Bertrand Calenge : carnet de notes

dimanche 7 avril 2013

Actualité de S.R. Ranganathan

Filed under: Non classé — bcalenge @ dimanche 7 avril 2013

Récemment consterné par (l’inculture de jeunes collègues quant à l’histoire de : corrigé, voir commentaires) l’absence de références historiques sur la bibliothéconomie de la part de jeunes collègues (les bibliothécaires n’ont pas d’histoire alors qu’ils doivent maitriser la mémoire, quel paradoxe !! Tout au plus ont-ils un mythe, celui d’Alexandrie…), je choisis de rendre hommage aujourd’hui à un maitre toujours actuel, S.R. Ranganathan, mort il y a à peine plus de 40 ans.

Shiyaly Ramamrita Ranganathan (1892-1972) est un bibliothécaire indien. Pour un aperçu rapide de sa biographie, voyez ici, pour aller plus loin dans ses idées et les concepts qu’il a développé, il y a cet article de Marie-France Blanquet, ou plus ancien cet article d’Eric de Grolier à l’occasion de la mort de Ranganathan.

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Ce n’est pas le lieu de relater tous les travaux de ce grand bibliothécaire. Rappelons le caractère visionnaire de la classification « à facettes » qu’il a créée, dite classification de Colon. Si sa structure a été peu appliquée dans les collections des bibliothèques, l’arrivée du numérique en a montré le caractère prémonitoire, tant le web sémantique s’inspire d’un principe de classification à facettes, et tant la plasticité des classifications même ‘traditionnelles’ trouve une nouvelle jeunesse sous cette approche.

Une autre approche continue d’être vivante : ce sont les cinq lois de la bibliothéconomie, qu’il a édictées en 1933 :

  1. Les livres sont faits pour être utilisés
  2. À chaque lecteur son livre
  3. À chaque livre son lecteur
  4. Épargnons le temps du lecteur
  5. Une bibliothèque est un organisme en développement

Bien sûr, Ranganathan écrivait en 1933, où le livre était le vecteur essentiel de transmission de la connaissance. A l’heure où le numérique joue aussi sa partie (et combien !), il suffit de remplacer ‘livre’ par ‘savoir’ – au sens de savoir documenté – pour juger de la pertinence toujours actuelle de ces cinq lois :

  1. Les savoirs sont faits pour être utilisés : l’activité du bibliothécaire ne se comprend que dans son exigence de  partage social, en dehors de toute sacralisation.
  2. À chaque lecteur son savoir : il est indispensable de repérer les besoins cognitifs adéquats à l’utilisateur singulier que l’on sert.
  3. À chaque savoir son lecteur : tout savoir est utilisable, au bibliothécaire de partir en quête des utilisateurs auquel ce savoir sera utile.
  4. Épargnons le temps du lecteur : le bibliothécaire vit sous la pression du « just on time », car l’utilisateur est premier.
  5. Une bibliothèque est un organisme en développement : la bibliothèque est plastique, se modifie et se renouvelle sans cesse, « vit » tel un organisme en symbiose avec sa communauté.

Ces exigences continuent de guider les bibliothécaires. J’avais d’ailleurs trouvé une discussion intéressante sur Linkedin, sur la toujours vivante actualité de Ranganathan, et en quoi il continuait d’être une présence nécessaire.
Il est quelquefois bon de connaitre son arbre généalogique…

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6 commentaires »

  1. 1) Ce qui fait d’Alexandrie un mythe c’est l’inexistence de preuves quant à son existence, si l’on peut dire. Mais c’est surtout un symbole, à deux niveaux : un travail collectif quasiment planétaire visant à rassembler dans un même lieu l’ensemble du savoir universel. Et d’autre part sa destruction, donc sa fragilité. Internet, tout aussi mythique à ce niveau, rend aujourd’hui celui d’Alexandrie plus présent que jamais. Une profession, mème inculte comme vous vous plaisez souvent à la stigmatiser, a aussi besoin de symboles, plus fédérateurs en tous cas que Ranganathan. Ou que Dewey, pourquoi pas..Laissez donc les « jeunes incultes » choisir leur généalogie.

    2) Les cinq lois que vous rappelez, si l’on fait l’effort de les conserver en leur état originel au lieu de les adapter comme vous le faites pour mieux servir votre propos, sont finalement à la fois d’une grande vérité mais aussi très d’une grande banalité. On dirait du Pennac….en moins bien.

    3) Où avez-vous donc vu que nous devions « maitriser la mémoire » ?

    Commentaire par Hervé — lundi 15 avril 2013 @ lundi 15 avril 2013

  2. @ Hervé,

    1) Je n’ai émis aucun commentaire négatif sur Alexandrie, qui appartient à l’Histoire autant qu’au mythe. En revanche, je regrette l’inexactitude vexante que j’ai commise en parlant d’inculture. J’aurais du écrire « absence de références historiques sur la bibliothéconomie » (et je m’en vais changer cela de ce pas). Je ne crois pas avoir souvent dénoncé une « profession inculte », ce que ne sont en général pas les bibliothécaires ;

    2) Sur les cinq lois, je disconviens. D’une part dans leur état originel – comme vous dites – elles représentaient une double révolution : poser le lecteur comme argument fondateur de la constitution d’une collection. D’autre part par l’exigence fonctionnelle qu’elles représentaient. Et ce que vous appelez aujourd’hui banalité n’est pas toujours aussi évident…..

    3) A ma connaissance, le bibliothécaire est collecteur de traces, dont il gère la conservation ou l’oubli, pour les recontextualiser auprès d’une population en fonction de ses besoins. Ce n’est pas gérer la mémoire ?

    Cordialement,

    Commentaire par bcalenge — lundi 15 avril 2013 @ lundi 15 avril 2013

  3. Effectivement, si l’on considère l’approche historique des choses, ces 5 lois ont pu dans les années trente constituer une révolution. Mais alors que de révolutionnaires dont nous pourrions rappeler la mémoire dans notre profession ! (et hors de notre profession, fort heureusement car notre arbre s’est aussi abreuvé à d’autres sources). D’accord aussi pour la gestion d’une mémoire recontextualisée, toutefois je ne gère à ce niveau que ce qui me parvient. Le collecteur est ailleurs, c’est l’historien.

    Cordialement,
    Hervé (58 ans, donc peu concerné par l’allusion aux jeunes collègues. Quant à l’inculture…)

    Commentaire par Hervé — lundi 15 avril 2013 @ lundi 15 avril 2013

  4. Bonjour Bertrand Calange,

    Etant moi-même blogueur (écrivain de blogue), j’ai découvert une astuce que je me permets de vous livrer, afin de vous éviter de surcharger votre texte qui est par ailleurs un très bon texte ; du moins, l’illustration de cet Indien est très bien placée et votre usage des caractères gras est excellente. Mais je voulais vous dire que lorsque vous avez écrit une phrase et qu’après vous la regrettez parce que vous trouvez que vous avez dit une ânerie, NE BARREZ PAS CETTE PHRASE car on arrive toujours à la lire en dépit de la biffure ! Personnellement, quand ça m’arrive, j’utilise la touche SUPPR du clavier d’ordinateur, c’est beaucoup plus efficace, personne ne voit mes corrections et ma réputation n’en pâtit pas. Vous savez qu’aujourd’hui il faut faire très attention à son identité numérique !
    Cette touche est en général sertie près de la grosse qui s’appelle ENTREE. Bon, après, la meilleure solution c’est bien sûr de ne pas dire d’ânerie mais ce n’est pas toujours facile j’avoue, enfin je pense.

    Sinon, tant que j’en suis aux remarques confraternelles, votre bannière avec le stylo bille est très sympa car on sent tout de suite le gars qui réfléchit tout le temps, qui a des idées sans arrêt et qui les note sur des petits bouts de papier ou au dos de photocopies inutiles, ça met dans l’ambiance. Par contre, si j’avais été vous, je n’aurais pas choisi un stylo bille à encre rouge, ça fait trop correcteur, trop le monsieur je-sais-tout qui donne de sleçons à tout le monde, ce qui à mon avis est très éloigné de votre démarche à l’évidence humble et encline au partage entre professionnels.

    Bien à vous et au plaisir d’un nouveau billet…sans ratures hein 😉
    Mp

    Commentaire par Mister Pamp — dimanche 21 avril 2013 @ dimanche 21 avril 2013

  5. @ Mp,
    Merci pour votre humour (tiens, je n’avais jamais remarqué qu’il s’agissait d’un stylo bille rouge !…)
    Merci pour la leçon de clavier ( 😉 ) . Ma biffure est de l’honnêteté intellectuelle : ma phrase initiale avait appelé un commentaire qui m’avait donné à réfléchir. J’ai donc corrigé » en laissant (rayée) la phrase initiale, sans quoi :
    – ou cela aurait été désobligeant pour le commentateur, dont le texte serait devenu non pertinent
    – ou il m’aurait fallu supprimer le dit commentaire, qui était plutôt bienvenu.
    Mais rassurez-vous : je connaissais la touche SUPPR !!!
    Quant à ma réputation, vous savez………………

    Cordialement,

    Commentaire par bcalenge — dimanche 21 avril 2013 @ dimanche 21 avril 2013

  6. […] les atmosphères mélancoliques de Jon Brion qui soutiennent dictent (tiens, je fais comme Bertrand Calange) les fréquentes émotions auxquelles nous convient toutes les scènes de ce film. Non, parce que […]

    Ping par My mother was a library stone | NOTORIOUS BIB — jeudi 25 avril 2013 @ jeudi 25 avril 2013


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