Bertrand Calenge : carnet de notes

samedi 11 février 2012

Des publics utilisateurs aux publics collaborateurs : une fausse bonne idée ?

Filed under: Non classé — bcalenge @ samedi 11 février 2012

Coup sur coup, j’ai lu deux billets qui n’ont rien à voir et pourtant aboutissent au même constat :
– un billet de Des bibliothèques 2.0. qui fait le point sur la décevante participation des utilisateurs à l’enrichissement des notices du catalogue de la bibliothèque de Toulouse, pourtant innervées dans le prometteur écosystème de Babelio : de 243 critiques de lecteurs recensées en 2010 – pour  95 341 notices bénéficiant des enrichissements de Babelio – à 114 en 2011 – pour cette fois-ci 130 565 notices idem.
– un autre billet de Bibliothèques [reloaded] soulignant, avec beaucoup de culpabilité, que l’appel à rédaction collaborative du projet d’établissement de l’ABES n’avait obtenu que moins de 10 contributions en ligne, alors que cette fois-ci les professionnels dument concernés et avertis auraient pu (du ?) se précipiter au portillon.smileys Forum

Ces exemples récents rejoignent des constats antérieurs :
– Lionel Dujol, dans un billet faisant rapidement le bilan de plusieurs expériences de catalogues ouverts à la contribution publique, constatait l’extrême maigreur du nombre de ces contributions ;
– le groupe Poldoc avait engagé le chantier d’un Wikipoldoc – décédé depuis : désolé de ne pouvoir fournir un lien valide ! smileys Forum– qui aurait pu réunir de façon très ouverte les textes, listes, sources et recommandations de bibliothécaires souhaitant mutualiser leur travail. Las, deux années plus tard, les idéalistes initiateurs (dont j’étais) ont du faire fermer le site, accablés sous des tonnes de spams plus que par les deux ou trois (plutôt deux que trois !) contributions constructives qui avaient pu émerger.

Les ambitions « co-constructives » émergent au carrefour de deux injonctions différentes voire contradictoires : l’urgence, adressée aux institutions publiques, d’accroitre leur proximité avec leurs utilisateurs, afin d’asseoir leur légitimité en respectant les contraintes et objectifs de leur fonction sociale voire administrative ;  et par ailleurs l’ambition d’aboutir à une situation dont rêve tout bibliothécaire, la symbiose de l’institution – et plus encore de ses acteurs – avec les publics qu’elle est appelée à servir.
L’ambiguité réside dans une lecture simplifiée de cette double injonction : le « je est nous »  ainsi affirmé, totalement défendable sur le plan théorique, conduit à mêler sur des plans indistincts le téléologique et le contingent, la politique publique et le projet social, le serviteur et le servi.

Wikipedia : l’arbre qui cache la forêt

Wikipedia est pour beaucoup de promoteurs de la collaboration ou de la co-construction le fondement – parfois impensé – du projet voire de l’action. Le succès extraordinaire de cette encyclopédie collective peut faire rêver moult personnes intéressées par une entreprise de collaboration autour du savoir (d’autres se sont lancés dans l’affaire, comme Groupon de façon plus commerciale !)

Mais Wikipedia dispose de deux avantages constitutifs majeurs :
– il a été conçu et lancé dès les débuts du web grand public (il date de 2001, soit 7 ans après la naissance publique du web et 1 an après la mise en oeuvre du modèle économique de Google) ; ce faisant, il a ‘récupéré’ nombre de bonnes volontés intéressées par ce nouveau champ d’action, et surtout a construit la masse critique de son encyclopédie avant que d’autres sirènes ne viennent le « concurrencer » dans les intérêts potentiels des internautes ;
– il n’existe que par la volonté et l’action de ses contributeurs, sur un projet intellectuel et fonctionnel régi par ces mêmes contributeurs. L’architecture complexe de ses modérateurs, pompiers, etc. ne résulte apparemment que des régulations internes rendues nécessaires par son objectif essentiellement collaboratif, et non par l’injonction d’une administration externe.

Si le support technique du wiki trouve bien des applications dans des entreprises collaboratives (avec nombre d’obstacles ergonomiques du point de vue des contributeurs), notamment dans plusieurs intranets, rien ne vient concurrencer cette entreprise collective de partage des savoirs avec un tel succès dès qu’on parle de production collaborative de savoir largement ouverte à tous.

Co-construction ? Qui fait les plans ?

L’expression de « co-construction des services », popularisée par Xavier Galaup, me laisse perplexe : elle supposerait que l’entreprise bibliothèque souhaite un partage harmonieux des savoirs au sein d’une communauté non seulement comme  finalité mais comme mode de fonctionnement. C’est oublier un peu vite une contingence essentielle : les bibliothèques sont des institutions placées sous l’autorité de pouvoirs publics qui, bien que mus par une même intention de service envers l’intérêt général, en adaptent les modalités à l’aune d’un système prescriptif. La finalité commune est évidente, les modalités de la mise en oeuvre comme de la réception sont beaucoup plus complexes… Le client – si respecté soit-il comme concitoyen – n’est pas un collaborateur, sauf pour les marqueteurs qui possèdent l’art de faire travailler le client afin d’économiser sur des frais de personnel smileys Forum

Osons deux questions idiotes : en quoi le service public de l’éducation laisse-t-il élaborer ses contenus et modalités par les destinataires du service, les élèves et accessoirement leurs parents ? En quoi l’élaboration de la charge commune de l’impôt est-elle laissée aux soins d’une co-construction de la contribution ?
Le deuxième exemple sera balayé d’un revers de main : le système représentatif qui est le nôtre laisse le soin à nos représentants élus d’établir ce débat. Pour le premier cas, la réponse sera plus contournée, mais conduira à des conclusions du même ordre : l’assemblée représentative déléguée fixe les conditions d’exercice d’un exécutif déployé en diverses administrations applicatrices… dont le système scolaire et les bibliothèques !

Parler de co-construction de services passe volontiers outre cet assemblage subtil et complexe de législatif et d’exécutif, pour ne se référer qu’à un idéal « roussalien » de société régi par les seuls individus contractants (l’institution bibliothèque étant en l’espèce magiquement abolie en sa régulation prescriptrice). Sauf que, pour reprendre mes exemples initiaux :
– les catalogues (ô combien normés) sont bel et bien prescrits comme modalité organisée d’exposition des collections, modalité non réglée par les lecteurs eux-mêmes (même si la bibliothèque généreuse consent à laisser apposer des tags – évidemment cantonnés à l’accessoire dans le système bibliographique)
– les appels à contributions pour un projet d’établissement passent sous silence les contraintes administratives et l’étroitesse des marges administratives consenties à un tel exercice

Intérêts constructifs et reconnaissance des pairs…

Et Wikipoldoc, alors ? Nulle prescription administrative ne venait entraver un tel projet !  C’est vrai, même si diverses explications « psycho-administratives » ont été avancées pour expliquer le désintérêt constaté. La seule vraie bonne raison que j’ai personnellement retenu est que nos collègues étaient plus en recherche de solutions ( donc en situation de consommateurs) qu’en capacité d’exposer leurs outils et procédures (justement en élaboration tâtonnante). Première leçon, déjà méditée par les épigones déçus de Lénine : l’avant-garde (ou qui se croit telle) est moins proche des masses qu’elle se l’imagine !!smileys Forum

Restons donc modestes. Qu’est-ce qui pourrait marcher en matière de collaboration constructive de services ou de savoir ? L’argument qui voudrait que « les lecteurs ont tout intérêt à partager leurs points de vue » cache en fait une revendication beaucoup plus pragmatique : « les lecteurs ont envie de trouver des infos à la fois  fiables et conniventes ». la collaboration constructive est affaire d’intérêt non seulement pour le résultat (des commentaires, des services,…) mais surtout pour l’entreprise de construction elle-même. Ce qui réduit considérablement le champ des possibles coopérateurs et oblige à :

  • identifier des objets singuliers qui vivront par une micro-communauté plutôt que par « le grand public ». A condition bien sûr d’avoir décelé les entrepreneurs possibles
  • considérer les co-entrepreneurs comme des pairs : mettre en valeur leur contribution, offrir des services associés (forums d’échanges, soirées exclusives avec conférences-débats, etc.), garantir une restitution privilégiée des événements majeurs rythmant la vie de l’ouvrage collectif, etc.
De ce point de vue, je trouve intéressantes certaines  entreprises de correction collaborative sur des documents océrisés (voyez par exemple le site Citizen archivist des Archives nationales des Etats-Unis), ou des projets actifs comme Photographes en Rhône-Alpes (qui au bout d’un an d’existence présente plus de 4 000 photos de contributeurs aux côtés de 10 000 photos possédées par la BmL – ce qui a été rendu possible par la conjonction de multiples actions : offre d’ateliers photographiques, signalement des contributeurs, expositions proposées aux plus talentueux, concours appuyé par le journal local, …).
La force d’un projet d’intérêt public
Les exemples cités ne le sont pas par hasard : ils sont générés par l’ambition de construire une oeuvre d’intérêt public, et ont un réel besoin des contributeurs intéressés à ce projet pour réussir. Les deux termes sont essentiels : le premier abolit la vague espérance d’une participation consensuelle de tout un chacun à un simple espace d’expression ; le second impose l’existence de collaborateurs actif pour réussir l’entreprise. Très modestement, nombre de cantines scolaires sont ainsi prises en charge par les parents eux-mêmes…
Dans tous les cas, la pierre de touche est la déclaration d’un tel intérêt public : à la bibliothèque le soin de proposer à sa tutelle la validation d’un projet utile à la collectivité.
A elle aussi le soin de savoir s’effacer devant les contributeurs,  les valoriser, leur rendre compte, étudier avec eux les évolutions nécessaires, …
Sans cela, la collaboration est à mon avis seulement un vague prurit moderniste.
J’exagère ?
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10 commentaires »

  1. Bonsoir
    Quelques remarques :
    – plutôt que de s’émerveiller tout seul devant des concepts (dans le meilleur des cas) ou des mots vides (plus souvent, ou inutiles) beaucoup des grands penseur de la profession devraient plutôt réfléchir (ce que vous faites, et bien),
    – pour les projets collaboratifs (c’est de cela qu’il s’agit) il faut Ue les contributeurs aient un intérêt à contribuer : or, l’intérêt des bibliothèques, c’est qu’on y trouve des livres (ça, c’est pour 80 à 90% des vrais gens), pas d’y laisser de mots clés ou de contribuer à la co construction de je ne sais quoi d’intéressant uniquement pour le bibliothécaire qui en a eu l’idée !

    Dans le prochain billet, pourquoi ne pas revenir sur les 3ème lieu, les jeux, ou encore le lieu de vie… Je pense que vous en diriez des choses passionnantes…
    très bonne continuation…
    PV

    Commentaire par PV — samedi 11 février 2012 @ samedi 11 février 2012

  2. la réactivité des publics ou des professionnels : même combat !
    quand on voit le peu de réponses des professionnels lors d’enquêtes (ex. celles pour le bénévolat en bibliothèques publiques, que j’ai faites à l’automne dernier), ou quand on pose une question sur une liste de diffusion, en comparaison avec les taux d’il y a 10-15 ans – et sans être dans la démarche du « c’était mieux avant » -, on s’interroge sur les motivations ou plutôt l’absence de motivation : qui prend encore le temps de réfléchir ? qui lève le nez au-dessus du guidon ? qui prend du recul par rapport à ses pratiques, fait de la prospective ? a une vision politique ?
    est-ce un problème de temps ?
    est-ce une mauvaise évaluation des priorités ?

    Commentaire par mc — dimanche 12 février 2012 @ dimanche 12 février 2012

  3. @mc : Pour le temps d’avant, je ne peux pas en dire grand chose (j’ai la naïveté de me considérer comme encore relativement jeune…). Mais ce que j’observe de moi-même et des autres (tous contextes confondus, incluant le milieu familial et associatif), on est prêt à passer du temps suite à une interpellation personnelle
    (la notion, le niveau du terme « personnel » pourrait mener à bien des nuances, évidemment) qu’à un appel général lancé à l’assemblée.
    Qu’une personne me sollicite et je pourrais lui consacrer 1/2 heure ou 3/4 sans difficulté. Mais si je reçois un simple mail : « merci de répondre à l’enquête », je vais en conclure que d’autres le feront aussi bien (« ce qu’un autre peut faire aussi bien que toi, ne le fais pas », André Gide, Les nourritures terrestres ou à peu près).
    D’où ma suggestion de s’appuyer sur des relais, que la demande passe de sollicitation en sollicitation.
    C’est certainement plus complexe à gérer, mais il me semble qu’avec internet, avec les pratiques en usage aujourd’hui, c’est au moins devenu possible alors que ça ne l’était pas avant.

    (ma remarque n’est par ailleurs nullement une réponse au billet portant sur la question des tags/commentaires dans les opac : nous n’avons pas les mêmes comportements entre professionnels, et en tant que professionnel vis-à-vis d’un public).

    Commentaire par Etienne Cavalié (Lully) — dimanche 12 février 2012 @ dimanche 12 février 2012

  4. Restons donc modestes. Qu’est-ce qui pourrait marcher en matière de collaboration constructive de services ou de savoir ? L’argument qui voudrait que “les lecteurs ont tout intérêt à partager leurs points de vue” cache en fait une revendication beaucoup plus pragmatique : “les lecteurs ont envie de trouver des infos à la fois fiables et conniventes”.

    Projet collaboratif ?

    Pourquoi ai-je participé, un temps, à Wikipedia ?

    – Parce que c’était facile d’accès et anonyme.
    – Parce que ma contribution était prise en compte.
    – Parce qu’il était possible à des rédacteurs ultérieurs de se servir des informations que j’avais laissées.

    J’ai arrêté de participer pour les mêmes raisons.
    – Ce n’est plus aussi facile d’accès, ni anonyme qu’auparavant.
    – Mes contributions ont plus souvent subi un roll-back qu’autre chose.
    – Donc ce que je mettais ne servait à rien.

    Le manque de temps (ou le choix de faire autre chose) n’aide pas non plus.
    Mais les constatations précédents m’ont arrêté. Inutile de perdre son temps.

    Tous les projets collaboratifs qui fonctionnent bien, partent des principes suivants :

    – On constitue un projet collaboratif avec un intérêt commun.
    – Le participant est au même niveau que tous les autres participants (qu’il soit particulier ou de l’établissement) et ce qu’il fait est mis en valeur (et non pas enterré dans une base de données)

    Partant de là, j’aimerais savoir à quel moment un catalogue de bibliothèque représente un quelconque intérêt pour les lecteurs.

    Oui, à quel moment ?

    Dans la bouche des bibliothécaires, on pourrait penser que le catalogue est le Graal des lecteurs, lorsqu’il ne sert qu’à une position basique et binaire : le document est-il là ou pas là, pour 95 % d’entre eux.

    Je ne parle même du fait que la récupération de données est quasi impossible.
    Rien que pour imprimer une liste de consultation, c’est le souk des copier-coller. C’est limité à 10, parfois 20 lignes. Sans oublier que le catalogue finit par rebooter la connexion au bout d’un temps, parfois très court.
    Quant à imaginer récupérer un jour un listing des seules infos qui nous intéressent, autant rêver.

    La bibliothèque n’est pas partageuse sur son catalogue.

    Un catalogue n’est pas un projet collaboratif, c’est une nasse à information.
    Et comme on dispose de beaucoup mieux ailleurs : de véritables communautés de lecteurs, des participants capables de se lancer des défis (cf. blogs de lecteurs), des gens capables de s’échanger des livres, on voit combien est pauvre et minable le catalogue de bibliothèque.

    Si on doit regarder les données proposées, ça ne vaut même strictement rien. On a mieux chez les éditeurs. Même Amazon ou la Fnac propose plus de services.

    Et, en tant que bibliothécaires, pourtant, on continue à remplir des tas de données inutiles, à tour de bras.

    Je crois que la profession n’a pas compris grand chose au Web.

    Où sont les bibliothèques numériques proposées par les bibliothèques ?
    Où sont les documents numériques soigneusement sélectionnés par les bibliothèques ?
    A quel moment accepte-t-on les dons/legs numériques des concitoyens ?
    A quel moment les met-on en valeur ?

    En tant que particulier lecteur, c’est ce que j’attends d’une bibliothèque (et là au moins, on sera sûr, que c’est du légal !) : qu’elle me fournisse du document numérique. Du document numérique original – car choisi, ou écrit -, du document numérique ouvert à tous et un espace où je vais avoir envie/ la possibilité de collaborer, de rajouter, de compléter, de jouer…

    Pas un « truc », où je vais dévoiler mes lectures. Mes lectures sont privées.
    Et je n’ai pas forcément envie de les partager avec tout le monde.

    Pas dans le monde omniprésent de l’espionnage personnel.

    Bien cordialement
    B. Majour

    Commentaire par B. Majour — dimanche 12 février 2012 @ dimanche 12 février 2012

  5. Bonsoir.
    Oui on ne collabore que si on y trouve un intérêt reel ou symbolique. Ça paraît évident, mais on l’oublie trop souvent, en se focalisant sur les outils…

    Cela dit ne deseperons pas…. Une fois ce constat fait, il est possible de mettre en place un marketing de la collaboration. S’appuyer sur des groupes constitués (genealogistes pour les archives…) Ou des segments cibles, valoriser les personnes qui participeront, donner du ‘sens’ à la collaboration…. J’aime bien ce que font les australiens autour du portail trove (ocrisation).

    Il faut aussi développer une pédagogie de la collaboration (peu valorisée au lycée et en prépa, sans doute un peu plus à la fac, mais pas depuis très longtemps). Par exemple la formation des bibs à l’enssib devrait être l’occasion d’enrichir bibliopedia, ou Wikipedia, de manière organisée (travail de groupe autour de pages précises). Et lors de la présentation de gallica, évoquer le partenariat avec wikisource…

    Votre réflexion m’a intéressée en raison de ma participation à un projet collaboratif « officiel »:le sudoc. Certains jouent le jeu, d’autre pas (notices faites à la va vite, manque de formation des agents…). Resultat: une qualité qui n’est pas optimale, et une perte de temps (corriger ce qui aurait du être bien fait des le debut…).

    Mathieu – 27.7

    Commentaire par 27point7 — lundi 13 février 2012 @ lundi 13 février 2012

  6. La co-construction en interne, dans le milieu pro, ressemble à une utopie. Non seulement nous sommes en permanence paralysés par la nécessaire hiérarchisation du milieu pro mais en plus nous ne faisons pas ce métier par passion. Je développe : je ne dis pas que les supérieurs hiérarchiques interdisent aux collaborateurs de participer, au contraire c’est parfois encouragé ; en revanche, si on le fait, on n’a pas le droit de se planter ou de le faire à moitié car c’est autant de temps ou d’énergie qui devrait être consacré à nos propres missions plutôt qu’à un travail de co-construction. Solution, et c’est le deuxième point, le faire en dehors de notre temps de travail, et c’est là que le bât blesse : on ne fait pas ce métier par passion, donc on ne va pas en plus le faire en-dehors du boulot.

    « Comment ? mais si on le fait par passion ! J’aime mon métier ! » Moi aussi j’aime mon métier et je suis bien content d’être en bib plutôt que sur une chaine de montage. Mais comme le démontre Ars Industrialis, on ne travaille en réalité que sous le coup de deux sanctions. Sanction positive, le salaire ; sanction négative, la rue. L’attrait du métier per se est très loin. Je suis très content de faire ce métier, et je le fais consciencieusement, mais ça ne reste qu’un moyen de gagner de l’argent pour mener ma vie au plus près de mes envies, et ces envies se situent du côté de mes amis, de ma famille, de mes hobbys, pas de mon travail. Quand j’ai passé une journée à bosser sur une collection ou au public, je n’ai pas envie d’aller collaborer, depuis chez moi, à des projets pour des collègues d’autres structures. Sans doute ne suis-je pas assez altruiste, mais j’ai tendance à penser que celui qui le fait : soit manque de choses à faire dans sa vie extra-professionnelle, soit est en quête de reconnaissance et/ou de plan de carrière (I mean no offense and with all respect due).
    En quatre mots : la vie est ailleurs. Mais peut-être cette aliénation/identification à son travail (qui après tout occupe quand même la majeure partie de notre temps !) est elle une autre ligne de démarcation entre FP territoriale et FP d’Etat.

    Quant à la co-construction avec le public, il me semble qu’elle est vouée à l’échec si on se concentre sur les collections ; c’est bien plus dans les animations et les services offerts au public qu’il faut tenter des choses. Demander au public de travailler sur les collections, c’est lui demander de travailler pour nous (je ne dis pas : de travailler à notre place), même si nous avons le sentiment que travailler pour nous c’est travailler pour eux, in fine. En revanche, travailler sur les services c’est réellement travailler directement pour le public. Et parmi ces services peut se compter, pourquoi pas ?, l’accès aux collections.

    Commentaire par Jebaco — lundi 13 février 2012 @ lundi 13 février 2012

  7. Fond et forme : le « participer -collaborer » n’est-il pas une brique dans l’approche de la culture numérique ? Auquel cas la bibliothèque en fait partie, à mon avis. Et doit jouer de sa médiation.
    Nourrir la bête Catalogue ne peut être le but ultime, bien d’accord. Mais créer les chemins qui vont y conduire, y compris à travers des « conversations », n’est pas un perte de temps.
    Ce qui manque ? Un outil d’évaluation commun de ces pratiques.

    Commentaire par mercurekotkot — mardi 14 février 2012 @ mardi 14 février 2012

  8. Encore une fois c’est le contexte qui prime : La MIOP propose par exemple 570 chroniques sur Babelio, qui sont ensuite redistribuées dans les OPAC. L’idée n’est pas de refaire du contributif dans les OPAC, mais d’utiliser les leviers de plate-forme nativement communautaires. On pourrait faire de même avec Wikipedia.

    Commentaire par pierre — mercredi 15 février 2012 @ mercredi 15 février 2012

  9. […] professionnels dument concernés et avertis auraient pu (du ?) se précipiter au portillon…Via bccn.wordpress.com Share […]

    Ping par Des publics utilisateurs aux publics collaborateurs : une fausse bonne idée ? « la bibliothèque, et veiller — mercredi 15 février 2012 @ mercredi 15 février 2012

  10. Cher Bertrand,

    Je trouve un peu de temps pour te répondre concernant la notion de co-création tel que je l’envisageais. Non, il ne s’agit pas d’intégrer les usagers dans l’organisation et la politique d’acquisition. Ces deux points sont en effet impossible et pas souhaitable. Les bibliothécaires restent maitres à bord dans ce domaine et dans la stratégie de leur bibliothèque. En revanche, il s’agit pour moi de prendre en compte l’évolution des publics, à savoir par exemple une élévation du niveau d’étude qui fait qu’il me semble qu’on ne peut plus se contenter d’être des lieux de consommation culturelle libre. Je caricature volontairement.

    Oui c’est une posture marketing avec l’idée qu’on peut élargir l’offre de services à moindre coût tout en offrant un espace participatif au sein de la bibliothèque: par exemple élargir l’offre de formation en proposant, en plus des ressources documentaires, un échange des savoirs de manière autonome ou en partenariat avec l’association idoine. Pour que l’animation (accueil d’auteurs ou conférence) ne soit pas juste un évènementiel éphémère mais pour créer une vraie dynamique autour pourquoi ne pas faire de nos lecteurs les reporters de cette animation avec lesquels nous pourrions créer des actions avant et après: préparation et compte-rendu.

    Face à la révolution numérique, la bibliothèque ne peut plus se contenter d’être un lieu concentrateur et organisateur des savoirs. Le web est certes moins bon que nous en terme d’organisation et d’orientation mais donne l’illusion de rapidité, de disponibilité et d’efficacité. Pour que les usagers viennent et reviennent à la bibliothèque, il me semble bien qu’il faut créer une expérience forte… si c’est pour faire la queue, être mal accueilli ou trouver personne pour des conseils autant rester chez soi devant son ordinateur (autre caricature mais il faut reconnaître que beaucoup de collègues qui sont venus dans ce métier pour gérer des collections sont loin d’être à l’aise face au public et je ne leur jette pas la pierre) L’une des manières de rendre forte l’expérience bibliothèque c’est de miser sur la relation humaine: rencontres avec des écrivains, des musiciens,… (pas forcément de manière trop formel comme pour des conférences) et avec d’autres usagers pour faire des choses ensemble. Je vois une sorte de maison de la culture réussie mais dont l’action se structure autour des contenus documentaires.

    Télérama de cette semaine évoque aussi un changement des publics du cinéma. Je pense en effet que nos pratiques culturelles changent et que les bibliothèques n’ont pas encore pris toute la mesure de ces évolutions. Je suis quand même assez effaré qu’il y ait si peu de publications professionnelles sur le public… On s’en remet trop à des études sociologiques qui sont utiles mais pas suffisantes. Quels sont les publics qui viennent? Quels publics veut-on toucher? Comment faire? Cela semble tellement évident qu’on ne se pose pas la question…

    Le BBF m’a d’ailleurs demandé de creuser se paradoxe pour un numéro de fin d’année… j’aurais donc l’occasion d’approfondir la question.

    Xavier

    Commentaire par Xavier G. — samedi 31 mars 2012 @ samedi 31 mars 2012


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