pas juger la question avant d’essayer d’apporter la réponse, etc.). Le bibliothécaire apprécie souvent l’ombre, qui lui permet de jouir tranquillement du savoir réel qu’il a acquis à manipuler, traiter, rechercher, découvrir des pans de savoir. Sauf qu’il n’est pas payé pour jouir de son savoir, mais pour le faire partager : ça ne peut pas s’organiser fonctionnellement – bien entendu hors de toute propension productiviste ! – sans que ça soit jugé dégradant ? Décidément, nous n’avons pas la même conception de notre métier commun… Être « mis à disposition », qu’est-ce que c’est ? je le suis fonctionnellement auprès d’une collectivité territoriale, et je considère que mes compétences le sont auprès d’un demi-million de Lyonnais : suis-je une ‘chose’ ?
Tout cela ne conduit évidemment pas à réfuter ces autres indispensables initiatives que vous citez, par exemple en « multipliant les incitations à participer à ce projet communautaire d’une recherche accessible et gratuite pour tous », ou en « valorisant leurs recherches », au contraire ! Mais où ai-je écrit que ceci devait tuer cela ?!
Commentaire par bcalenge — vendredi 20 novembre 2009 @ vendredi 20 novembre 2009
Très cher,
Puisque je suis confus d’après vous, je vais éclaircir un point avec vous. Vous me reprocher de me tromper de cible ou de public. Or, j’ai ciblé les deux types de publics les plus concernés par un tel dispositif, tout comme vous le faites dans vos propres mots ensuite. Si je me trompe de cible, je crois que je ne suis pas le seul.
Autre chose, j’ai préjugé en effet de votre compréhension. J’ai pourtant dit que le service en lui-même ne faisait pas problème, du fait qu’il existe de longue date. Où me suis-je mal exprimé ? Le problème, c’est la dénomination. Je pensais que vous le comprendriez.
Et puisque la critique vous fatigue, sachez qu’il est extrêmement exténuant d’échanger avec des interlocuteurs qui, si persuadés de leur modernité, pratique la ringardisation des autres, au seul chef qu’ils n’ont aucun argument véritable à proposer. De quel droit dites-vous que j’essaie de me « cacher » ? De quel droit affirmez-vous que je ne fait pas profiter de mon savoir ? Je n’accepte pas d’être associé à une dénomination qui me pose un problème moral. En ai-je le droit ? Ai-je le droit de ne pas trouver votre idée géniale ?
L1dompté
Commentaire par L1dompté — samedi 21 novembre 2009 @ samedi 21 novembre 2009
Nous nous sommes lancés :http://www.mediatheque-beziers-agglo.org/Typo3/index.php?id=7
Commentaire par Germa Arlette Médiathèque André Malraux Béziers — mercredi 23 janvier 2013 @ mercredi 23 janvier 2013
Cinq ans après cet article, les exemples français restent peu nombreux si j’en juge par la page de réponse de Google :
– Une expérience à Reims en 2010 dont on ne sait pas si elle a été reconduite (http://bibliothequepublic.blogspot.fr/2010/01/emprunter-un-bibliothecaire-cest.html)
et plusieurs liens morts, comme à Epinal par exemple. Les formulaires d’inscription sont en revanche toujours actifs à
– L’université d’Artois (http://portail-bu.univ-artois.fr/medias/medias.aspx?INSTANCE=exploitation&PORTAL_ID=services_emprunter_un_bibliothecaire.xml)
– la médiathèque de Bézier (http://www.mediatheque-beziers-agglo.org/EXPLOITATION/Default/formulaire-empruntez.aspx)
Commentaire par Franck Infodocbib — mercredi 16 avril 2014 @ mercredi 16 avril 2014
C’est vrai, Frank, je l’ai constaté depuis. Je n’arrive pas à discerner les obstacles : difficultés d’organisation ? Fausse bonne idée ? Réticences des acteurs professionnels ?
Il me semble qu’il existe une appréhension perpétuelle de débordement (associée à une crainte d’incompétence imaginée ?). Sur le fond, il me semble surtout qu’on ne peut pas lancer de tels services très « impliquants » juste par-dessus les contraintes des tâches quotidiennes. Je subodore qu’il faut revoir les profils de postes, pour les tourner prioritairement vers la médiation…
Commentaire par bcalenge — jeudi 17 avril 2014 @ jeudi 17 avril 2014