Bertrand Calenge : carnet de notes

samedi 21 février 2015

Les bibliothécaires médiateurs, justement….

Filed under: Non classé — bcalenge @ samedi 21 février 2015

Dans mon dernier billet, j’évoquais la « tension » entre deux facettes du métier de bibliothécaire aujourd’hui : le bibliothécaire de données et le bibliothécaire médiateur de savoirs. J’espère avoir bien expliqué que ces deux facettes devaient se considérer comme indissociables, et je pressens que le devenir de ces experts des données nourrit bien des espoirs. Néanmoins, j’avoue ma compétence limitée dans ce domaine, et c’est avec conviction que j’ai choisi de me tourner vers la facette médiatrice pour produire un petit livre qui vient de sortir aux éditions du Cercle de la Librairie :

mediation_couv

 

Pourquoi se pencher sur cette évidence d’une médiation des connaissances ? J’avoue que les raisons en sont toutes personnelles :

  • Si le défi posé par l’émergence du traitement des données est scientifiquement majeur et intéresse tous les milieux de la recherche (comme d’ailleurs toutes les sociétés privées « tritureuses » de données, pour leur plus grand bénéfice), je reste culturellement attaché au défi posé par la plus grande partie de la population, attentive à découvrir, apprendre, savoir, s’en tirer, tracer son semblant de route, se repérer, échanger, partager, comprendre…… Face à ces personnes, la technicité du traitement des données est – pour parler médicalement – un traitement de seconde intention. Ce dont ils ont besoin, c’est de cette médecine généraliste – voire d’urgence -, parfois mâtinée de spécialistes, qui saura avant tout les écouter et les accompagner.
  • Le terme de médiation est de plus en plus galvaudé, et on le trouve mis à toutes les sauces – sociale, juridique, diplomatique, etc. J’ai voulu replacer cela dans le contexte particulier des bibliothécaires, pour lesquels la transmission des savoirs est un impératif premier. Même et surtout s’il ne se limite pas à communiquer des livres ou autres documents. Peut-être une façon de chercher à identifier un fondamental de ce métier ?
  • Dans le galvaudage de la médiation, je relève en particulier la tendance singulière à vouloir faire de techniques, plugins et autres dispositifs techniques  des outils majeurs de médiation. Et là je m’insurge : non, ces techniques ne sont pas médiatrices par elles-mêmes, ce sont juste des outils possibles pour une médiation, comme le sont des rayonnages, des ateliers, ou toute autre façon d’amener les bibliothécaires à rencontrer leurs publics, ou les publics à se croiser et échanger voire produire ensemble.
  • Justement, la technique est un vice très bibliothécaire, comme les procédures et les méthodes-clés-en-mains. Et il me semble qu’au-delà de toutes les procédures normées et les dispositifs techniques, le plus important est de partir à la rencontre de tous ces publics, pour inventer à leurs côtés les meilleurs moyens d’apprendre et de partager des savoirs. Certes, cela ne se fait pas de façon spontanée (il faut singulièrement faire évoluer le mode de fonctionnement de la bibliothèque), mais il est important de laisser de la place à l’imagination, aux expériences, à l’éphémère…

Au fond, je suis persuadé que si les bibliothèques doivent toujours s’appuyer sur la généalogie de leurs collections (indispensable à la construction de citoyens conscients de la société dans laquelle ils vivent), elles doivent parier d’abord sur l’intelligence de leurs bibliothécaires pour s’ouvrir à tous les débats, se colleter à toutes les interrogations (et Dieu sait que ces dernières semaines n’en sont pas avares !), s’aventurer dans la promotions des échanges, des questionnements, et se lancer dans l’arène des débats. Les flux numériques comme les évolutions des usages et attentes conduisent à engager les politiques documentaires, comme les politiques de services ou les politiques culturelles, dans cette direction, qui n’est pas tant nouvelle que devenue essentielle.

Je ne propose pas de méthodes éprouvées, de normes , de techniques. Juste un ouvrage de conviction que j’espère voir partagé-er.

A vous de voir….

4 commentaires »

  1. Laborantin du web depuis 1999, je pense que l’on ne peut plus distinguer le bibliothécaire de données et le bibliothécaire médiateur de savoirs.
    A l’heure de la dématérialisation, il n’y a plus de limite à démultiplier les accès. Il convient juste de les penser en fonction de chaque médiation. La première pierre étant d’améliorer la structuration des données.

    Par exemple pour un amateur de roman policier, on doit pouvoir lui fournir une réponse à des questions aussi variées que
    – je cherche des nouveautés
    – je cherche les policiers les plus lus
    – je cherche les conseils des bibliothécaires
    – je souhaiterais connaître les avis des lecteurs sur le web
    – je pars à San Francisco et je voudrais visualiser sur une carte ce qu’on dit les auteurs de cette ville et accéder ensuite aux livres
    – j’aimerais visualiser toute la production de film noir via une timeline
    – je cherche les associations et les festivals dédiés au genre dans ma région

    Pour info : je viens de relancer un blog dédié au libre accès en bibliothèque et en librairie à l’heure de la dématérialisation : http://www.bibliosurf.com

    Commentaire par BS — samedi 21 février 2015 @ samedi 21 février 2015

  2. Bonjour BS (Bernard, j’imagine ?),
    Même si je suis d’accord avec le fait d’affirmer qu’on ne peut pas séparer le médiateur du bibliothécaire de données, force est de constater que les deux activités ne se recoupent que partiellement : certes, le médiateur doit connaitre toutes les possibilités et subtilités des données, mais il passe son temps avec le public. Le bibliothécaire de données est au fond un soutier qui nettoie, structure, organise : c’est grâce à lui que le médiateur pourra opérer nombre de ses médiations, mais il n’est qu’indirectement dans la médiation directe. Son truc, ce serait plutôt le dispositif technique….

    Commentaire par bcalenge — dimanche 22 février 2015 @ dimanche 22 février 2015

  3. D’abord sur Bibliosurf, et ensuite sur Feedbooks, j’ai compris l’importance de structurer et d’enrichir un catalogue afin d’effectuer ensuite effectuer la médiation la plus appropriée.

    Jusqu’à il y a un temps, le bibliothécaire-médiateur arrivait à remplir les différentes tâches de ce que l’on appelait alors le « circuit du document ». Il est possible qu’à l’heure de la dématérialisation et des bibliothèques hybrides, cela ne soit plus possible. Je trouverais alors cela dommage.

    Commentaire par BS (Bernard effectivement) — lundi 23 février 2015 @ lundi 23 février 2015

  4. Entièrement d’accord sur le fait que la technique ne doit pas remplacer l’action même de médiation. Dans la médiation numérique par exemple, on pense bien beaucoup Interfaces Web, réseaux sociaux, data (big, open …) et on dissèque moins la pédagogie et les projets avec les publics (même si des journées pro permettent des retours d’expérience).

    Exemple avec ce colloque sur la question à Zagreb en 2013 où Twitter est analysé comme outil de formation à distance. Un petit coup au sommaire : http://catalogue.bm-lyon.fr/?fn=ViewNotice&Style=Portal3&q=2229742

    Rematérialiser, pratiquer, échanger, rendre visible en bibliothèque à un public curieux ou qui ne pose pas de questions, c’est tout de même un beau métier !

    Commentaire par Carole — mercredi 25 février 2015 @ mercredi 25 février 2015


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